CONFÉRENCE DU JEUDI 9 JANVIER 2014 MAIRIE DU XVIE ARRONDISSEMENT DE PARIS LE DECALOGUE Ce terme lui-même mérite d’être explicité car il s’agit de déterminer s’il s’agit vraiment de lois, de préceptes,, de commandements ou de simples règles. Ensuite de déterminer s’il s’agit d’éléments relevant de l’éthique pure ou d’un système religieux précis. Il faut donc revenir à la terminologie hébraïque elle-même qui recourt à l’expression assérét ha-dibberot. Le mot ne connaît pas d’autres occurrences dans la Bible. Dibberot est le pluriel (rare) de dibbéra ou dibbérét (mot, parole). Cette remarque d’ordre philologique a son importance car la Bible n’a pas jeté son dévolu sur d’autres termes en rapport avec l’idée de commandement ou de préceptes, comme mitswa, hoq, pekuda, ou même Tora. La Bible a eu recours à un terme spécifique formé sur la racine DBR signifiant à la fois une chose, une parole… Il est important que la Tora parle de assérét ha-dibbérot et non de assérét ha mitswot, pour bien montrer qu’il y a là quelque chose de totalement à part.
L’énoncé de ces Dix Paroles n’intervient pas n’importe où dans la Bible, c’est au chapitre XX du livre de l’Exode qu’elle se lit, au moment où ayant été libéré de l’esclavage égyptien, les enfants d’Israël font face au Mont Sinaï. Dieu insiste sur la notion d’alliance qu’il scelle avec ce peuple d’anciens esclaves et si souligne le fait que c’est bien lui qui les a sauvés et les a ramenés vers lui. Cette notion d’alliance surplombe, en quelque sorte, l’autre législation à venir qui se lit dans le Lévitique, les Nombres que dans le Deutéronome. Et ceci pose la question du statut des Dix Paroles.. Sont-elles un résumé, une sorte de quintessence de la Tora ? En une phrase se suffisent elles à elles mêmes ? Et dans ce cas, ne concurrencent elles pas l’ensemble du corpus législatif de la Bible ? Pour légitimer ou fonder son intervention, c’est-à-dire le fait qu’il prescrive ou ordonne quelque chose, Dieu se prévaut de son statut de libérateur : ce peuple qu’il a libéré de l’esclavage –on notera l’arrière-plan de l’Egypte, conçue comme le creuset de l’esclavage- lui appartient, il a des droits sur lui : Dieu a donc autorité sur le peuple d’Israël, et cette situation lui permet de lui donner des ordres.. Israël a donc une dette vis-à-vis de Dieu qui est l’artisan unique de sa liberté. On pourrait penser qu’Israël va connaître un nouvel assujettissement : ayant secoué le joug égyptiens, le voilà qui se retrouve privé une fois encore de son autonomie. Il n’en est rien car ce mattan Tora, ce don de la Tora (le terme utilisé est le même que celui qui signifie cadeau, offrande, offre gracieuse) a pour arrière-plan un événement heureux, le départ d’Egypte, la maison de l’esclavage. La tutelle de Dieu n’est guère assimilable à t’asservissement tyrannique du pharaon. L’un reconnaît et respecte la dignité humaine tandis que l’autre la bafoue et l’ignore constamment. Les Dix Commandements ou Décalogue ont un statut particulier dans le judaïsme: pour les fidèles, ces injonctions sont irremplaçables, voire incomparables, et pourtant elles ne remplacent pas toutes les autres prescriptions divines. En d'autres termes, le Décalogue est le fondement même du judaïsme biblique, c’est-à-dire limité aux vingt-quatre livres du canon juif, mais il ne représente pas, à lui seul, tout le judaïsme traditionnel qui comporte une masse de commentaires et de gloses accumulés au cours des générations. Pour le judaïsme traditionnel, la loi orale [Tora she bé'al péh] détermine les modalités de compréhension et d'application de l'Ecriture et jette les fondements de la halacha, la règle normative juive, la loi pratique qui trouve son application quotidienne. Cette halacha est la pomme de discorde majeure qui sépare la tradition juive de la tradition chrétienne. Celle-ci refuse de reprendre à son compte la loi orale et ne se reconnaît pas dans la halacha. Ce terme halacha pourrait provenir d’une racine verbale hébraïque signifiant marcher, se conduire ; lorsque les rabbins énoncent un verdict ils ajoutent toujours la formule “conformément à la loi et à la halacha”, c’est-à-dire la loi religieuse contraignante, la règle à suivre dans la vie quotidienne. C’est en elle que s’investit l’autorité religieuse du judaïsme. En voici quelques exemples : c’est elle qui détermine avec précision comment s’applique dans la réalité la séparation du lait et de la viande, comment pétrir le pain azyme durant la pâque juive, comment préparer le vin cacher, comment respecter les interdits du sabbat etc… Dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, les Pères de l'Eglise reprirent l'allégorisme si prisé par Philon lui-même : il s’agissait de donner aux versets bibliques un sens allégorique, plus profond que le sens littéral. L’exégèse traditionnelle du midrash, c’est-à-dire l’interprétation homilétique, ne dépouille jamais un texte biblique de son sens premier : elle ne récuse jamais le sens obvie de l'Ecriture afin de ne pas vider le judaïsme traditionnel de son contenu positif, en l'occurrence des mitswot [préceptes divins]. Les rabbins considèrent qu'il existe une solidarité absolue entre les différents sens de l'Ecriture alors que l’exégèse des Pères de l’Eglise a toujours considéré que le sens premier devait céder devant le sens allégorique. Quelques exemples : le bois de l’arche de Noé renvoie en fait au bois de la croix, Noé lui-même symbolise le renouveau de l’humanité à l’instar de Jésus qui incarne une renaissance etc… Cette approche radicalement différente du texte de l’Ecriture constitue l’essence même des contestations judéo-chrétiennes. La mise en application des décisions des rabbins a buté sur le refus constant des premiers adeptes de l’Eglise primitive. Les maîtres de la tradition juive ancienne ont obéi à deux règles qu’ils avaient eux-mêmes édictées : la première stipulait qu'une référence scripturaire ne pouvait être dépouillée de son sens premier [réponse à peine voilée aux attaques des Chrétiens qui considéraient qu'une exégèse spirituelle pouvait affranchir de la lettre de l'Ecriture]; la seconde règle reconnaissait que la Tora, en sa qualité de verbe divin, avait soixante-dix faces ou aspects [ allusion à la grande polysémie du verbe divin, comparé au verbe humain]. En somme, on délimitait un périmètre au sein duquel l'activité exégétique était licite. Pour l'Eglise primitive, l'ère de la Loi était révolue et cédait désormais la place à la grâce ou à l'amour. Cette opposition entre la Loi et la Grâce ( héséd) a scellé la séparation officielle de la Synagogue et de l'Eglise. Mais laissons là les contestations judéo-chrétiennes des premiers siècles pour en revenir au Décalogue proprement dit. La Bible hébraïque en connaît deux versions quasi similaires: en Exode 20; 2-17 et en Deutéronome 5; 6-21. Comme on le constate au premier coup d'œil, le nombre de versets est quasi identique, même si certains développements ou quelques motivations sont nouveaux ou légèrement différents. Ces Dix Paroles marquent une rupture, une nouveauté, un statut autre garanti par la loi divine. Dieu accompagne son peuple, le protège et le préserve au cours du chemin semé d’embûches qu’il lui reste à parcourir. On ne peut omettre qu’alors qu’Israël se prépare à une vie de nomade qui va durer quarante ans, il est muni d’un viatique, la loi pérenne d’un Dieu éternel. Là où il est condamné à marcher vers l’inconnu, il a un point fixe, une attache solide qui n’est pas spatiale mais temporelle : les recommandations le suivent dans ses pérégrinations. Ainsi le Dieu d’Israël s’avère une divine qui recherche une relation avec l’humanité dont il n’est nullement l’ennemi, qu’il guide et garde. Comme on l’a dit plus haut, Dieu est en quelque sorte le double antithétique du pharaon. Et cette opposition tranchée entre le bien suprême et le mal intégral apparaît aussi dans les Dix Paroles : les énoncés positifs sont au nombre de cinq et les négatifs aussi. D’un côté le bien, l’obéissance à une loi bienfaisante et de l’autre la fuite du mal, l’inconduite à fuir.. Un dernier détail : Moïse a été le premier à accomplir l’Exode, à sortir, à fuir l’Egypte et n’y retournera que sur l’injonction divine qui l’assure que ceux qui voulaient sa mort ont disparu, il peut faire son retour, ses jours ne seront pas en danger.. Les sources juives anciennes ont décomposé le nom du pharaon en hébreu : phar’oh et ceci donne ‘OREF, ce qui veut dire faire volte-face, tourner le dos, comme lorsqu’on se met à fuir devant l’ennemis à la guerre. Dans le cas du pharaon, il se prenait lui-même pour un dieur et il tourne donc le dos à l’origine divine du monde. Le prophète Ezéchiel en son chapitre 29 le compare à un grand crocodile qui se vautre dans son fleuve le Nil qu’il prétend avoir créé…… Les commentateurs juifs ont donné des divergences entre les deux versions du Décalogue une explication traditionnelle: les deux termes différents concernant le jour du sabbat (shamor: observer et zakhor: se souvenir) ont été, disent-ils, prononcés simultanément (shamor we-zakhor be-dibbour éhad…). Il n'y aurait donc, de ce point de vue, qu'une divergence apparente. Les rabbins ont même voulu y voir une édifiante leçon: observer -qui signifie aussi en hébreu garder et conserver- s'adresse à l'épouse juive qui préserve en elle le fruit de l'amour; le verbe zakhor dont la racine hébraïque désigne aussi le mâle s'adresse à l'homme qui s'unit à son épouse le vendredi soir. Cette interprétation traditionnelle se veut assurément édifiante et ne recherche pas les raisons historiques de cette divergence. Mais l’essence du Décalogue pose un autre problème. La notion même de loi divine communiquée à des oreilles humaines est nouvelle en soi et constitue un principe qui gît au fondement même du monothéisme éthique: la divinité n'est plus, comme on le notait plus haut, l'ennemie de l'homme qu'elle veut aider à vivre en le dotant d'une loi supérieure et, contrairement au fatum du polythéisme, lui accorde la rémission de ses péchés. C'est cet esprit qui détermine le dialogue entre Dieu et l'homme. Et de ce dialogue -inédit jusqu'ici- découle la notion même d'alliance que l'on trouve par exemple en Deutéronome 4;13: “Il vous révéla son alliance qu'il vous ordonna de mettre en pratique, les dix paroles et il les écrivit sur deux tables de pierre.” Celles-ci, nommées en hébreu (luhot ha-bérit et luhot ha-'édut) furent entreposées dans l'arche d'alliance. Les rédacteurs successifs de la Bible hébraïque ont été imprégnés, dès les origines, de cette notion première qui irrigue le Décalogue, à savoir la personnalité morale de la divinité. La victoire du monothéisme sur le polythéisme aurait fort bien pu être celle d'un Dieu triomphant, ivre de puissance et écrasant les êtres humains. Il n'en fut rien: dès l'histoire d'Abraham plaidant pour Sodome et Gomorrhe, cette idée fondamentale du monothéisme éthique apparaît dans les négociations entre Dieu et Abraham. Ce dernier s'exclame: “Loin de toi d'agir de cette façon-là, en faisant mourir le juste avec le méchant, de sorte qu'il en serait du juste comme du méchant. Loin de toi! Est-ce que celui qui juge toute la terre ne pratiquerait pas la justice ?.” (Genèse 18; 25) C'est la notion de mishpat [éthique, justice] qui s'impose ici aussi, comme elle le fera dans les livres de l'Exode et du Deutéronome: c'est un Dieu moral qui instaure ici-bas un ordre de même nature. On s'en rend compte même dans la littérature prophétique: le livre de Jonas qui trouve sa place dans la liturgie juive le jour des propitiations (Yom kippour) évoque cette même divinité éthique qui est sensible au repentir des humains. Tout le livre de Jonas tend à nous montrer un Dieu qui “revient sur sa décision” d'exterminer une ville au motif qu'elle se repent sincèrement. Aux récriminations de son prophète qui s'indigne d'une telle mansuétude Dieu répond que sa “conscience” lui interdit d'éradiquer des centaines de milliers de vies. Mais à qui donc Dieu rendrait-il compte, si ce n'est à lui-même, c'est-à-dire à sa propre conscience éthique qui imprègne l'univers? L'antiquité hébraïque ne fut pas la première à concevoir l'idée même d'une loi, d'un contrat moral, régissant les relations entre les hommes. Le code Hammourabi est plus ancien (ce monarque a régné vers le XIX siècle avant l'ère chrétienne) que le Décalogue qui s’en inspira certainement , tout comme il a laissé sa trace dans les passages législatifs du livre de l'Exode. On y trouve les sanctions qui frappent ceux qui commettent des crimes. Mais son économie générale n'est pas celle du Décalogue. Le génie hébraïque en a “retravaillé” l'esprit dans le sens strict de la révélation monothéiste: l'idée que la Loi ne pouvait venir que d'une divinité unique et suprême est une nouveauté dans l'Antiquité et revient sans conteste aux anciens Hébreux. De tels emprunts de la Bible hébraïque à la Mésopotamie ancienne ont été développés dans un esprit quelque peu polémique par le grand orientaliste Franz Delitzsch dans un célèbre discours prononcé devant l'Empereur Guillaume II en 1910, Babel und Bibel [Babylone et la Bible]. Même l'idée primitive du jour du sabbat, qui fait justement partie du Décalogue, pourrait avoir eu un lointain ancêtre en Babylonie: il semble que les anciens Babyloniens aient institué un jour de deuil hebdomadaire au cours duquel les activités étaient ralenties et le peuple exhorté au recueillement et à la méditation . Paradoxalement, le jour du sabbat est devenu pour les juifs à la fois un jour de joie, de prières et de recueillement. On retrouve peut-être, de nos jours encore, ce vieux fonds d'austérité qui était inhérent au sabbat dans ses origines les plus anciennes. La tradition biblique n'en a pas moins élaboré dans un tout autre esprit la vocation première du sabbat qui doit nous rappeler la création de l'univers par Dieu: de même que le Seigneur a œuvré six jours et s'est reposé le septième, ainsi l'homme se doit d'observer un identique repos. La tradition biblique montre ainsi que sa conception divine fait autant de place à la transcendance qu'à l'immanence: l'homme est invité à une certaine imitatio Dei tout en sachant qu'il ne pourra jamais se hisser au niveau même de son créateur. Cette idée de l'altérité absolue de l'essence divine se retrouve presque incidemment lorsque la Bible (Nb. 12; 3) parle de “l'homme Moïse” pour souligner sa grande modestie. Ainsi, la loi a été proposée par Moïse au peuple d'Israël mais c'est Dieu, et nul homme, qui en est l'auteur! Les différences entre les deux versions les plus élaborées du Décalogue sont mineures. Dans Deutéronome 5, le dernier commandement qui interdit de convoiter les biens du prochain place l'épouse avant la maison. Exode 20 procédait de façon inverse. Ce nouvel ordre s'explique probablement par la sédentarisation et l'urbanisation des Hébreux et par une division plus efficace des tâches: l'homme s'est rendu compte que son épouse occupait une place plus importante. Ce Décalogue fait du judaïsme une «théonomie»: pour que l'homme vive heureux ici-bas il doit être en règle avec la divinité qui l'a créé et ne faire aucun mal à ses congénères qui sont, eux aussi, des créatures divines. Il y a donc un code des relations inter humaines, parrainé par Dieu. Celui-ci ne saurait être indifférent au sort des créatures ici-bas. On sent se profiler derrière l'idée même de Décalogue une théorie simple et non-conceptualisée de la providence divine. En termes bibliques, c'est la notion d'alliance, en hébreu berit, évoquée plus haut. Dieu “tranche l'alliance” avec les patriarches et garantit ainsi que leur descendance sera préservée et héritera du pays de Canaan. Il assure aussi qu'il extraira les enfants d'Israël de la maison des esclaves: expression qui figure dans le premier commandement où Dieu ne s'identifie pas immédiatement comme le créateur des cieux et de la terre, mais comme le maître de l'Histoire. Ce n'est qu'après, dans le deuxième commandement, que Dieu interdit l'existence d'autres divinités: au ciel, sur terre ou en dessous de la terre. Le problème majeur posé par un tel texte touche à la Révélation, à la morale et aussi à l'origine de la loi. On a voulu faire du Décalogue une sorte de charte du monothéisme éthique chez les juifs. Il fut même relevé que l'unique référence spécifique au judaïsme était contenue dans l'exhortation au respect du sabbat. Rien d'autre (surtout pas le culte sacrificiel, comme le souligne Hermann Cohen 1842-1918) n'est évoqué, pas même les grandes fêtes juives, y compris le jour des propitiations, pas l'ombre d'un allusion au Temple de Jérusalem ni à une quelconque règle de pureté rituelle. Ni même la circoncision, ni les interdits Ceci a conduit bon nombre de philosophes juifs de Moïse Maimonide (1138-1204) à Eliya Delmédigo (1460-1493) à voir dans ce texte condensé la volonté d'affirmer la pérennité d’une morale garantie par le Dieu unique. Il est vrai qu'un tel programme n'était réalisable qu'à travers le rejet du polythéisme qui faussait entièrement les relations entre l'homme et Dieu. On a évoqué supra l'idée de mansuétude divine qui rassurait l'homme sur les intentions du Seigneur à son égard: c'est un Dieu d'amour, de bonté et de justice qui lui fait face et lui accorde son pardon après un repentir sincère. C'est là le fondement éthique du Décalogue. Toutefois, un homme comme Maimonide a rusé que des juifs se servent de ce Décalogue comme d’un talisman que certains glissaient dans le boitier contenant la mezuza sur le linteau des portes.. Il a tenu à ce que ne figurent dans ce parchemin que les textes bibliques prévus à cet effet et rien d’autre. Mais les Sages juifs ont éprouvé ce que Levinas nomme le souci de l’autre ou d’autrui. Ils ont compris que l'humanité était composée d'une immense majorité de non-juifs, voire même de païens; ils décidèrent d'édicter une sorte de code a minima destiné à guider l'humanité non-juive, ou simplement incroyante, sur la voie de la paix et de la justice sociales. Ces lois, dites des Noachides, i.e. de la descendance de Noé (Genèse chs 6-10), le seul rescapé du Déluge avec sa famille, donc le symbole d’une humanité régénérée, sont au nombre de sept et comprennent l'établissement de cours de justice, la renonciation aux crimes (meurtre, vol et adultère) ainsi que l'interdiction de consommer le membre d'un animal encore vivant. Pour les juifs eux-mêmes, les rabbins ont prévu les règles de l'abattage dit rituel [shehita] alors que le reste de l'humanité n'a pas à s'embarrasser de telles prescriptions: ce qui compte, c'est qu'on n'inflige pas aux animaux des souffrances inutiles. A l’époque moderne, lorsque la réforme et le libéralisme se sont développés au sein du judaïsme allemand, certains parmi ses idéologues (Abraham Geiger, Samuel Holdheim et David Einhorn) ont voulu résumer toutes la législation juive à ce Décalogue, considéré comme l’authentique quintessence du monothéisme éthique. En jetant leur dévolu sur ce texte qui convient, à une seule exception près, le respect du respect et de la solennité du sabbat, à l’ensemble de l’humanité monothéiste et ne correspond en rien à ce qu’ils nommaient le «particularisme juif», les rabbins libéraux allemands espéraient réconcilier leur judaïsme avec la vie moderne. Quoi qu’il en fût, ce Décalogue a marqué de son impérissable empreinte la vie de l’humanité civilisée : la sacralisation de la vie et de la dignité humaines.. Maurice-Ruben HAYOUN