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L’IDENTITE ISLAMIQUE ET LA CULTURE EUROPEENNE

 

  L’IDENTITE ISLAMIQUE ET LA CULTURE EUROPEENNE…
    Dans la Neue Zürcher Zeitung du  18 mai on peut lire un très long et très suggestif article allemand d’Arnold Hottinger sur l’identité islamique. L’auteur tente d’analyser les causes qui mènent à l’islamisme et donc à la radicalisation des pays musulmans. Sa thèse principale est qu’il n’existe pas un seul et unique islam mais plusieurs qui portent la marque et l’histoire des pays où cette religion s’est installée. Il insiste à juste titre sur les différences entre des pays comme l’Afrique du Nord d’une part, et d’autres contrées comme l’Inde et le Pakistan, mais aussi l’Egypte, l’Iran et l’Irak.
    Au gré de l’auteur qui semble bien connaître son sujet,  c’est une présence invasive des valeurs occidentales au sein du monde traditionnel musulman qui expliquerait ce qu’il qualifie de crispation identitaire. En d’autres termes, il n’y aurait rien de religieux dans tout cela mais simplement une démarche défensive qui, poussée dans ses derniers retranchements, explique, sans les justifier ni surtout les excuser, les débordements que l’auteur condamne sans réserve.  Au fond, il pose la question de l’essence de l’islam. Oui, quelle est l’essence de l’islam ? Selon l’auteur, il ne faut pas la chercher dans l’islamisme. Et ceux qui le font commettent une erreur lourde de conséquences.
    D’une certaine manière, on fait ici le procès d’une certaine mondialisation qui n’a épargné aucun pays ni aucune civilisation. Les musulmans se seraient sentis, à tort ou à raison, exclus de cette vague déferlante qui emporte tout sur son passage, y compris les valeurs traditionnelles auxquelles ces populations sont légitimement attachées.
    Comment et pourquoi les valeurs anciennes ne résistent-elles pas avec succès, c’est-à-dire victorieusement, à cette invasion, perçue comme une occidentalisation à outrance ? Selon M. Hottinger, les mondes islamiques (puisqu’il n’y a pas un, mais plusieurs islams) n’auraient pas encore trouvé la recette du succès qui semble être devenu l’apanage exclusif du monde chrétien ou occidental. Les réactions, voire les oppositions acharnées des masses musulmanes, bien que de nature différentes selon les pays concernés, ne dénoteraient pas une réponse de nature religieuse mais seraient simplement la manifestation d’une impuissance génératrice de frustrations et de violences… D’où le repli identitaire et toutes les crispations qui vont avec. L’auteur de l’article explique que l’on met en avant cette attitude parce que l’on cherche un refuge inexpugnable où ces valeurs, battues en brèche par la mondialisation croissante, pourraient survivre. En d’autres termes, ces gens seraient en quête d’une stratégie de survie. Et pour articuler ce discours, pour lui donner un minimum de substance, les adeptes de ce repli identitaire arguent qu’il suffit de respecter scrupuleusement certaines règles religieuses pour rétablir l’ordre ancien.  La religion n’intervient donc plus en première position mais occupe la seconde place. En philosophie ou en sociologie on appelle cela une instrumentalisation.
    L’auteur introduit aussi les données économiques dans son raisonnement : les pays concernés ont subi, nolens volens, des évolutions pas toujours bien maîtrisées ; ils sont obligés d’exporter ce qu’ils ont chez eux, le pétrole par exemple quand ils en ont, afin de nourrir leurs populations en proie à une démographie galopante. Ils introduisent donc chez eux les ingrédients d’un mode de vie qui ne semble pas leur convenir Il offre aussi quelques exemples assez surprenants dont on se demande comment on aurait pu en changer la nature : ainsi, dans les étendues désertiques où paissent les moutons et les chameaux, il faut désormais porter aux animaux l’eau à l’aide de véhicules à moteur alors que jadis c’étaient les bêtes qui étaient conduites à l’abreuvoir… Mais, souligne-t-il, toutes ces évolutions n’ont rien à voir avec la religion alors qu’elles provoquent un refus qui se donne des airs religieux. 
    En d’autres termes, comment vivre harmonieusement avec son temps alors que l’on a vécu hors du temps ? Il y a là une inadéquation qui finit par virer à l’écartèlement et développe une véritable schizophrénie… Il est vrai que la civilisation européenne est d’extraction judéo-chrétienne et que, sur le plan de la technique ou de la technologie, elle a remportée bien des succès.
    Alors que faut-il en penser ? L’article m’a séduit par son sérieux et la solidité de sa documentation, mais il ne m’a pas vraiment convaincu. Je  me souviens que lors de sa visite en Allemagne de l’est, peu avant la chute du mur de Berlin,  M. Gorbatchev avait dit aux dirigeants communistes de Berlin-est que ceux qui ne suivent pas l’évolution de l’histoire seront tôt ou tard balayés par le vent de l’histoire. On connaît la suite. Le prophète du Kremlin avait vu juste. Nul ne sait où va le monde ni ne comprend bien son évolution.
Hegel parlait de l’histoire comme d’un gigantesque réel en devenir. La vénération d’un passé révolu dont on souhaite le rétablissement conduit au fondamentalisme. C’est là le danger qui menace. Et il convient de le conjurer.

 

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