Que va-t-il se passer en Turquie à l’issue du procès qui dure depuis près de quatre ans ?
C’est ce matin, nous dit-on, que le tribunal va prononcer son verdict concernant des centaines de personnes, allant du simple journaliste d’opposition à l’ancien chef d’état major des forces armées, accusées d’avoir tenté de renverser le régime islamiste de M. Erdogan. Selon une bonne partie de la presse, celle qui peut s’exprimer librement, toute l’affaire aurait été montée par un gouvernement islamiste, rongé par des soucis sécuritaires et ayant une peur panique de l’armée. Cette même armée qui avait si souvent mis son doigt dans l’engrenage politique, renvoyant les élus civils dans leurs partis ou en prison et qui n’a été marginalisée que très récemment. Une armée qui se considère comme le rempart du kémalisme et la gardienne de la laïcité : en fait, tout le contraire de ce que fait M. Erdogan depuis plus de dix ans…
J’ai retenu une phrase tirée du discours de la défense de l’un des prévenus, l’ancien chef d’état major interarmes turc : je commandais à 700 000 hommes, si j’avais vraiment eu les sombres projets que l’on me prête, je m’y serais pris autrement… Apparemment, on peut le croire, même si l’armée n’a jamais vraiment admis un tel gouvernement qui détricote chaque jour un peu plus les idéaux du kémalisme laïc et anti-religieux…
Le gouvernement a tout intérêt à faire preuve d’intelligence et de modération dans la gestion de cette crise qui tient la Turquie en haleine depuis des années : si le verdict est trop injuste, si la justice a la main trop lourde, l’armée ne pourra que se sentir humiliée dans cette affaire et forgera sa revanche dans le plus grand secret.
On prête à M. Erdogan un certain nombre de nuits blanches ces dernières semaines. Précisément depuis que l’Egypte a vu son armée renverser un président islamiste qui avait grignoté les positions de l’opposition et tenté de s’installer durablement au pouvoir en prenant ses aises avec la démocratie. Certes, les situations ne sont pas comparables en tout point, mais qui sait ? M. Erdogan qui devient de plus en plus colérique et d’une susceptible quasi maladive, voit des complots un peu partout…
Qui sait ce que l’avenir lui réserve ? Imaginez que les manifestants de la place Taksim et du parc Gesi s’allient… à une armée mécontente et refusant d’être humiliée ! Oui, que se passera-t-il alors ? Même si M. Erdogan est bien celui qui a nommé l’actuel chef d’état major, après tout c’est M. Morsi qui a nommé le général Abul Fattah al Sissi à la tête de l’armée égyptienne.
La suite, chacun la connaît…