OUTREAU, UNE JUSTICE INFAILLIBLE?
Trois ans avant sa mort et au terme d'une vie bien remplie, Ernesr Renan écrivait, en guise d'introduction à son Examen de conscience philosophique (1888) les lignes suivantes: «la production de la vérité est un phénomène objectif, étranger au moi, qui se passe en nous sans nous, une sorte de précipité chimique que nous devons nous contenter de regarder avec sérénité.
La quête de vérité gît au fondement même de toute volonté d'équité. Le séisme d'Outreau, aux conséquences si lourdes, montre combien on s'est écarté, volontairement ou pas, de l'impératif catégorique de la justice: identifier et punir les coupables, en épargnant les innocents. Mais si Outreau est entré dazns la légende pour longtemps, combien d'autres drames inconnus se cachent dans la société et continuent de laminer silencieusement d'autres individus qui ne bénéficient ni d'excuses ni de dédommagements.
Or, existe-t-il un domaine où la découverte de la vérité est plus cruciale et plus vitalke que le domaine judiciaire? assurément, non. Mais qui est en charge de cette redoutable recherche, sinon un être humain qui nous ressemble en tout point mais que ses fonctions investissent d'un pouvoir redoutable? Le juge d'instruction.
En dépit de mieses en cause à la fois massives, graves et récurrentes d'un même magistrat, il convient, pour élever le débat, de s'interroger sur toutes les cirocnstances qui ont rendu possible cette énorme erreur judiciare (onze personnes injustement détenues pendant des années) et de replacer le fonctionnement de la justice dans son véritable contexte, celui de la soéciété contemporaine.
Par delà les erreurs manifestes (et j'en veux pour preuve le cas de ce jeune détenu qui induit délibérément en erreur le juge en le lançant sur une fausse piste, les traces d'un cadavre imaginaire…) on ne saurait concentrer toutes les critiques sur un seul individu, même si son rôle dans le naufrage judiciare semble incontournable.
On ne rend pas la justice dans un espace éthérique ni en vase clos. Il existe des facteurs extérieurs qui déterminent, qu'on le veuille ou non, le prononcé de tel verdict ou de tel autre. Lorsqu'une société, accablée de mille maux et vacillant sur ses fondements, est ébranlée par des scandales de pédophilie, de meurtres en série, de séquestrations d'enfants et de crimes de toutes sortes, la pression des media et de l'opinion est si forte que nul ne peut, en définitive, se soustraire à l'esprit de son temps.
Pourquoi formuler une telle exigence à l'endroit exclsuif des juges? Faudrait-il leur interdire la lecture des journaux, l'audition des radios et des programmes télévisuels? L'évidence s'impose à tous: dans le verdict d'un juge se reflète nécessairement un certain état de nos sociétés.
Or, que voyons nous? Une démission généarale de toutes les sources traditionnelles d'autorité qui sont soit systématiquement attquées soit littéralement niées: familles, écoles, églises, sociétés philosophiques, aucune institution ne résiste à cette déferlante qui atteint nos sociétés dans leurs fondements mêmes. Plus rien, ou presque, n'a de sens.
Comment s'étonner, dès lors, de l'embrasement de nos banlieues puisque la cellule familiale, berceau indispensable de la pensée et première éducatrice des enfants, si tous les modèles, tous les pardigmes sont réduits à néant. Aux côtés de ce nihilisme qui ne veut pas dire son nom, on perçoit l'émergence d'un véritbale antinomisme, une attitude qui consiste à nier toute idée de loi? Or cette même loi se veut à la fois sage et pérenne: c'est la sagesse du législateur qui lui confère cette pérennité puisqu'elle ambitionne de fonder en droit l'équité. Depuis quelques années déjà, les majorités parlementaires varient dans leurs choix fondamentaux en fonction d'une opinion publique, d'une vix populi, nécessairement versatile, mais propre à déterminer, lors des prochaines consultations, la réélection ou la défait des parlemantaires… Ceci explique bien des choses: les mêmes qui se plaignent de l'insécurité croissante et réclament plus de répression (en l'occurrence, la généralisation de la détention provisoire) s'émeuvent des conditions de celle-ci et étalent leur indignation lorsque la justice commet des faux pas.
Est-ce la bonne méthode? Si les parents ont perdu tout prestige aux yeux de leurs enfants et que ces derniers se cherchent déséspérément d'autres modèles qu'ils ne trouvent plus, comme jadis à la miaosn ou dans leur environnement immédiat, comment leur transmettre ces quelques valeurs qui ne se trasmettent -originellement- que de père à fils et de mère à fille?
A la base de la profnde crise acruelle se trouve une incertitude qui affecte gravement tous les secteurs de la vie sociale, ce qui nous conduit immanquablement à la formation et à la préparation des magistrats. Or, les juges eux-même reçoivent une formation juridique qui ne les arme pas suffisamment bien pour affronter les situations auxquelles ils seront un jour confrontés. On a souvent pointé la jeunesse, voire l'inexpérience du juge, ce qui est probablement vrai. Mais dans le cas d'Outreau, son action, au témoignage même des personnes injustement incriminées, semble parfiatement dépouillée de toute émotion humaine, qui, en temps normal, incite des êtres nomraux à manifester une solidarité a minima avec des justiciables qui demeurent, qu'oiq'uils aient fait, des êtres humains.
On a pu lire dans les colonnes du journal Le Monde els belles et émouvantes déclarations du plus grand magistrat de France, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, Guy CAnivet, évoquant une justice rendue «les mains tremblantes», et recommandant de voir en le justiciable «son prochazin». Ces paroles frappées au coin du bon sens et empreintes d'une humanité profonde, sont-elles si difficiles à mettre en pratique?
DE toutes parts, des voix s'élèvent pour réclamer une refonte toatle des procédures pénales. Cette exigence est parfaitement fondée et l'on ne peut que s'-étonner de l'étonnement des parleme,ntaires découvrant l'application concrète des lois qu'ils ont eux mêmes votées: la brutalité des perquisitions matinales, le transférement des gardés à vue et leurs interrogatoires pratiqués parfois sans ménagement.
On ne fermera pas le dossier d'Outreau en se servant d'un bouc émissaire, voué aux gémonies et chargé de tous les péchés. C'est à un examen de conscience, comme l'écrivait il y a plus d'un siècle Ernest Renan, que nous sommes tous conviés. Et d'abord en se disant que cela paut arriver à n'importe qui, qu'il faut être prudent lorsqu'il y va de la vie et de la liberté d'un être humain. Et au-delà de l'institution judiciaire qui a visiblement commsi des erreurs graves, il y a les grands moyens d'information qui ont involontairement prêté la main à ce déni de justice en gavant leurs lecteurs en quête d'émotions rares et impures…
Ici bas, nul n'est infaillible. Pas plus qu'l n'existe d'infaillibilité pontificale, il n'existe d'innerance (impossibilité d'errer, de se tromper; se dit des prophètes) judicaire.