Stéphane Hessel, un personnage controversé.
Lorsqu’on a reçu une éducation éthico-religieuse dès son plus jeune âge, et que cet enseignement nous a été rappelé chaque jour que D- fait, une fois qu’on a atteint l’âge de raison, on ne peut plus s’en défaire ni, simplement se refaire. J’ai donc longuement pesé le pour et le contre avant de prendre la plume pour parler d’un homme qui n’est plus et qui a autant d’admirateurs inconditionnels que d’implacables censeurs.
Les règles biblico-talmudiques concernant la manière de parler d’un défunt sont très claires : deux péricopes lues le samedi matin à la synagogue sont parfois réunies et connaissent une lecture continue alors qu’en principes, les deux textes en question sont lus successivement. La première péricope commence par les mots Aharé mot (après la mort) et la seconde par Qedoshim (saints). Comme il n y a pas de copule en hébreu, on lit ainsi la phrase obtenue : aharé mot qedoshim : une fois qu’on est mort on est saint, c’est-à-dire on devient intouchable, quels que soient les controverses et les agissements de sa vie terrestre…
Or, Stéphane Hessel est, comme chacun sait, né dans une famille juive originaire d’Allemagne. Raison de plus pour lui appliquer la règle, même s’il n’a pas toujours fait preuve d’un grand discernement et d’une certaine mesure dans ses jugements à l’emporte-pièce et ses condamnations péremptoires dans certains sujets. nous pensons notamment à Israël qu’il accablait de ses critiques tout en couvrant d’éloges les Palestiniens. Certes, je ne suis pas de ceux qui accablent les uns et trouvent toujours des excuses aux autres, et je pense que comme tout pays, Israël peut être critiqué, à condition, toutefois, de tenir la balance égale entre les deux parties.
Pour rester fidèle aux principes évoqués plus haut, je n’en dirai guère plus et entends me concentrer sur le livret qui a fait son quart d’heure de gloire, le fameux pamphlet Indignez vous. Tout le monde en a parlé, même un de mes amis, un éminent représentant du corps diplomatique allemand a jugé bon d’attirer mon attention sur ce texte de 32 pages qui a fait le tour du monde.
Et que dit l’auteur dans ce texte ? Pas grand chose, en vérité, il rappelle dans une langue sobre et accessible à tous que les êtres humains que nous sommes ne devraient pas tout accepter ni abdiquer devant des forces apparemment imbattables et indéfrisables. Ce fut surtout un formidable déploiement de la communication stratégique qui a fait vendre ce livret comme des petits pains… Il est intéressant de voir si l’on se souviendra du livre et de son auteur dans moins d’un an.
Le seul hommage à rendre à la mémoire de cet homme doit l’être au résistant qu’il fut.
Pour le reste, comme le recommande un principe talmudique, on ne débat pas avec un lion mort. Pour quelle raison ? Mais parce qu’il ne peut plus se défendre et que la mort conduit à l’extinction de toutes les critiques. Même les plus fondées.
Maurice-Ruben Hayoun
In Tribune de Genève du 8 mars 2013