Alexandre Bande, Auschwitz 1945. Passés / composés, 2024.
Alexandre Bande, Auschwitz 1945. Passés / composés, 2024.
Pour le non-spécialiste que je suis, à l’instar de tant d’autres honnêtes gens, ce nom de ville polonaise tristement célèbre, se limite à un camp de la mort où plus d’un million de déportés, notamment des juifs, ont été suppliciés dans des circonstances proprement horribles. Eh bien, cet ouvrage vient nous apprendre qu’il n’en est rien et que de nombreuses structures industrielles étaient présentes, pour répondre à l’effort de guerre nazi. le camp d’extermination proprement dit cachait tant d’autres choses proprement inavouables.... Évidemment, cela signifie qu’avant et après Auschwitz, il y avait quelque chose : avant il y avait les plans de Himmler pour faire de cette zone un immense camp nazi s’étendant sur plusieurs hectares... Et après la guerre, la ville a suivi un autre type de développement, plus pacifique quoique pas toujours rassurant ni apaisé.
Tout commence avec cette date qui a fini par s’imploser presque partout, le 27 janvier 1945. Ce jour là, une escouade de soldats de l’Armée rouge entre dans la ville et libèrent le camp. Mais ce qui est frappant, voire même incroyable, c’est l’ignorance des soldats communistes de la craie nature de ce camp. Ils ne savaient pas qu’ils venaient de découvrir les crimes de guerre, les meurtres de masse qui y avaient eu lieu peu de temps avant leur arrivée. Certes, les autorités soviétiques avec Staline à leur tête, avaient une idée de la solution finale des nazis pour régler une fois pour toutes, la question juive. Mais sur le terrain, c’était incroyable. Ce n’est que petit à petit que les soldats entrèrent l’arme au poing dans cet univers concentrationnaire et génocidaire qu’était le camp d’Auschwitz. Certes, avant la date fatidique du 27 janvier, les nazis avaient jugé bon de détruire les preuves de leurs actes ignobles ; las chambres à gaz furent pour la plupart détruites, les preuves de la destruction massive des juifs d’Europe furent plus ou moins neutralisées. On brûla les cadavres, on planta des arbres et du gazon afin de faire illusion, on répandit du sable sur les fosses communes, etc... Mais dans la précipitation certaines preuves, notamment des listes de gens exterminées furent retrouvées et mirent les soldats au courant de ce qui s’était réellement passé dans ce lieu maudit.
Il m’est impossible d’entrer dans les détails mais ce que j’écris suffit à montrer que les grands groupes de l’industrie lourde allemande étaient très proches des lieux où les tortionnaires profitaient du travail des esclaves du IIIe Reich. Je pense à certaines matières premières, comme le caoutchouc dont l’industrie de l’armement était très friande ; il y avait aussi les vêtements, les chaussures, les lunettes, les cheveux qui s’étaient accumulés pendant ces années de persécution. A l’échelle de ce sinistre camp d’extermination, on ne pouvait pas cacher tout cela ; même en organisant leur destruction massive. Ironie de l’histoire, les nazis seront victimes de leur propre minutie puisqu’ils ont bien conservé dans les archives des preuves qui allaient témoigner contre eux. Quand vous prenez note du nombre de déportés gazés en une journée ou en une semaine, vous fournissez à vos futurs juges de précieuses preuves qui vont se muer en actes d’accusation contre vous-mêmes... Je pense aussi aux expériences inhumaines que des médecins SS pratiquaient sur des déportés, hommes et femmes. Ces dernières étaient souvent stérilisées contre leur gré, sans même parler d’autres pratiques vexatoires et humiliantes. Ce sui restait des personnes exterminées pointait dans la direction du génocide : où pouvaient bien être les êtres humains qui portaient ces lunettes conservées par milliers, ces valises, ces effets de toute nature ?
On pourrait presque conclure que ce camp était aussi un véritable volet militaro-industriel : véritable machine à tuer mais aussi machine à produire pour que l’effort de guerre nazi ne s’effondre pas. Lisons cette citation sur le caractère irréel du massacre : Impossible, en revanche, pour les soldats rentrés dans le camp, de percevoir l’ampleur du crime de masse que s’est déroulé sur ce site, impossible de saisir la réalité du processus génocidaire...
Ces atrocités dépassent l’imagination, ce qui explique les doutes initiaux qui accueillirent les récits de quelques fugitifs des camps : on ne croyait pas que de tels actes de barbarie aient pu se produire... Il faudrait citer les citations de Primo Lévi décrivant le désarroi des soldats soviétiques qui ne croient pas ce qu’ils voient. Ils se mettent à préparer des repas de secours servis aux affamés qui, pour certains, les ingurgitent trop vite, donnant lieu à des troubles gastriques, voir même la mort. Pendant trop longtemps, les détenus n’avaient pas reçu d’alimentation normale et un soudain changement sera fatale dans certains cas... PrImo Lévi souligne que les soldats étaient si perdus qu’ils n’échangent pas le moindre salut ni le moindre sourire avec les déportés, ces derniers étaient venus irréels.
Dans quelques semaines on célébrera le quatre-vingtième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Est-ce suffisant pour tourner cette page douloureuse de l’histoire humaine ?
Commentaires
Cette douloureuse page de l'histoire d'une humanité hautement civilisée est restée béante malgré ces quatre décennies qu'elle a traversé.
Cette béance s'est élargie le 7 octobre 2023 pour accueillir une nouvelle page douloureuse de l'histoire d'une humanité décivilisée.