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Tsahal, l'armée la plus innovante au monde

Tsahal, l’armée la plus innovante au monde

Einmal ist keinmal, une fois n’est pas coutume, disent les Allemands. C’est exactement ce que j’ai pensé en achevant la lecture de toute une page du journal Le Monde, en date du 13 février 2014 consacrée aux start-up, page 2. C’est suffisamment remarquable pour être souligné et aussi pour que je consacre un blog à ce sujet. Que l’on me comprenne bien : je ne dis pas que ce grand quotidien du soir a un tropisme anti-israélien, mais je dis, en tout respect, que ses préjugés sur l’Etat d’Israël, son gouvernement et sa politique intérieure et étrangère (notamment ses appréciations sur le Premier Ministre Benjamin Netanyahou) lui ont aliéné une grande partie de son lectorat traditionnel, notamment juif qui considère que le magistère moral exercé par le journal fondé par Hubert Beuve-Méry appartient désormais à un passé révolu.

Que dit ce long et passionnant article ? Il montre que cette armée de l’Etat juif, véritable ceinture de feu protégeant les juifs du monde entier, n’est pas une armée de soudards ni de sanguinaires mais un corps de défense, bien éduqué, bien formé, aussi bien à l’art de la guerre qu’à l’art de chercher, de construire et d’édifier.

Tsahal est avant tout une école de jeunes, un centre de formation permanente, un lieu de promotion sociale, un creuset où la jeune nation israélienne se construit et où des juifs du monde entier, sans omettre quelques druzes qui ont opté pour cet Etat, apprennent à se connaître et à s’enrichir mutuellement. Quand on voit les efforts déployés par les jeunes les plus brillants pour rejoindre cette unité d’élite de l’armée, on réalise enfin que ce peuple ne fait la guerre que par nécessité et que sa vocation première est de choisir la vie et le progrès.

Certes, cette unité d’élite de Tsahal a d’abord une mission de défense et de découverte, notamment des intentions et des avancées d’un certain Etat qui proclame urbi et orbi sa volonté de mettre fin à l’existence de l’Etat juif. Et ce même Etat a eu à connaître quelques déboires, plus ou moins sérieux, causés par des intrusions informatiques dans ses centres de centrifugeuses ou d’assemblages de missiles balistiques… Et les unités d’élite de Tsahal, ainsi que celles d’autres pays, ne sont pas vraiment étrangères à cela.

Mais ce n’est qu’un aspect des choses : un grand nombre de sociétés multinationales viennent recruter leurs meilleurs éléments dans l’Etat juif où chaque fille et chaque garçon est mobilisé dans l’armée dès l’âge de dix-huit ans, et ce, durant, respectivement deux et trois ans. Quand ils sont rendus à la vie civile, ils ont tout juste vingt et un ans… C’est alors que les plus doués d’entre eux entament des études universitaires. Mais contrairement aux autres pays du monde, à l’armée ils n’ont pas perdu leur temps car la défense du pays présuppose des soldats éduqués, conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Connaissez vous une autre armée au monde où l’on vous remet après vos classes un fusil d’assaut et une … Bible ?

De cette tension dialectique entre un engin de mort, une arme, et le livre qui constitue la charte éthique de l’humanité civilisée, est née une approche nouvelle de l’existence. Il faut avoir vu ces jeunes gens et ces jeunes filles, s’arrêter par dizaines dans des cafés sur les routes du Néguev, le vendredi, en début d’après-midi… Aucun ne commande la moindre goutte d’alcool, la moindre bière, même non alcoolisée… Tous boivent du chocolat, des cafés crème et dévorent à belles dents des gâteaux.  Le niveau de leur hébreu est bon et les relations entre les jeunes officiers et les nouvelles recrues sont détendues. Je les ai souvent vu ne jamais quitter des yeux leur fusil d’assaut. Mais aucun n’a de visage évoquant de près ou de loin, l’appartenance à je ne sais quelle soldatesque. Certes, tous n’auront pas accès aux unités les plus prestigieuses mais les plus capables pourront s’épanouir et faire une honorable carrière. Certains journalistes ont relevé que même pour assurer la sécurité à Sotchi, Vladimir Poutine a conclu des contrats avec des sociétés de surveillance israéliennes.

Les voisins d’Israël pourraient peut-être, un jour que je souhaite proche, s’inspirer d’un si haut exemple et changer enfin d’attitude : abandonner la culture de mort  et opter enfin pour une culture de vie.

Dans les appréciations portées sur l’Etat d’Israël, les journalistes oublient souvent, plus par paresse que par ignorance, de s’en référer au message des grands prophètes hébraïques. Quand je rédigeais mon livre sur Ernest Renan, la Bible et les Juifs (Arléa, 2009), mon attention avait été attirée par une phrase où l’auteur de la Vie de Jésus annonçait que le christianisme était né huit siècles avant son fondateur ! Par cette formule provocante, Renan signifiait que le prophète Isaïe (VIIIe siècle avant notre ère) avait déjà exposé les grandes idées de la nouvelle religion. Le christianisme ne serait alors que le judaïsme des prophètes, une sorte de religion universelle et non ritualisée.

Or, Tsahal n’a jamais répudié ces valeurs qui ont modelé la conscience morale de l’humanité entière. On l’a vu lorsque certains soldats se sont plaints, à tort ou à raison, de l’inconduite, réelle ou supposée, de certains de leurs camarades sur le champ de bataille. Les grandes idées de justice et d’équité, de recherche du bien et de protection de la vie humaine, le traitement avec mansuétude y compris des animaux, le respect de la nature, tout cela se trouve même dans le chapitre XI du livre d’Isaïe qui puise ses métaphores d’un monde messianique, d’un univers en état de post rédemption, dans le monde agraire.

On peut ne pas croire en l’avènement messianique ou en donner une interprétation éthico-psychologique (comme le fit Hermann Cohen qui disait  que chacun sera son propre Messie pour peu qu’il décide de s’amender, et si nous tous le faisons, eh bien le monde en sera transformé, c’est-à-dire que dans un monde messianique), mais on peut espérer que ce grand journal sera enfin touché par la Grâce et qu’il continuera de nous offrir de si bons articles, en page 2 de ses éditions à venir.

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