La journée du 9 du mois d’Av Cette journée de deuil et de contrition est tout de même impressionnante. Hier soir, retour d’un agréable passage à Herzliya, une sorte de Neuilly de Tel Aviv, nous avons voulu prendre l’air sur le kikar de Natanya. Et là, surprise, tous les restaurants étaient fermés, quelques personnes âgées étaient attablées mais rien sur les tables, pas un seul verre, pas une seule assiette. Rien, absolument rien. Depuis hier en fin d’après-midi, nous avions remarqué que la plage se vidait de manière inhabituelle, vers 18h, alors que les nageurs sont encore nombreux sur le sable ou dans l’eau, là plus personne. Les gens se disaient entre eux que la veille du jour de deuil national, la destruction des deux temples de Jérusalem, il fallait aller se recueillir et rejoindre les synagogues et se préparer au grand jeûne, qui dure plus de 25 heures. En cette journée de souvenir, on récite le rouleau des Lamentations, attribué au prophète Jérémie, réputé pour ses plaintes et ses récriminations, d’où le nom de Jérémiades.. Même pour la prière du matin, on ne met pas les tefillin, on attend la fin de l’après-midi pour le faire. Lors de la prière du soir, qui précède la rupture du jeûne, les choses vont nettement mieux et le deuil est en passe de disparaître. Cette manière de revivre un passé par une nation à la fois vieille et jeune, ne laisse pas d’être intéressante. Même les laïcs y accordent une certaine importance même s’ils ne se soumettent pas aux mêmes obligations rituelles. C’était particulièrement frappant hier soir à Herzliya. Différences sociologiques, moindre attachement à une forme populaire de la religion, approches plus historiques et plus critique de la tradition. Les scènes les plus vives se déroulent à Jérusalem où le dernier vestige du Temple est là, sous les yeux de la foule des orants. C’est dire la complainte des gens qui implorent la reconstruction du Temple détruit. N’oublions pas que l’historiographie deutéronomiste a exalté le rôle de David et de son fils, le roi Salomon, faisant de ces roitelets des monarques forts et puissants. Charles Maurras accordait une grande importance aux cimetières et au culte des morts pour la patrie. La tradition juive n’a git pas très différemment en maintenant en vie le souvenir de la destruction du Temple. Je me souviens du temps de mon enfance où mes parents prenaient très au sérieux cette triste commémoration. Mais la tradition juive a su faire des concessions intelligentes à la vie : de même qu’un deuil ne dure jamais plus de six jours, car il est suspendu à l’arrivée du chabbat, ainsi la semaine suivante, c’est-à-dire dans trois jours, c’est une autre ambiance, celle de la consolation et du renouveau. Pour comprendre la sensibilité israélienne et la mentalité pluriséculaire du peuple juif, il faut se pencher sur leur façon de vivre les tragédies du passé. Afin d’éviter à tout jamais qu’elles ne se reproduisent.