Mais où va donc l’Egypte de Monsieur Morsi ?
C’est bien la question que tout le monde se pose depuis une bonne semaine. Si l’actuel président égyptien, adeptes des Frères musulmans, donc un islamiste, a procédé à des nominations dans la haute hiérarchie militaire sans provoquer, pour le moment, de réactions violentes, on peut dire que c’était prévisible. Mais petit à petite, il se livre à une sorte d’opération de grignotage qui risque, à terme, de provoquer des réactions dont nul ne peut prévoir l’intensité.
Monsieur Morsi n’a aucune expérience politique, il n’a jamais rien dirigé et son élection est presque due à un hasard puisqu’il a remplacé au pied levé un autre candidat, invalidé par la commission électorale en raison d’une affaire de double nationalité. Il commence chacun de ses discours par des références à Dieu. C’est bien, c’est même touchant, mais ce n’est, hélas, pas Dieu qui détermine l’économie d’un pays de 90 millions d’habitants et où règne la désespérance économique…
Or, Monsieur Morsi entend déplacer l’Egypte et sa politique étrangère vers d’autres centres de gravité. Certes, il ne fera pas d’étincelles, eu égard à la pauvreté de son pays. Mais il a commencé sa tournée à l’étranger par une visite aux Saoudiens, grands soutiens de l’économie égyptienne mais aussi alliés indéfectibles des USA dans la région. Il avait besoin de l’appui du royaume wahabite qu’il convient de ne pas mécontenter si l’on eut pouvoir compter sur sa manne financière. Ensuite, il s’est rendu à Pékin et, pour finir, il est allé à Téhéran, une capitale avec laquelle l’Egypte a rompu depuis l’avènement de Khomeyni en 1979. Cette dernière visite ne prête pas à conséquence et ne veut pas dire grand chose, d’autant que les Iraniens ont trafiqué la traduction du discours de M. Morsi qui s’est livré à une violente critique du régime syrien… Mais les Iraniens ont remplacé Syrie par Bahreïn où la minorité sunnite opprime la majorité chiite… Quelles mœurs !
M. Morsi n’ira aux USA qu’après. Est-ce un signe, un symbole, un message ? Pas vraiment. Nous aurions tort de croire que le monde entier pense comme Descartes ou Aristote ou les Evangiles. Le principe de l’identité et de la contradiction, que votre oui soit un oui et votre non un non… Dans cette culture et cette région du monde, on s’engage dans plusieurs directions à la fois.
Et le dernier signe contradictoire est l’apparition d’une journaliste voilée à la télévision égyptienne alors qu’une telle chose était impensable du temps du Pr Moubarak. Alors que penser de tout cela ? Rien. Tant que ces gens n’auront pas compris qu’il faut d’abord assainir l’économie, donner du travail aux gens au lieu de faire du bourrage de crâne.
Mais voilà cela exige que l’on retrousse ses manches et que l’on se mette au travail. Et àa, c’est nettement plus difficile que des jacasseries politiques.