ean-Marie Rouart, Drôle de justice. Albin Michel
Jean-Marie Rouart, Drôle de justice. Albin Michel
Ce titre se veut générique, il reprend une partie des essais réunis dans ce beau volume. En réalité, l’auteur nous livre es doutes et ses hésitations concernent l’essence même de la justice. Il commence par décrire sur des dizaines de pages les difficultés qu’il eut, en tant que journaliste au Figaro, pour faire triompher ce qui lui semblait être une grossière erreur judiciaire.
Il n’est pas question de se pencher sur chaque cas allégué par l’auteur, mais on est sensible à son indignation légitime face à des erreurs judiciaires criantes. L’élimination providentielle de quelques témoin gênants peu avant leur comparution et leur témoignage, lesquels auraient alors mis en Chau cause des hommes politiques puissants. Mais, selon moi, ce n’est pas l’essentiel : ce qui est le message proprement dit, c’est la réflexion sur les maux de nos sociétés au premier rang desquels on trouve l’injustice. Ce qui est la racine de toutes nos imperfections et de tous nos maux, c’est l’impossibilité de rendre l a justice de manière parfaite. Depuis Platon et Aristote, voire même un peu avant, la justice et le bonheur s’affrontent..
La justice humaine ne se dit de la justice divine que par homonyme. Je ne cire pas à la théologie, mais il faut bien reconnaître que c’est une impossibilité évidente. Il suffit de s’en référer à la Cité de Dieu de saint Augustin pour en être convaincu. La cité terrestre a beau se dépasser et renchérir dans son attachement au modèle divin, le fossé ne peut pas être comblé...
Si je devais chercher un principe architectonique à cet ouvrage qui part un peu dans tous les sens, je dirai qu’il est à la recherche d’une éthique universelle fondée sur la justice, notamment sociale. On trouve aussi des aspects autobiographiques qui une laissent pas le lecteur indifférent. De multiples détails nous ramènent vers le journal où l’auteur a réa réalisé l’essentiel de sa carrière . Ce ne fut pas toujours facile mais on peut dire que c’est grâce à cette position si enviée de directeur littérature du journal qu’il a pu accéder à tant de distinctions académiques et sociales. Il en a l’étoffe, il faut bien le reconnaître.
Et ses préoccuperions ne sont pas exclusivement situées à droite. J’ai lu avec une certains émotion le passage consacré au SDF de Roissy. IL y a là un intérêt non démenti pout une humanité moins bienvenue, pauvre et oubliée. J’ai parlé d’éthique et cela me fait penser à l’œuvre d’Emmanuel Levinas et au souci de l’Autre. Le philosophe du visage parle en disant, mon moi ce sont les autres...
Je retiens aussi ici le rapport au livre, à la littérature. A quoi sert la lecture de livres portant sur les sciences humaines ? Comment l’âme humaine structure t elle les idéaux qu’on incarne avec plus ou moins de bonheur ? Comment sommes nous devenus sages, humains et fraternels ? Le rôle joué par la littérature est capital. Je peux citer au moins deux exemples où de grands esprits, voulant d’abord faire des études scientifiques s(en sont finalement d détournés pour faire de la philosophie et de la littérature : je citerai le philosophe Franz Rosenzweig et l’écrivain Stefan Zweug, l’auteur de Vingt quatre heures de la vie d’une femme. Sans omettre l’autre grand écrivain viennois, Le chemin de la liberté (Der Weg ins Freie)
La littérature met en valeur la solidarité de l’humanité. Cet élan, ce sentiment n’existe qu’entre des êtres humains. On est sensible au malheur des autres, les récits, les témoignages nous le font toucher du doigt, si l’ose dire...
Je me souviens d’une phrase lue chez un kabbaliste juif du XVIe siècle : la création est langage. On pourrait en dire autant de la littérature qui est faite de mots, d’idées de sentiments.. JMR souligne le fait q u’il s’intéresse au sort de ce malheureux, même s’il n’est pas de sa religion.
Voisci un livre écrit par un humaniste, illustrant des valeurs de même nature.