La France perd son triple A
A l’évidence, le gouvernement français a mal géré sa communication en envoyant le ministre de l’économie et des finances annoncer cette sombre nouvelle à la télévision. Certes, ce n’est pas de sa faute, mais il eût fallu plus de force de conviction, d’esprit d’entraînement et d’enthousiasme pour redonner aux Français un peu d’allant et de confiance ne soi. François Fillon aurait mieux fait l’affaire, mais peut-être se réserve-t-il pour une allocution ultérieure.
Mais le plus grave se situe en amont : il fallait dire aux habitants de ce pays que depuis plus de trente ans leur pouvoir d’achat, sans cesse grandissant, n’était pas gagné, c’est-à-dire ne reflétait pas la richesse réelle de leur pays, mais qu’il était emprunté (au sens propre du terme) et artificiel. Les plus anciens parmi nous se souviennent du courageux Raymonde Barre lorsqu’il supprima l’échelle mobile des salaires, suscitant une incroyable levée de boucliers. Et plus proche de nous, le gouvernement de Nicolas Sarkozy, faisant face à d’innombrables grèves pour imposer (je dis bien imposer) une bien timide réforme des retraites.
Qui aura le courage de dire la vérité aux Français ? Surtout en cette période de campagne électorale ? Faudra-t-il entonner une sombre élégie, un peu comme David apprenant la mort de Saül et de Jonathan sur le champ de bataille de Guilboé, ou, au contraire, agir comme un homme, prendre le taureau par les cornes, retrousser ses manches et se mettre enfin au travail, au lieu de continuer à tout attendre d’un Etat-Providence (Welfare state) que l’on transforme en Ersatz de parents, même quand on n’a plus l’âge de se comporter comme des enfants ?
Dans l’un de ses livres, l’actuel chef de l’Etat se targuait (et je n’ai pas de raison d’en douter) de savoir transformer toutes les épreuves en forces, c’est-à-dire faire face, relever le défi, explorer de nouvelles voies et surtout dire la vérité aux Français.
Les économistes les plus sérieux mais aussi les plus pessimistes sont d’avis que les Français vivent largement au-dessus de leurs moyens, à hauteur d’environ 15% ! Rendez vous compte : si quelqu’un gagne un salaire moyen brut de € 5000, la mesure de rétablissement le ramènerait à € 4250. Je doute que les gens acceptent, surtout s’il gagnent €2000, car cela les ramènerait à € 1700 !
Pour un pays comme la France, le premier à avoir fait une révolution en Europe, le seul à avoir osé décapiter un roi de droit divin,, ce serait la fin de tout.
Le problème est que le traitement économique et financier de la crise profonde que nous traversons n’est pas suffisant, il faut un accompagnement social et politique. Or, de telles mesures édulcoreront fortement le pouvoir curatif de la potion.
Je ne voudrais pas passer pour le thuriféraire de l’Allemagne (qu’on m’accuse régulièrement d’encenser, c’est le cas de le dire, dans tous mes articles) mais il faut bien reconnaître qu’elle récolte les fruits des réformes faites par Gerhard Schröder… Un socialiste ! Mais un socialiste allemand ! Le PS, quant à lui, n’a que deux recettes : taxer les riches pour lever des fonds qu’il allouera ensuite généreusement à ses partisans afin qu’ils continuent de voter pour lui.
Mais ne cédons pas à la sinistrose ambiante : si le pouvoir sait enfin réagir courageusement, il peut retourner la situation en sa faveur : mettre le peuple français devant ses responsabilités, lui expliquer la nécessité d’une cure, d’une meilleure gestion de la Sécurité Sociale et lui expliquer enfin qu’égalité ne signifie pas égalitarisme.
Y parviendra-t-il ? Dans l’état actuel, il est permis d’en douter.