Sur les traces de Maimonide en Égypte...
Sur les traces de Maimonide en Égypte...
Moïse Maimonide est né en 1138 en Europe, à Cordoue, mais c’est en Orient, plus exactement en Égypte et au Caire qu’il a mis la dernière main à son œuvre majeure, le Guide des égarés. C’est dans ce pays, situé à la confluence des cultures, qu’il a doté le judaïsme rabbinique d’une carapace défensive lui permettant de franchir les siècles sans trop d’encombre...
Cette traversée vers l’Égypte ne s’est pas faite par pur plaisir de la déconcerte de nouveaux paysages mais par l’impérieuse nécessité de fuir une secte fanatique arabe, les Almohades, qui n’allait pas tarder à déferler sur Cordoue et plus tard sou r Fès où la famille avait trouvé refuge. Le maintien en Europe n’»tait plus possible, il fallait partir. Mais les persécuteurs du médecin-philosophe allaient articuler contre lui l’accusation d’impiété au motif qu’il serait revenu au judaïsme de ses ancêtres prétendument quitté en Afrique du nord sous la contrainte, pour devenir musulman...
Cette légende malveillante qui cherche à nous présenter un Maïmonide manquant de force de caractère émanait d’un historien de la médecine arabe lequel n’admettait pas qu’un juif fût attaché au service de la mère du sultan... Fondée ou non, cette affaire aurait pu couter la vie à Maimonide puisque le sultan a jugé bon de voler à son secoures : s’il s’était agi d’une conversion sous la contrainte, elle devenait du coup invalide puisqu’elle avait été imposée par la violence.... Mais cette accusation ne reposait sur rien et ne fut reprise que par des partisans du judaïsme réformé en Allemagne au XIXe siècle, désireux de prouver par cet exemple, qu’il était permis de battre en èche ,la halakha dans certains cas.
Nous savons peu de choses concernant la vie privée du grand philosophe-herméneute ; nous savons, par contre, plus de choses sur son frère cadet, qui sera victime d’une naufrage dans l’Océan indien, laissant derrière lui une veuve et deux orphelines. Ce jeune frère nommé David se livrait au commerce des pierres précieuses et prenait n charge les besoins de toute la famille. Avec sa mort, Maimonide se trouva contraint de reprendre son activité de médecin traitant et aussi, de rembourser les avoirs des associés du disparu. Les rares fois où Maimonide se livre pudiquement à ses lecteurs, c’est à l’occasion du deuil de David. Il fait l’ l’éloge du disparu, loue son dévouement à sa s famille et don étude assidue de la Torah de Dieu.
C’est dan ne missive adressée à son traducteur le Tibbonide qu’il détaille son emploi du temps qui se révèle très chargé. Tôt le matin, aux premières lueurs de l’aube, il se rend au palais du sultan pour le soigner, lui et ses officiers, le cas échéant. Sa valeur lui vaut de devenir assez vite le médecin de la mère du monarque (la sultane validée). Maimonide saura exploiter cette proximité et cette confiance placée en lui par la cour.
Lors de la vicie du traducteur au Caire, Maimonide était déjà très vieux et à bout de force. Il ne put, dans ces conditions, prendre vraiment connaissance d’es thèses averroïstes beaucoup mieux étayées que les théories avicenniennes sur lesquelles s’appuie le Guide des égarés. C’est le moment de tordre le cou à des légendes qui ont la vie dure : Maimonide n’a jamais rencontré son alter ego cordouan Ibn Rushd (Averroès )mort en 1196...
Les communautés juives de la diaspora ont toujours été des milieux vivants et il était crucial d’entretenir de bonnes relations avec le pouvoir : Maimonide s’en souviendra pour éloigner, voire neutraliser un opposant qui entravai son action au sein de la communauté. Au terme de sa visite à tous les patients du jour, c’est à la nuit tombée que le médecin-philosophe regagnait sa maison, exténué et pouvait à peine tenir debout. Il doit, dit-il, s’allonger et dicter ses pensées à son neveu Abul Maali. La seule exception à ce programme chargé tient à la journée du chabbat au cours de laquelle Maimonide est au repos et peut faire l’exégèse de la péricope hebdomadaire devant les ficèles de la communauté...
Ces contestations intra communautaires n’avaient pas épargné les juifs du Caire au moment où Maimonide décida de se fixer au Caire et non à Alexandrie, la grande cité du pays mais, en raison de l’hégémonie des karaïtes sur place.
Lorsque Maimonide publia vraiment sa synthèse philosophico-théologise autour de lui, certains rabbins locaux marquèrent leur vive opposition dont la jalousie n’était pas absente. D’aoutes s’en prient à sa théorie de l’incorporéité de Dieu, prétendant que cette théorie était sujette à caution. On sait aujourd’hui qu’il s’agissait principalement de milieux proto-kabbalistiques, inquiets de la progression de l’abstraction, de la vaporisation et de et de la conceptualisation de la pensée juive vivante. C’est ainsi qu’il faut interpréter la spiritualisation du judaïsme, ressentie comme danger existentiel.. C’est aussi ainsi que s’explique l’exubérant symbolisme sexuel de la kabbale : on peut tout spiritualiser, excepté les racines de la vie...
Maimonide s’est attaqué aux questions les plus ardues mais on peut se demander s’il est parvenu à l’unité de sa pensée ou s’il a dû se contenter d’une incontournable dualité. La réponse se trouve justement dans sa conception de la société : aux sages la spéculation philosophique et à la masse l’obéissance à la loi prescrite par la théologie et l’enseignement religieux .