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Adolphe Messimy, L’été 14. Introduit et commenté par Jean-Yves  Le Naour. Fayard, 2024.

Adolphe Messimy, L’été 14. Introduit et commenté par Jean-Yves  Le Naour. Fayard, 2024.

Adolphe Messimy, L’été 14. Introduit et commenté par Jean-Yves  Le Naour. Fayard, 2024.

 

Qui se souvient aujourd’hui de ce nom Messimy, porté par un homme politique français qui fut ministre de la guerre en 1014 et qui finit ses jours, après sa démission forcée du ministère, sur les bancs du Sénat ? Probablement très peu de gens, y compris l’auteur de ces quelques lignes qui ont pour but de donner la parole à cet homme qui écrivit ses mémoires en faisant, c’est évident, prévaloir son point de vue et en imputant à d’autres parmi ses contemporains, les aléas d’une guerre qui allait durer jusqu’en 1918, après d’effroyables bains de sang, des crises ministérielles et de multiples renvois de chefs militaires. Ces derniers se virent souvent traités d’incapables ou de lâches...

 

Messimy (1869-1935) a eu parfois des réactions d’une grande violence, même au beau milieu du conseil des ministres sous la présidence de Raymond Poincaré : il saisit à la gorge son collègue de la marine, au motif que celui-ci n’avait pas fait adopter les mesures qui lui avaient été demandées... Et en d’autres occasions, il fit preuve d’une incroyable brutalité, ce qui explique son éphémère  passage au gouvernement. Mais il conserva la présidence de quelques commissions parlementaires , dont celle de la défense et de la guerre.

 

L’été de l’année 1914 se signale par une incroyable boucherie du côté français car les généraux lançaient ,t chaque  jour que Dieu faisait, des assauts sur les lignes allemandes qui opposaient une résistance farouche. Et Messimy nous en dit long sur cette stratégie quasi suicidaire.

 

L’ouvrage que nous tenons entre les mains est bien présenté pour le lecteur non averti que nous sommes : longue et éclairante introduction munie de notes en bas de pages  pour nous guider. Comme on pouvait s’ay attendre, l’auteur ne ménage pas ses adversaires au sein du gouvernement et des milieux politiques français.  Il n’a aucune considération pour quelques généraux français et parle même de guillotine ou de fusillade . Parlant du plus illustre de ces officiers généraux, il écrit ceci :   la meilleure chose qui puisse lui arriver, c’est de se casser une jambe...  Alors que l’intéressé dirigeait les offensives françaises sur le champ de bataille.

 

Cet homme peu porté sur la mansuétude nous décrit comment la France et l’Europe se sont rapprochées de l’abîme qui allait engloutir des millions de morts et causer la ruine de tout le continent. Il commence donc par décrire comment les tribunes officielles se vident brusquement de leurs occupants au champ de courses, lorsque les dirigeants apprennent le meurtre de l’archiduc autrichien et de son épouse par un terroriste serbe. Dès lors, l’Europe se divise entre ceux qui appellent à la vengeance et à la guerre, et ceux qui font preuve d’un t attentisme  prudent. En tout état de cause, il est clair que de profonds changements vont se produire, condamnant le monde d’hier à disparaitre. C’est ce qu’on perçoit à la lecture de ces Mémoires qui se veulent aussi un plaidoyer face au jugement de l’histoire.

 

Messimy décrit les premières réactions du public français qui ne veut plus entendre parler des Balkans. Encore une crise balkanique, elle finira par se régler comme toutes les précédentes. Il juge même que le public français est friand de ce genre de crises passionnelles.. Pas de raison de trop s’inquiéter, cela passera. Mais, en réalité, il n’en sera rien. L’auteur qui se tient  au courant des événements jour après jour, voire heure par heure, relève qu’en cette période estivale la quasi-totalité des ambassadeurs européens sont en vacances. Les rumeurs vont bon train : faut-il mobiliser ? Faut-il faire confiance aux rumeurs éloignant le spectre de la guerre ? Un vent de folie semble s’être emparé des milieux politiques : faut-il croire que l’Allemagne a rappelé les soldats permissionnaires ? A-t-on aussi rappelé les officiers ? L’auteur de ce premier chapitre de l’été 14 note dans ses cahiers l’évolution de la situation quotidiennement. Visiblement, les responsables politiques et militaires ne savent pas très bien ce qui va arriver. Les choses se précisent un peu lorsqu’on apprend que l’empereur Guillaume II a interrompu  sa croisière  au large de la Norvège pour rentrer d’urgence  à Berlin.

 

Un intérêt particulier est accord dans ces Mémoires au Maroc et aux pays du Maghreb,  l’Algérie et la Tunisie, mais c’est surcout  le pays  chérifien qui concentre sur lui toute l’attention.. On se rappelle la confrontation entre l’Allemagne impériale et la France, au large de la ville d’Agadir, là où croisait la canonnière allemande  Panther : Guillaume II réclamait à la France des compensations pour ses conquêtes coloniales  Il est question, dans ces pages sur le Maroc, d’envois de troupes coloniales au cas où la guerre serait déclarée.

 

On peut dire que cette population qui a tant aidé à restaurer l’honneur de la République, a connu des fortunes diverses dont les conséquences sont perceptibles de nos jours. Ces hommes qui ont tout abandonné pour servir la France, la libérer et la fortifier ont donné naissance à des générations que l’on n’arrive pas à intégrer convenablement. La faute n’en incombe pas à la France seule, mais aux deux parties. Du côté français, on a peut-être oublié que  la quête identitaire peut prendre des formes inattendues. On dit souvent que les enfants de la quatrième, voire  de la cinquième génération reprochent aux précédentes d’avoir courbé l’échine, et troqué  ses propres idéaux (lesquels ?) contre le plat de lentilles  de la culture européenne... Il est indéniable que c’est très récemment que la République s’est occupée  d’orientalisme et de culture arabo-musulmane. Qu’on conforte ces chiffres ou qu’on les conteste, près de dix pour cent de la population française actuelle a des racines ou des origines  issues de ces traditions. Il est temps de réagir dans le bon sens...

 

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