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Vu de la place Victor-Hugo - Page 328

  • Pour quelles raisons les ultra orthodoxes d’Israël et d’ailleurs condamnent-ils la conscription ?

      

    Pour quelles raisons les ultra orthodoxes d’Israël et d’ailleurs condamnent-ils la conscription ?

     

    Les vacances en Israël sont toujours instructives, enrichissantes. C’est l’interprétation que je souhaite donner à l’adage talmudique apparemment enfantin : l’air de la terre d’Israël rend plus intelligent.. Awirah shél éréts Israël mahkim. Plus sérieusement, il se passe dans ce pays tant et tant de choses qu’on se demande ce qu’il faut retenir ou oublier. En d’autres termes, c’est comme la Samaritaine de Paris : il s’y passe toujours quelque chose.

     

    En écoutant les nouvelles, un petit reportage a retenu mon attention. Le journaliste s’entretenait avec un jeune homme qui venait d’achever son service militaire dans Tsahal. Mais ce conscrit n’était pas comme tous les autres. Il faisait (je dis bien le passé, l’accompli) partie d’une communauté ultra-orthodoxe qui l’a violemment rejeté du jour au lendemain : après son intention de servir dans l’armée de son pays et le défendre contre des agresseurs, les armes à la main, il était devenu un ennemi, un pestiféré, un paria. Accompagnant le journaliste non loin de son ancienne maison dans son quartier ultra-orthodoxe, il se fige à une centaine de mères, refusant d‘avancer un peu plus… Malgré l’insistance (déplacée) du journaliste, il se refuse à couvrir le quelques dizaines de mètres le séparant de son ancien domicile qu’il avait quitté avec sa petite famille, sous les huées et les insultes de ses anciens condisciples…

     

    Le jeune soldat relate avec tant d’émotion comment il fut traité après avoir enfreint le tabou de ces ultra-orthodoxes, connus en Israël sous le nom de Harédim, c’est-à-dire ceux qui sont habités par la crainte, la crainte du Ciel, assurément. Ils rejettent tous ceux qui ne pensent pas comme eux et surtout leur lecture théologique de l’Histoire fait d’eux une secte qui a sa propre approche des textes sacrés. Nous y reviendrons.

     

    Le jeune homme explique qu’un jour son épouse l’appelle au téléphone pour lui dire qu’une violente manifestation se déroule présentement sous leurs fenêtres : une escouade de barbus hurlent des injures, fulminent des anathèmes contre cette brebis galeuse qui a osé enfreindre un tabou : l’incorporation dans l’armée, qui est rejetée avec force par ces Harédim. Partant, puisque le jeune homme a enfreint cet interdit, il doit partir, quitter le quartier qu’il n’est plus digne d’habiter. Auparavant, il avait déjà été exclu de la synagogue où il avait coutume de prier, c’est une sorte d’excommunication dont le jeune homme a été victime. Pourtant, dès 1783 à Berlin, Moses Mendelssohn avait publié un bel ouvrage intitulé Jérusalem ou pouvoir religieux et judaïsme. Il y expliquait que tout n’était pas religieux, soumis à la règle religieuse, dans le système du judaïsme et que l’on devait retirer aux religieux, y compris juifs, le pouvoir d‘excommunier, d’exclure ou de bannir (Ausschliessungsrecht).

     

    Mais, à l’évidence, les ultra-orthodoxes ne lisent pas Mendelssohn et auraient plutôt tendance à l’abhorrer… Pas plus qu’ils ne lisent la Bible hébraïque de manière rationnelle, pour ne pas dire philosophique.

     

    Leur attitude exclusiviste les pousse même à sombrer dans la déraison puisqu’ils vouent l’Etat juif aux gémonies. Curieux pour des Juifs qui se veulent partisans d’une lecture scrupuleuse de la Tora et qui se plaignent de vivre dans un état souverain et juif, un eldorado qui a mis plus de deux mille ans à se réaliser. Et dont l’existence est menacée à toute heure du jour et de la nuit.

     

    Alors que veulent ils et que reprochent ils aux partisans du sionisme politique, à laquelle tant de partis religieux modérés se sont ralliés et dont les députés siègent à la Knését, voire participent même aux coalitions gouvernementales. Mais pour les Harédim, ces députés -qui ont refusé de participer à l’émission de peur d’être traités de mollassons ou de déviants- ne représentent qu’eux-mêmes. Et certainement pas l’authentique Tora divine dont ils se disent les détenteurs exclusifs.

     

    Et selon eux, c’est Dieu en personne qui réunira les conditions d’un retour des exiles en Terre sainte, de l’édification du troisième temple et de l’instauration de la paix sur terre. Cette conception messianique, jugée simpliste par certains, dénie aux hommes la possibilité d’œuvrer dans le cadre historique, même s’ils pensent le faire aux côtés de Dieu ou dans son sillage. En agissant, sans attendre l’injonction divine, Dieu étant le maître de l’Histoire, Les soldats de Tsahal commettent un acte sacrilège : ils se substituent à Dieu lui-même et ainsi en défendant un Etat non décidé par la volonté divine, les soldats, les militaires, l’armée israélienne adoptent une attitude impie et hautement condamnable…

     

    Heureusement, on a pu voir quelques rabbins orthodoxes se désolidariser des extrémistes et accueillir à bras ouverts les esclus. Mais certains de ses rabbins ont néanmoins reçu des menaces de morts… probablement de certains de leurs collègues.

     

    Ile ne faut pas être grand clerc pour comprendre que cette attitude est, pour le moins, originale et très personnelle. Comment envisager, ne serait-ce que l’espace d’une seconde, que l’Etat d’Israël devrait être désarmé et attendre les bras croisés que les ennemis alentour viennent massacrer tous ses habitants jusqu’au dernier… Je rappelle que certains de ces extrémistes juifs, pas tous heureusement, n’ont pas hésité à s’afficher à Téhéran auprès de Mollahs prônant la destruction de l’Etat juif. C’est une nébuleuse avec tant d’orientations sectaires différentes.

     

    Y-a-t-il dans les sources juives anciennes des références qui fondent une telle attitude ? Je n’en vois qu’une seule qui soit suffisamment explicite mais qui doit s’entendre à double tranchant (tarté mashma’). Dans des exégèses midrachiques qui s’interrogent sur la possible reconstruction du Temple, un Temple qu’on souhaite légitimement indestructible, les sages, instruits des aléas de l’histoire juive, ont répondu d’une manière qui prête à confusion : le troisième temple descendra tout construit du ciel… Et les demi savants ont pris l’expression au pied de la lettre. Or, le talmud dit lui-même : eyn méchivim al ha derash : on n’est pas tenu de justifier les contradiction ou les affirmations gratuites du midrash… Quelle parole sensée !

     

    Comme les anciens talmudistes sont à l’évidence plus intelligents et plus fins que ceux qui entendent s’exprimer à leur place de nos jours, cette réponse n’a pas le sens littéral que les Harédim veulent bien lui donner. Quand on lit bien, cela signifie que les lois de ce monde ci sont imprévisibles et surtout que la volonté divine, que le dessein divin sont impénétrables. D’où l’expression- le temple descendra du Ciel tout construit-… Intellectuellement, cela signifie que nul ne peut discerner l’intime volonté de Dieu ni déchiffrer les mystérieux carnets de la Providence.

     

    Il reste un dernier point à évoquer : ces Harédim n’hésitent pas à user de violence envers ceux qui les quittent ou les critiquent. Et qui ont des raisons de se plaindre d’eux. Les plaignants dénoncent l’attitude laxiste des gouvernements et de la police d’Israël, cette dernière n’intervenant que dans les cas les plus graves et encore. Il est vrai que la diffusion aux quatre coins de la planète d’images montrant des policiers juifs matraquant ou réprimant des manifestations de religieux (avec barbe, chapeau et franges rituelles) à l’aide de gaz lacrymogène, aurait un effet désastreux. Partant, l’Etat temporise et je dois reconnaître que c’est la seule solution qui s’impose.

     

    Si l’Etat d’Israël faisait respecter la loi partout et sans fléchir, s’il intervenait contre ces religieux, il ruinerait l’un des fondements idéologiques les plus précieux de son existence : réunir les juifs du monde entier dans un foyer juif ! Et voilà qu’il sévit contre ceux qui se disent le plus authentiquement juifs… C’est intenable, indéfendable.

     

    Quel paradoxe ! Mais le peuple juif et l’Etat d’Israël ne sont ils pas des paradoxes vivants ? Et il faut vivre avec chaque jour que Dieu fait.

     

    Alors courage ! Et que la raison finisse enfin par s’imposer.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

     

     

  • Mais que se passe t il vraiment à Jérusalem?

    Mais que se passe t il réellement à la mosquée de Jérusalem ?

    Ici, en Israël, on ne parle que de cela et cela se comprend aisément. Des milliers de policiers et de garde-frontières mobilisés, des membres de la police militaire, ne manquent plus que les unités anti émeutes de Tsahal pour parachever le dispositif. En fait, c’est du jamais vu. Et le monde médiatique s’gite bien évidemment, inondant le public en attente, de nouvelles et d’informations qui n’en sont pas vraiment. J’ai passé des heures devant mon téléviseur à Natanya à écouter I24News ou France24 et parfois j’ai constaté que l’on faisait circuler des informations qui n’étaient plus d’actualité. De même, l’émotivité incontrôlée de certains reporters envoyés sur place leur faisait dire tout et n’importe quoi. Je reconnais que ce n’est pas facile mais l’Etat a brillamment remporté des guerres contre de puissantes armées massées à ses frontières. Ce qui se passe ou s’est passé aux abords du Mont du Temple n’est pas si dangereux que cela. En revanche, c’est la gestion de la crise qui fait désormais couler tant d’encre et ne restera sûrement sans conséquences politiques.

     

    Tout a commencé en ce jour fatidique de la mi juillet lorsque trois Arabes israéliens ont assassiné deux policiers israéliens en faction près du mont du temple et de la mosquée El Aksa. Les terroristes, tous Arabes israéliens (ce qui constitue un réel motif d’inquiétude) furent abattus par les garde -frontières. L’état d’Israël qui exerce sa souveraineté sur l’ensemble de l’agglomération de la cité du roi David a pris des mesures visant à assurer la sécurité des personnes et des biens. La suite est connue : l’installation de portiques détecteurs de métaux, suivie de caméras hautement sophistiquées, ont provoqué l’ire des Arabes qui y virent une rupture du statu quo ante.

     

    Et comme un désagrément n’arrive jamais seul, le regrettable incident d’Amman où un grade de l’ambassade israélienne s’est défendu en tuant deux Jordaniens, est venu compliquer encore plus une situation déjà délicate : c’est que la Jordanie est aussi la garante de l’intégrité des lieux saints musulmans et son attitude est déterminante dans le problème et dans la recherche d’une solution afin de ramener le calme : si elle jette de l’huile sur le feu, on va vers l’embrasement généralisé, si, au contraire, elle se montre conciliante, on sauve la situation.

     

    Le petit roi Abdallah II est, certes, acquis à la coopération avec son voisin israélien mais il doit aussi gérer une rue jordanienne dont 75% des citoyens sont d’origine palestinienne. C’est un véritable baril de poudre. Benjamin Netanyahou qui a commis quelques erreurs ne pouvait pas prévoir cette complication qui a considérablement restreint sa marge de manœuvre. Il lui fallait à tout prix extirper des griffes de la rue palestinienne son ambassadeur à Amman ainsi que le personnel diplomatique sur place. Le Premier Ministre voyait sa marge de maoeuvre très restreinte par cette nouvelle configuration : Amman a volé au secours des manifestants du Mont du Temple. Personne ne pouvait prévoir qu’Israël serait contraint de renoncer à toutes les mesures de sécurité pour simplement rapatrier ses diplomates. Le Moyen Orient et ses habitants, c’est bien connu, ne respectent pas toujours les conventions internationales, notamment l’immunité diplomatique…

     

    Les critiques contre Netanyahou sont nombreuses : certains, l’aile dure du gouvernement, qualifient les services de sécurité de peureux et de timorés. Ils vont jusqu’à dire qu’il fallait instaurer la loi martiale, décréter un couvre feu général dans les villages et secteurs arabes autour de Jérusalem. En quelques jours, le mouvement se serait essoufflé et tout serait rentré dans l’ordre.

     

    D’autres rétorquent que la situation a changé et que les pressions internationales étaient trop fortes ; ils ajoutent que le nouvel axe sunnite qui compte aussi Israël aurait été mis à mal alors que les grandes puissances musulmanes n’ont pas réagi, sachant que derrière le mouvement se cachait la main du Hamas, du Qatar et de la Turquie. Même Mahmoud Abbas s’est limité au minimum syndical ; il a protesté mais quand les Arabes alliés lui ont expliqué quel était son intérêt bien compris, il a fait profil bas et s’est distancié des extrémistes.

     

    L’avenir proche nous dira qui avait raison et qui a fait la meilleure analyse de la situation.

     

    Mais un élément absolument nouveau a fait son inquiétante apparition : les Arabes israéliens. En agissant comme ils ont agi ils ont attiré l’attention sur eux et sur leur statut. Leur situation risque de devenir intenable : peuvent ils continuer à être les citoyens d’un pays dont ils souhaitent la disparition ? Font ils partie des forces vives de la nation d’Israël ? Ce n’est pas la réponse positive qu’ils ont donné par leur conduite.

     

    Des voix se font déjà entendre pour des échanges de territoires où les zones densément peuplés par les Arabes iraient chez les Palestiniens…

     

    Cette crise que je qualifie de religieuse va avoir des impacts politiques considérables. Les citoyens arabes d’Israël ont mis le doigt dans un engrenage dangereux.

     

    Dangereux pour eux et pour Israël.

     

    Maurice Ruben HAYOUN

     

  • Prière et violence : à propos des événements récents à Jérusalem

    En principe, la notion même de prière ou d’oraison tant dans le judaïsme que dans le christianisme qui en est issu, est synonyme de paix, d’apaisement et de réconciliation. Le fidèle qui vient d’accomplir ses devoirs religieux quotidiens sort de son lieu de culte en paix avec lui-même et avec son environnement. Il vient de communier, en quelque sorte, avec son créateur qu’il conçoit comme un Dieu d’amour, de bonté et de miséricorde et dont il espère une grande bienveillance.

    Le contenu même de l’oraison souligne cette dépendance du croyant qui s’engage ainsi à respecter la vie, à ne pas commettre d’actes répréhensibles et à voir en son prochain un congénère doté des mêmes droits et jouissant de la même dignité : une créature à l’image de Dieu, cette métaphore n’étant qu’une façon de souligner le rôle central de l’être humain dans l’économie de la création. Aussi bien les religions monothéistes en Occident que les spiritualités de l’extrême Orient partagent ce même postulat : la prière ne peut pas se concilier avec la violence ni avec les appels au meurtre.

    Aucune religion digne de ce nom ne saurait sacraliser la violence, ce sont des notions antinomiques, même si, hélas, l’histoire de l’humanité fourmille d’exemples où le sabre et le goupillon ont avancé main dans la main. L’exemple de Jérusalem, ville trois fois sainte et dont chacune des trois religions monothéistes se dispute la possession, montre combien l’exploitation politique et l’instrumentalisation éhontée du culte nous font perdre de vue l’essentiel : unifier l’humanité, croyante ou incroyante, autour de quelques valeurs humanistes des religions.

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