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Vu de la place Victor-Hugo - Page 332

  • Le départ de l'Ambassadeur Harald Braun de l'ONU

    L’ambassadeur d’Allemagne à l’ONU, le Dr Harald W. Braun, tire sa révérence, mission accomplie

    Pendant au moins trois années pleines, l’Allemagne a disposé d’un éminent diplomate pour la représenter à l’ONU en tant que représentant permanent. Après tant de bons et loyaux services, l’ambassadeur Braun se retire. Il sera regretté par tous ses collègues qui ont apprécié sa finesse, sa délicatesse et son efficacité.

    Un mot sur ce grand personnage dont le talent égale la discrétion et la modestie.

    Comment ai-je rencontré ce très sympathique personnage ? Souvent, dans la vie, les choses arrivent par hasard : le prédécesseur de Monsieur Harald W. Braun, H.W. Beuth, au poste de ministre plénipotentiaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris, s’apprêtait à quitter son poste pour une nouvelle affectation et il laissa à son successeur quelques recommandations, notamment prendre contact avec moi et maintenir mes relations étroites avec l’ambassade d’Allemagne à Paris.

    Dès notre première rencontre, le courant passait. J’ai été impressionné par ce diplomate polyglotte, doté d’une finesse intellectuelle rare et ouvert sur le monde. Harald Braun se sentait très bien dans son poste à Paris ; chaque fin de semaine ou presque, il rejoignait sa chère épouse à Munich. Mais les qualités de cet homme le firent remarquer par le ministre de l’époque qui l’invita à le rejoindre à Berlin en qualité de secrétaire général du ministère. Il me téléphona pour me dire combien quitter Paris le peinait mais qu’il n’avait pas d’autre option que de dire oui… Il se rendit donc à Berlin après avoir organisé rue Marbeau une belle soirée d’adieu où tous les diplomates en poste dans la capitale française étaient présents. Danielle et moi étions sur place et avons tenu à marquer notre amitié pour Harald et sa chère épouse Ute.

    Mais la carrière du future ambassadeur ne s’arrêta pas là ; peu après, il fut promu Staatssekretär des auswärtigen Amtes, c’est-à-dire conseiller diplomatique du gouvernement allemand. Dès lors, la voie était ouverte, libre, pour accéder au poste prestigieux de représentant permanent de l’Allemagne auprès de l’ONU. Un parcours sans faute qui trouve son couronnement dans une carrière exemplaire à tous égards.

    Polyglotte, francophile, très cultivé, Harald Braun quitte bientôt ses fonctions à New York. Mais pour ce remarquable diplomate, ce n’est pas comme un marin qui pose son sac, i.e. qui se retire. Après quelque temps de repos et de recueillement, l’ambassadeur Braun va sûrement se lancer dans de nouvelles aventures. Nul doute que cette seconde carrière sera couronné de succès.

    L’Allemagne doit à ces grands diplomates la transformation radicale de son image. Je sais de science sûre que les relations entre l’ambassadeur Braun et son collègue israélien Danny Danon sont excellentes. La République Fédérale conduit une politique responsable, consciente de ses devoirs et de ses engagements moraux à l’égard de tant de peuples, notamment des juifs. Et je me souviens d’une belle soirée passée au Kind David de Jérusalem lorsque l’ambassadeur Braun avait accompagné le président de la République Gauck lors d’une visite officielle en Israël.

    Je tenais absolument à rendre un hommage mérité à un grand ambassadeur et à un ami très cher qui nous a récemment accueillis dans sa belle résidence à New Yok, au cours du mois d’avril.

    Bonne chance à Monsieur l’Ambassadeur et à sa chère épouse.

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 25 juin 2016

  • Et Dieu créa la femme... De la condamnation de la compagnie israelienne ELAL

     

    Et Dieu créa la femme... De la condamnation de la compagnie israelienne ELAL

     

    L’affaire fait grand bruit. Toutes la presse en parle, tant en France qu’à l’étranger. Ayant personnellement vécu une telle situation, un religieux ayant refusé de s’asseoir près d’une dame, sous mes yeux, je vis l’employée d’EL AL conduire le récalcitrant vers un autre siège afin de ne pas le contrarier. D’autres fois, je vis des dames compatissantes se lever sans bruit et aller ailleurs dans l’avion parce qu’un barbu refusait de s’asseoir à côté d’elle.

     

    Pour un philosophe spécialiste à la fois d’études juives et germaniques, cette attitude à l’égard du genre féminin pose un bon nombre de questions. Nulle part, dans les textes révélés, il n‘est question d’une diabolisation de la femme. Certes, il y eut Eve et le mythe de la femme tentatrice qui induit son propre mari en tentation à la suite d’une ruse du serpent, et qui, par ce fait même, provoque la ruine du genre humain, plus spécifiquement celle de son sexe à tout jamais. Mais nous sommes au XXIe siècle de l’ère usuelle.

     

    Cela relève de l’interprétation littérale du texte, voire du littéralisme biblique le plus étroit. Dans d’autres passages du Pentateuque, l’image de la femme n’est plus la même. N’oublions pas que selon les premiers chapitres du livre de l’Exode, c’est Sephora, une madianite non juive qui procéda à la circoncision de son mari, qui n’était autre que Moïse notre Maître. Excusez du peu…

     

    N’oublions pas Myriam dont le puits légendaire suivait le peuple de Dieu dans tous ses déplacements. Souvenons nous aussi de Yaël qui donna ses ordres au général Shamgar ben Anat pour vaincre les ennemis du peuple d’Israël. Bref, on pourrait trouver d’interminables exemples tant dans le Pentateuque que dans les sources juives anciennes (Talmud et Midrash). Certes, une certaine phallocratie, pour ne pas dire un certain machisme, persistent ; voire prospèrent, dus au fait que ce furent des hommes et non des femmes qui étaient à la manœuvre. Et avec le temps, de tels préjugés se sont ancrés dans la conscience des gens.

     

    J’en veux pour preuve la supériorité donnée à la naissance d’un garçon par rapport  à celle d’une fille. On nous rétorque que le garçon apporte avec lui quantité de mitswot et de bénédictions de la mila alors que zévéd ha bat se fait dans la discrétion. Mais je pense qu’il y a d’autres choses en ligne de compte. Les hommes religieux, ou prétendus tels, se méfient plus d’eux-mêmes que de la femme qu’ils tiennent pour l’essence de la tentation, et même du péché. Si on réfléchit bien, c’est la ligne de défense choisie par Adam lui-même qui impute à sa femme la faute : c’est la femme que tu m’as donnée qui m’a tenté et j’ai fini par manger (le fruit défendu)… Conclusion pour les simples d’esprit, la femme, c’est le diable.

     

    Le problème avec les barbus, c’est qu’ils donnent à la religion les inflexions qu’ils veulent bien lui donner, tout en ostracisant ceux qui ne vivent ni ne pensent comme eux. Pourtant, comment concevoir qu’un Dieu d’amour et de bonté puisse bannir de son empirée la moitié de l’humanité ? L’homme et la femme, le mâle et la femelle, sont absolument compatibles et représentent deux modes d’être au sein d’une même et unique humanité. La femme, c’est aussi être, mais autrement (Levinas)

     

    Comment font les religieux pour avoir autant d’enfants tout en déconsidérant les femmes ? Evidemment, ils visent les autres femmes, pas la leur en propre. En soi, de telles défigurations du système religieux ne seraient pas aussi graves si elles ne débouchaient pas sur des applications pratiques de la vie quotidienne. Déjà, certains religieux n’avaient pas hésité à terroriser des petites filles de leur voisinage, coupables (pauvres petites) de porter des jupes trop courtes ou d’avoir les bras nus. On a l’impression d’être en plein Moyen Age.

    Le vrai judaïsme, celui qui se nomme ke-dat Moshé we israël est il vraiment incarné par ces hommes en noir, coiffés de chapeaux à larges bords, le visage mangé par une barbe non taillée et enveloppés d’une grande redingote noire, même si la température extérieure avoisine les 40° ? Cela me fait penser aux Dunkelmännerbriefe de la Renaissance lorsque l’humanisme naissant devait combattre les obscurantistes d’Europe… Johannes Reuchlin a fini par triompher de J. Pfefferkorn, le renégat.

     

    Il faut tout faire pour que notre judaïsme ne subisse pas ce type de régression, il ne faut pas que le judaïsme, par l’ignorance et l’impéritie de quelques uns, revienne à l’âge de pierre. Quand je pense que lorsque j’étais le secrétaire rapporteur du Consistoire de Paris, certains rabbins, même jeunes, refusaient de serrer la main d’une dame. Je l’ai fait un nombre incalculable de fois et je n’ai pas été envahi par des pensées impures.

     

    Je veux bien admettre que le chant d’une femme (Kol ba isha erwa) constitue une nudité, si son mari fait sa prière dans pièce d’â côté, mais tout de même !!

     

    C et épisode peu glorieux nous rappelle que toute bonne religion doit être une religion éclairée et humaniste : comment, dès lors, contraindre une femme octogénaire à changer place ? Est-on encore une bombe sexuelle à cet âge là ?

     

  • Lettre d’Israël VII : importer les mœurs parisiennes en Israël ? Ou l’alchimie d’une aliya réussie…

    Lettre d’Israël VII : importer les mœurs parisiennes en Israël ?

     

    Ou l’alchimie d’une aliya réussie…

     

     

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    Lettre d’Israël VII : importer les mœurs parisiennes en Israël ?

     

    Ou l’alchimie d’une aliya réussie…

     

     

     

    On parle souvent, voire la plupart du temps, des Juifs qui émigrent en Israël pour s’y installer durablement et couper les ponts derrière eux ; on évoque bien plus rarement ceux qui reviennent, faute d’avoir pu ou su s’adapter à leur nouvel environnement. C’est tout le débat autour d’une aliya réussie ou gâchée… Je dis gâchée pour ne pas user du terme échec ou du verbe échouer car tout dépend, en fait, de ce que l’on attend, de ce que l’on espère et du possible. Israël est, certes, le pays des ancêtres, le lieu, comme l’avait dit David Ben Gourion en proclamant l’indépendance de l’Etat, où le peuple juif a fait son apparition sur la scène de l’histoire universelle ; il demeure que plus de deux millénaires d’exil et de dispersion sur toute la surface du globe ont créé des habitudes, généré des mœurs dont on a du mal à se défaire. Hegel disait que l’habitude est une seconde nature.

     

     

     

    A mon avis, c’et la racine du mal. On ne peut pas espérer emporter avec soi les pratiques, les habitudes et les mœurs de nos pays d’origine. Je souris en pensant à un passage du Judenstaat de Théodore Herzl qui pensait en toute bonne foi que, comme à Vienne, les futurs boulangers de Jérusalem feraient cuire des heisse Semmel (petits pains chauds) à consommer pour le petit déjeuner. Le fondateur de l’Etat des juifs n’en aurait pas cru ses yeux ni ses oreilles si on lui avait prédit qu’en Israël, ce sont les pittot, le houmous et la tehina qui se seraient imposés sans réserve…

     

     

     

    Mais ce n’est pas tout. On évalue à près de trente pour cent le nombre d’émigrants qui reprennent la route de leur pays d’origine. Il faut s’interroger sur ce phénomène. Afin de tenter d’y obvier en aidant les gens à s’adapter et je dois reconnaître que ce n’est pas toujours facile.

     

     

     

    Passons en revue quelques causes de ce reflux qui est, grâce au Ciel, mieux endigué. Il y a de prime abord, une mentalité générale, si peu compatible avec ce qui se passe en France et en Europe. Détail croustillant : lors d’un sondage, les Israéliens de souche ont stigmatisé l’arrogance, réelle ou supposée, des Français qui les prennent de haut, se montrent très exigeants, etc…

     

     

     

    Tout en étant un simple touriste –et je laisse de côté les critiques à l’égard de la compagnie aérienne nationale- chacun d’entre nous a vécu les pires désagréments en revenant occuper son appartement, resté inoccupé durant de longs mois d’hiver ou le reste de l’année. L’eau chaude fait défaut, la climatisation doit être réparée, parfois même le tableau électrique, dépanner la télévision, payer encore et encore !! bref ce qui, ici, va de soi, fait là-bas problème. ET c’est de là mal que vient le mal, en araméen talmudique on dit : da ‘akka…

     

     

     

    Il n’est pas un seul parisien, acquéreur d’une maison ou d’un appartement à Tel Aviv, Natanya ou ailleurs que ne se plaigne des difficultés de traiter avec les promoteurs immobiliers, les notaires, les entrepreneurs du bâtiment, les fameux kablanim. Je n’ai pas moi-même fait cette expérience, n’étant propriétaire de rien, mais je connais nombre de gens, absolument dignes de foi, qui ont subi de telles avanies. Des appartements payés très cher et dont la livraison ne s’est pas faite selon les règles en vigueur chez nous, des malfaçons de toute sorte, des revirements quant au prix final, des retards dans la livraison du bien acheté, bref toutes sortes de vicissitudes qui rendent la vie amère, même si, comparées aux menaces pesant sur ce pays, de telles choses sont des broutilles ou des vétilles.

     

     

     

    Mais la vie est aussi faite de ce genre de difficultés matérielles dont on souhaite qu’il y soit mis fin. Par malheur, l’Etat d’Israël ne s’est toujours pas doté d’une législation forte punissant clairement toutes les entreprises ou les professionnels qui abusent de la crédulité des gens, de leur inexpérience ou qui abusent tout simplement de l’ignorance de la langue .

     

     

     

    En effet, les abus, les exploitations, les insincérités, bref tout ce qui indipose gravement les nouveaux venus doit disparaître. Je voudrais évoquer ici en termes voilés le discours d’un restaurateur qui s’est installé à Herzliya, la banlieue chic de Tel Aviv. Ce quinquagénaire, pourtant aguerri et auquel on ne la fait pas,  m’a entretenu pendant dix bonnes minutes de toutes les avanies qui lui furent imposées lors de son installation en Israël. Profondément sioniste, fier d’être enfin citoyen israélien, il m’a énuméré les différentes façons qu’ont les Israéliens sur place d’exploiter l’ignorance et la bonne foi des nouveaux venus.

     

     

     

    J’avoue que cela m’a glacé et aussi rappelé certaines expériences vécues sur place : non respect de la ponctualité, non respect du prix convenu, rajout de prestations imaginaires nécessitant un renchérissement du produit ou du service attendu, notification tardive de la non venue d’un ouvrier arguant d’embouteillages ou d’autres obstacles invérifiables, etc… La liste est longue

     

     

     

    Alors comment s’y prendre pour que tout cela cesse et que l’arrivée en Israël n’évoque ni Courteline ni Kafka mais soit un paradis sur terre (gan éden alé adamot) ? Je crois que la première thérapie est de se dire qu’aucune comparaison avec ce qui se fait à Paris n’est transposable en Israël. Je me souviens d’un échange avec une jeune réceptionniste d’un grand hôtel d’Eilat. Je venais lui demander une accès payant à internet et me plaignais des retards, des difficultés, etc… Voulez vous savoir ce qu’elle me répondit, cette trentenaire, née à Budapest et présente en Israël depuis une vingtaine d’années : Tu me dis que tu es professeur des universités ; oui, répondis je. Elle enchaîna : et tu ne t’es toujours pas rendu compte que tu te trouves en Orient…

     

     

     

    Ma réaction fut d’esquisser un sourire triste et de battre prudemment en retraite. Oui, Israël, c’est l’Orient… Celui ou celle qui croit pouvoir importer nos mœurs de Paris à Tel Aviv ou ailleurs, se trompe, il ou elle commet une lourde erreur. J’ai assisté à de curieux échanges des tables voisines avec les maîtres d’hôtel du restaurant gastronomique du Hilton de Tel Aviv… Les consommateurs insistant pour que tout soit comparable àau service en vigueur dans des restaurants étoilés de Paris ou d’ailleurs… Vous pouvez deviner la suite et surtout la réaction des serveurs israéliens !!

     

     

     

    Le rapport à l’autre, à l’argent, au voisin, à la vie en général, est radicalement différent. Essayer de convaincre les copropriétaires d’un même immeuble de payer ponctuellement les charges relève du miracle. D’où des appartements qui se délitent au point que la mairie impose désormais une réhabilitation autoritaire.

     

     

     

    Que dire de plus ? La vie n’est pas simplement difficile dans ce pays, elle est aussi chère, ce qui développe chez les gens un rapport singulier à l’argent. Il est loin le temps où les juifs étaient solidaires les uns des autres, se respectaient les uns les autres et appliquaient les règles élémentaires de la Tora.

     

     

     

    Dans ce chapitre, les rabbins devraient être les premiers à donner l’exemple : c’est loin d’être le cas. La plupart pensent d’abord à eux car le rabbinat n’est plus une vocation, c’est devenu une profession.

     

     

     

    Mais la conclusion sera positive : l’existence d’Israël est un miracle, oui un miracle quotidien, comme le dit de Dieu la prière matinale : mehaddesh be khol yom tamid ma’assé béréchit. Oui, le Seigneur réédite chaque jour l’œuvre du commencement. Il le fera aussi longtemps que nécessaire. Et comme il a l’éternité devant Lui, cela donnera aux Israéliens le temps de changer.

     

     

     

    Dans le bon sens.

     

     

     

    MRH (Cette lettre met fin aux Lettres d’Israël)