Juifs de Colomb Béchar, unecommunauté aux portes du Sahara...
L’histoire du peuple juif se constitue d’un grand nombre de groupes humains, rassemblés autour de quelques grands maîtres qui leur dictent l’interprétation correcte du verbe divin. C’est donc une sempiternelle recherche identitaire puisque toutes ces contrées, tous ces pays, n’t’étaient pas la Terre promise mais des lieux de transit, préparant le grand départ, le grand retour promis par les grands prophètes hébreux depuis le VIIIe siècle avant notre ère.
Cela peut porter le nom de messianisme ou, plus simplement, de sionisme. Pourtant, tous ces juifs expatriés adhéraient à leur patrie d’adoption, tout en appelant de leurs vœux le rétablissement de la nation en Terre sainte.
Le comportement des juifs installés à Béchar ne fait pas exception à la règle : vivre aux portés, du Sahara, y fonder des familles et vivre selon les lois religieuses prescrites. On va tenter dans ce papier d’abstraire les traits les plus marquas pour se faire une idée de la vie de ceux qui ont connu cette communauté. C’est aussi un hommage posthume à ceux qui ne sont plus, mais dont les descendants continuent d’incarner la vie de ces communautés.
Je n’y suis pas né, mais j’y ai vécu près de sept années, avant de quitter Béchar pour ne plus jamais y revenir. Il faut dire que contrairement aux autorités du Maroc voisin, l’Algérie n’a pas cherché à encourager le retour au pays, ne serait ce que pour y entretenir les cimetières où gisent les êtres chers.
Lorsque je suis arrivé dans cette ville, j’ignorais qu’elle allait occuper une place de choix dans mon existence. Né à Agadir, comme toute notre fratrie, je découvrais un monde nouveau. Le climat n’était ps du tout le même que l’Agadir de mes premières années ; les vents chauds du Sahara alternaient avec des hivers rigoureux... Il fallait s’adapter.
Les habitants n’étaient pas les mêmes qu’au Maroc dont ils étaient, pourtant, en majorité originaires. Mais tous étaient des êtres généreux, animés par un fort sentiment d’appartenance au judaïsme et à la pratique religieuse.. Certes, l’appartenance à la France développait un socio-culture proche de celle de la métropole.
Mais la taille de cette communauté ne justifiait pas l’envoi par Paris et par le Consistoire central d’un rabbin ou d’un ministre officiant attitrés.... Ce judaïsme local est resté fidèle à ses origines, il n’a pas tenté, comme à Alger ou à Oran, de singer la métropole. Il a jalousement préservé ses airs et son style et ses sermons en judéo-arabe. J’entends encore aujourd’hui les chants des grands officies liturgiques, à l’occasion des fêtés de Tichri.
Au fond, l’unité de l’histoire d’Israël est un mystère. Comment le minhag (le coloris local) a-t-il fini par se fondre dans la règle normative, la halakha, générant un ensemble dense et conséquent, résistant aux assauts du temps et des persécutions ?
Quand on y pense, cette communauté de Béchar n’avait pas de gros moyens, elle fonctionnait avec peu de choses. Je mentionne les noms de quelques notables qui avaient réussi à se porter au-devant de certains projets, en accord avec la métropole. Les Amar, le Sebban, les Hazout, les Abihssira et quelques s autres. Les Cohen, les Lévy, et tant d’autres.
Il faut dire un mot de la direction spirituelle et religieuse de cette communauté : le nom qui se détache largement de tout le reste est celui du grand maitre, Rabbi Chalom Abishsira qui a étudié sous la direction de grades maîtres de la halakha, installlés au Maroc voisin, notamment à Oujda. Et pour encadrer les communautés il fallait de contenter de ce qui existait sur place Rabbi Chalom avait un frère cadet qui a marqué don époque, rabbi Yossef Abihssidra, mieux connu sous le nom de Baba Chou. On oublie parfois de souligner que cette communauté de Béchar était largement d’origine marocaine. Rabbi chalom a fini s ses jours dans la communauté juive de Marseille tandis que son frère s’est installé avec ses enfants à Paris.... Tous deux, chacun à sa façon, ont marqué de manière indélébile leur ville et porté aide et assistance à leurs coreligionnaires. Grâce leur soit rendue et qu’ils en soient remerciés.
Le séjour en Algérie ne fut pas un vrai dépaysement, en raison de la distance réduite des lieux... Ces hommes incarnaient la tradition religieuse héritée de leurs ancêtres, remontant parfois aux XIV-XVe siècles.
Dans sa grade majorité, cette communauté bécharienne était traditionnaliste. Les gens respectaient le chabbbat et n’ouvraient pas leurs magasins en cette journée solennelle. L’endogamie était la règle à de très rares exceptions près.
J’ai le devoir de citer un rabbin qui a prospéré dans cette ville de Béchar et qui s’est vu confier l’éducation religieuse des enfants. Nous fumes tous des élèves de Rabbi Messaoud Assouline, pour les intimes, rabbi Messaoud ; à Paris, le consistoire lui confia le contrôle de la cacherout, une tache dont il s’acquitta avec brio. Pour des générations, il incarnait le Béchar des souvenirs mais aussi de l’avenir, celui des régions françaises..
Je vis comme un dilemme la nécessité de faire des choix pour évoquer cette part de vécu. sIl y y avait à Béchar toute une tradition qui consistait à affubler chaque individu ou chaque famille d’un sobriquet. Cela plaisait aux gens lors de rassemblements festifs.
Avec les membres du milieu environnant exclusivement musulman, les choses se passaient correctement. Du temps de la colonisation qui a duré près de 130 ans, l’armée française maintenait l’ordre...
L’Indépendance en 1962 a mis fin à la présence juive à Béchar, comme dans le reste de l’Algérie. Mais les gens ont emporté avec eux toute une histoire des coutumes et des traditions de cette ville. Chaque fois qu’une opportunité se présentait, on évoquait par des chants et des souvenirs le bon vieux temps dont le vécu s’était gravé dans les mémoires.
Aujourd’hui encore, des natifs de la ville maintiennent en vie toute une tradition sauvée de la disparition. Je me souviens de notre lycée de la Barga, de nos professeurs d’histoire, d’anglais et de littérature française (Lagarde & Michard). Mais si les pierres avaient un jour le don de la parole, que ne raconteraient elles pas sur notre chère ville de Béchar ! Les jeunes écoliers que nous étions avaient créé une feuille de journal
A dos de chameau... Tout un programme.
Dans ces quelques pages, j’ai tenté d’ouvrir la voie à des retours plus généraux et plus réguliers. Que d’autres plumes plus avisées prennent la relève : il y a encore tant de choses à dire....
Maurice-Ruben HAYOUN