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De la question arabe en Israël

 

De la question arabe en Israël

Chaque année, chaque été, je tente de voir si les populations juive et arabe communiquent entre elles. Je ne dis pas se mêler l’une à l’autre, car ce serait irréaliste et trop d’obstacles en obstruent encore la voie. Je vise simplement ce que les diplomates ou les professeurs nomment des relations courtoises. Ce qui veut dire, en clair, que l’on se déteste cordialement mais que l’on fait semblant qu’il n’en est rien… C’est ainsi que certaines universités parisiennes ont instauré un règlement qui nous contraint à nous adresser les uns aux autres avec la formule bien convenue : Mon cher collègue .. alors qu’il n’en est rien.

Ce qui m’a frappé hier soir sur le bord de mer à Natanya, c’est le confinement (volontaire ?) de quelques familles arabes israéliennes dans des fast food et leur déplacement en groupes, jamais seuls, toujours en famille : les femmes tchadorisées, les hommes marchant devant et les enfants derrière. Ce qui a aussi retenu mon attention, c’est le regard des gens, même des touristes francophones dont la plupart sont des séfarades et connaissent donc bien ls Arabes car ils naquirent dans leurs pays en Afrique du nord. Le regard n’est pas franchement hostile (même si parfois, c’est bien le cas), il est surtout interrogateur. Il signifie : mais que veulent ils ? Que font ils ici ? Par exemple, je n’ai encore jamais des Arabes attablés dans des restaurants à côté de nous, même sur le bord de mer, j’ai pu voir des jeunes filles arabes, sérieusement encadrées par leurs grands frères ou leurs amoureux, déambulées le long du rivage. Mais déjeunant ou dînant comme tout le monde, jamais ! Même à Tel Avi, cela m’avait intrigué. Je n’ai vu d’Arabes israéliens sur des terrasses que dans le voisinage immédiate de Jaffa, yafo en hébreu, une cité magnifiquement rénovée, une ville où vous allez de découverte en découvertes et sur laquelle les artistes peintres ont jeté leur dévolu en raison de l’existence (pour combien de temps encore ?) de larges volumes, de lofts si prisés des créateurs.

J’ai entendu des gens dire au restaurant que ces Arabes étaient originaires de la localité arabe voisine, Tulkarem. Pour les gens de Natanya, c’est une référence assez sinistre car c’est de là, dit-on, que sont venus il y a des années des commandos suicides qui se sont faits exploser parmi les dîneurs sur les terrasses des cafés. Je me souviens moi-même de la présence de gardes armés faisant les cent pas devant ces mêmes terrasses, il y a quelques années.

Donc, pour revenir à la question, les populations se croisent sans se voir, se côtoient sans vraiment échanger. Est-ce étonnant ? Pas vraiment. Avant de prendre mes vacances, j’ai regardé au Saint-James les programmes d’al=Djazira, lundi soir dernier, si je ne m’abuse.. Et, hasard ou coup providentiel, j’ai vu un reportage de plus d’une heure sur les Arabes israéliens, chrétiens et musulmans. Tous, à une exception près, se sont plaints d’être confinés mais tous disaient aussi qu’ils se condiréaient comme des Palestiniens de l’intérieur et revendiquaient, nonobstant cela, fermement leur nationalité israélienne.. Leur contradicteur s’est insurgé là contre, arguant qu’aucun pays au monde ne pouvait réchauffer en son sein les Œufs du serpent (verbatim et pas de moi). On ne peut pas, disait-il, admettre chez soi des gens qui ne rêvent que d’une chose : assister à la chute des structures sionistes de l’Etat d’Israël.

Mais les jeunes et virulentes jeunes Palestiniennes interviewées ont rétorque en se plaignant du faible taux d’élites arabes formées par Israël. Mais là je dois dire que c’est inexact : il suffit de se rendre dans les universités de Haïfa et de Beershéva pour se convaincre du contraire.

Mais la vraie question qui se pose même si personne n’ose l’exprimer au grand jour est tout de même celle-ci : si un Etat palestinien venait à exister un jour, certains pensent que l’emplacement naturel de tous ceux qui se disent palestiniens de l’intérieur serrait dans les frontières de cet Etat. Et là nous aurions un imbroglio politico-juridique à côté duquel même la question des réfugiés serait un problème mineur.

Alors où se trouve donc l’ébauche d’une solution ? J’ai toujours pensé que la question ne sera en voie d’être réglée que si l’on exhume nos racines communes : aucune langue n’est aussi proche de l’hébreu que l’arabe. Aucune généalogie ne rapproche les Juifs des musulmans que la généalogie abrahamique… Les Juifs ont fait avec leurs voisins arabes (même si cela ne fut pas toujours facile et le cas de Maimonide est emblématique à ce sujet) plus qu’avec toute autre nation, ils sont créé une langue, à la fois littéraire et philosophique, le judéo-arabe. Depuis Daoud ibn Merwan al Muqammis jusqu’à Joseph ibn Waqar en passant par Saadia Gaon et tant d’autres (sans même parler des philologues et des grammairiens karaïtes) les penseurs de cette aire culturelle et géographique ont écrit la philosophie juive en arabe mais avec des caractères hébraïques. Je pense à un philosophe iranien médiéval Mohammed ibn Zacharya al Tabrizi dont j’ai édité le commentaire des XXV propositions de Maimonide dans la seconde partie du Guide des égarés. Al-Tabrizi (fin du XIIIe siècle) a commenté en arabe ces XXV propositions et son texte fut traduit deux fois en hébreu.. C’est dire les affinités intellectuelles entre les hommes de culture.

Mais voila, tous les gouvernements israéliens n’ont eu affaire qu’à des groupes terroristes ou des leaders qui ne rêvaient que d’une chose : les détruire et prendre leur place. Et ça, ce n’est pas de la culture, c’est de la haine. Or Goethe disait que la haine que la haine se situe au plus bas niveau de la culture (Der Hass liegt auf der untersten Stufe der Kultur).

 

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