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onathan Hassine, les soldats et l’état dans le Liban en guerre. 1975-1999. PUF, 2025

onathan Hassine, les soldats et l’état dans le Liban en guerre. 1975-1999. PUF, 2025

Jonathan Hassine, les soldats et l’état dans le Liban en guerre. 1975-1999. PUF, 2025

 

Un tel titre laisse bien affurer du contenu de  ce livre qui présente toutes les qualités d’une enquête sérieuse, fondée sur l’exploitation des archives où se trouvent des sources en arabe ,  en français et en anglais.. Le sujet n’est pas aisé à définir, d’où ce titre aux relents d’un travail universitaire avec un style pesant et une démarche pesante. Ce n’est pas du tout le cas  , en ce qui concerne le présent ouvrage. Nous avons affaire à une enquête sérieuse sans être  ennuyeuse ,  l’’objectif est ailleurs et l’auteur  en a bien conscience puisqu’il signale  ès !les premières lignes, son intention de faire litière  de toutes ces opinions préconçues  qui  circulent  sur la question.

 

Il ne faut pas succomber à une confusion très  répandue : l’examen porte sur les années de guerre et non sur les circonstances du douloureux enfantement de ce état... J’ai moi aussi ressenti ce manque car je cherchais une réflexion géopolitique sur les circonstances qui ont modelé l’état libanais  dans son ensemble.

 

A l’évidence, les sujets sont imbriqués dans un véritable enchevêtrement. Mais cela ne tient pas aux chercheurs  eux-mêmes mais à la nature propre du canevas politique  et communautaire.  L’auteur commence par remonter à l’époque des officiers libres qui ont tenté de peser sur l’avenir du futur état que la France a créé en 1943 en lui accordant l’indépendance. Mais on est en droit de se poser la question suivante : ce découpage en fonction des communautés ethniques et religieuses ne pouvait pas  durer éternellement car la région en elle-même, vit depuis les origines dans une fluidité  institutionnelle  permanente, en raison, notamment, de l’évolution démographique : les chrétiens, jadis très influents et appuyés par les puissance occidentales, se sont retrouvés minoritaires dans leur pays.  Voici un fait déterminant mais dont les analystes occidentaux ne tiennent pas suffisamment compte : l’environnement exclusivement arabo-musulman du Liban. Comment survivre dans un tel paysage si l’on ne se fond pas, au moins un petit peu, dans cet Orient compliqué dont parlait le général de Gaulle ?

 

Et c’est là qu’intervient la position de l’armée qui, quoiqu’on en dise, est devenue, au fil des ans, communautaire au lieu d’être une armée nationale. Je sais que l’auteur défend une autre opinion, et avec raison ; mais cet effilochage, voire cette déliquescence des forces combattantes devenait inéluctable. Dans un pays ravagé par une guerre civile qui a duré plus de quinze ans, le concours d’une armée au service de la nation dans sa totalité, était vital .

 

Je ne sais pas s’il faut dire que chaque communauté avait choisi son camp  mais force est de constater que cette paralysie de l’exécutif libanais a fortement encouragé la création des milices. L’état n’ était plus le maître du jeu et l’armée  n’était plus le seul corps organisé du pays, obéissant aux ordres... Dans la l quasi-totalité des états de la région, l’armée est au pouvoir et défend la stabilité et l’ordre qu’elle a imposé . Et cela se fait toujours au détriment des valeurs démocratiques.

 

La classe politique libanaise, jusques et y compris le camp chrétien, porte une lourde part de responsabilité dans cette déliquescence de l’autorité de l‘ état.  A un moment donné, les chrétiens en sont venus à des affrontements armés alors que l’heure était au rassemblement et à l’union. Mais soyons justes : l’auteur parle d’extirpation du pays de cet environnement qui a fini par lui être fatal. Car, en plus de ce recul des Occidentaux , il faut tenir compte de la main  mise des Palestiniens sur le pays. L’auteur dénonce en termes mesurés l’influence des milices chiites pour faire du Liban  un membre de la confrontation armée avec le puissant voisin juif. Le rôle d’une armée nationale, dévouée à la défense de la nation,  aurait été de rétablir l’ordre et de défendre la souveraineté du pouvoir légal. Visiblement, l’armée ne l’a pas fait, elle n’a pas bougé. Ne voulait elle pas agir ou a-t-elle  été  empêchée de le faire ?

 

La situation est des plus complexes. Au Liban, rien n’est simple. Même aujourd’hui, on ne voit pas ce qui motive l’état de guerre avec le puissant voisin ; il n y a pas de grave problème de frontière ou de territoire entre le pays du cèdre et l’état juif. Pourquoi entrainer le Liban dans une guerre qui n’est pas la sienne ? On l’a vu dans la délimitation des frontières maritimes des deux pays. Le Liban a fini par faire prévaloir ses droits et ses intérêts. La situation n’est donc  pas gravée dans le marbre, elle est en constante évolution. Désormais, le pays du Cèdre est doté d’un président de la République et d’un gouvernement On l’a donc remis sur les  rails...

 

Le Liban et ses habitants ont été victimes  d’une grave injustice. Les régimes arabes qui entourent cette enclave de l’esprit occidental  ou  européen n’ont pas exercé une influence réellement bénéfique ; J’ai trouvé amusante cette expression que je n’avais encore jamais  lue précédemment, le Liban, «cette république des villages» . Il faut reconnaître que notre grille de lecture est différente de celle du milieu régional ambiant. D’où toutes ces incompréhensions entre les parties prenantes au conflit.

 

Au fond, la France mais aussi l’ONU et les autres institutions internationales ont échoué dans leur désir de faire cohabiter des communautés ethniques ou religieuses, malgré toutes les réticences de ces dernières. Le projet est beau au plan politiques mais les parties en présence n’en veulent pas. Peut-être faudrait il proposer un autre cadre juridico-légal...

 

Le Liban, un état failli ? Certes, pas encore mais qui  lutte de toutes  ses forces pour se reconstruire, rebâtir une économie, payer ses soldats, ses fonctionnaires, et assumer les tâches qui incombent à un état digne de ce nom. J’ai été surpris de voir que les soldats exercent plusieurs métiers en même temps afin de survivre ; par exemple faire le taxi... C’est que  les pouvoirs publiques savaient été contraints de réduire drastiquement les pensions. Or, il faut bien survivre avec les moyens du bord.

 

Ce livre est très riche et dispose de très nombreuses sources pour traiter le sujet. On peut être d’accord ou pas ; mais il est indéniable que les règles de l’analyse historique sont respectées.

 

Souhaitons au nouveau Liban une  nouvelle ère de bonheur et de prospérité. Et la paix.

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