Table ronde sur les religions, leurs valeurs et leurs défauts.
Festival off d’Avignon le 18 juillet autour de François Adibi
Averroès a dit que la religion est la première éducatrice de l’humanité, ce qui signifie qu’elle est la première à se charger de l’éducation du genre humain, en lui transmettant des valeurs élevées censées inspirer sa conduite au sein de la société. Donc dans ses relations avec ses congénères.
A l’époque moderne, plus proche de nous, deux éminents philosophe allemands ont pu tempérer cet enthousiasme en marquant les limites de l’influence religieuse sur le comportement des hommes :
a) Martin Buber dans son célèbre ouvrage intitulé Je et Tu (1923) a dit ceci : aucune religion n’est un morceau de paradis tombé sur terre, ce qui signifie en clair que la paix, la concorde et la tolérance n’ont pas été vraiment développées par les structures religieuses conduites par des hommes ayant préféré instrumentaliser de tels idéaux au lieu de les promouvoir de manière universelle. Les religions ont divisé les hommes au lieu de les rapprocher. Et de leur montrer qu’ils croyaient en des valeurs communes et des idéaux partagés.
b) Franz Rosenzweig a écrit dans l’Etoile de la rédemption (1921) que Dieu a certes créé le monde mais ce n’est pas lui qui a créé les religions. Ce qui marque encore plus nettement les limites du religieux dans notre avenir.
Comment obvier à ces dérèglements et à ces dysfonctionnements ? En montrant que les orthodoxies qui dégénèrent souvent en intégrismes ravageurs trahissent les idéaux premiers dont elles étaient porteuses.
Un juriste assez sulfureux comme Carl Schmitt avait publié quatre conférences qu’il avait données dans un petit ouvrage, récemment traduit en français, intitulé Théologie politique. Il y montre que tous les thèmes politiques qui irriguent nos sociétés étaient à l’origine des théologoumènes laïcisés. En fait, il nous explique la genèse religieuse du politique.
Il convient aujourd’hui de rendre les valeurs religieuses plus universelles en œuvrant pour que les religions fassent leur jonction avec la philosophie. Elles deviendront ainsi des religions éclairées.
Pourtant, de nos jours, ce sont les extrémismes et les fondamentalismes qui triomphent. Il y a une instrumentalisation de certaines religions à des fins exclusivement politiques. Or, pour qu’une société soit placide et consensuelle, il faut que la religion soit séparée de la politique. L’Europe a mis des siècles à réaliser une telle chose qui s’appelle la laïcité. Sans elle les sociétés modernes qui n’ont plus l’homogénéité d’autant ne pourraient plus vivre en paix.