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le pape et la résurrection…

  • La Pâque juive, le Pape et la Résurrection

     La Pâque juive, Pessah, commence ce soir et dure jusqu'à dimanche en huit…

     

    La pâque juive, le Pape et la Résurrection…
        Cette année, la fête de Pessah, la Pâque juive, reçoit une connotation bien particulière qui montre combien la sortie d’Egypte, qu’elle est censée commémorer, doit être interprétée allégoriquement. Il s’agit bien évidemment d’une Egypte mythique, d’un territoire symbolique. Mais ce symbole, vieux de milliers d’années, vient de s’enrichir d’un nouvel aspect. C’est un symbole au sein d’un symbole, un miracle dans le miracle : Pour la première dans l’histoire des USA, un pape, et qui plus est un prélat d’origine allemande, s’est rendu dans une synagogue , la plus ancienne du pays puisque fondée en 1888, quelques heures seulement avant la célébration mondiale de la fête de Pessah, là où des millions de juifs à travers l’univers se réunissent pour la veillée pascale, évoquer leurs ancêtres esclaves en Egypte, saluer l’avènement d’une humanité libérée du joug de l’esclavage moral et spirituel, enfin libre de marcher d’un pas assuré vers la paix et le bonheur. C’est cela le message de Pessah. Même la suite milite dans le même sens : l’idée d’une terre de Promission était la meilleure façon de tenir ensemble un ramassis d’anciens esclaves,  réputés indisciplinés et rebelles à toute autorité, d’où qu’elle vînt. En leur assignant un objectif commun, la terre de Canaan, on les investissait d’une mission. Il n’y a pas d’autre  recette pour créer une nation. Quant à la fameuse traversée du désert, elle eut pour but d’aguerrir les hommes et de les confronter aux dures réalités de l’existence.
    La tradition juive a jeté son dévolu sur cet épisode mythique dont elle fit avec succès un mythe fondateur : tout homme, à l’origine, était esclave, et Dieu lui offre la liberté la liberté en le tirant du creuset où même le fer fond, où se dissolvent les identités mais aussi là où elles se forgent. Dans un système religieux, nul ne s’étonnera que Dieu soit au sommet de la pyramide. Mais pourquoi donc avoir inventé cette histoire d’une Egypte qui n’a jamais existé en tant que telle dans l’Histoire ? Une Egypte esclavagiste nourrissant de noirs desseins à l’encontre d’un peuple étranger venu se protéger de la famine dans son territoire, comme nous l’enseigne la Bible : aucun témoignage externe ne vient conforter pareille chose Ceci au plan social et politique.
    Mais même au plan religieux, les choses sont étonnantes puisque les racines du monothéisme se trouvent aussi en Egypte même si le jahwisme (de JAHWE) comporte des éléments absolument nouveaux qui donnèrent plus tard le monothéisme éthique dont les prophètes d’Israël se firent les hérauts.universels. Alors comment interpréter tous ces faits ?
    Aux temps de la rédaction des livres bibliques, l’Egypte et l’Assyrie étaient les deux grandes puissances hégémoniques de la région.  La petite Judée avec ses rois pusillanimes et ses prophètes turbulents tentaient de sauver la mise en naviguant avec plus ou moins de bonheur entre les différents écueils. Les fondateurs de la mémoire de l’Israël antique se posèrent la question des origines : où les situer ? Comment dire qu’on incarnait une réalité absolument nouvelle, comment faire naître une nation si différente de toutes  les autres ? En mettant en scène un Dieu de l’univers qui fait une promesse à une figure charismatique de l’époque, Abraham, figure tutélaire de la future humanité monothéiste, celui-là qui introduira un culte sacrificiel plus doux puisqu’il substitue la bête à l’homme… C’est d’ailleurs ainsi que la Bible hébraïque fait dérivé le terme de Pessah : en plus du sacrifice de l’agneau pascal, la Bible nous dit que Dieu a enjambé (passah) les maison habitées par les Hébreux pour ne frapper que les premiers-nés egyptiens… Bel exemple d’étymologie populaire.
    Peu de gens le savent mais, à l’origine, la fête de l’agneau pascal était distincte de celle des azymes ; mais comme elles tombaient toutes deux aux alentours du printemps, on les fit fusionner et l’agneau pascal devint le fidèle compagnon des pains azymes. Pour ce dernier rite, on dit que les Hébreux, pressés par les Egyptiens de quitter le pays, n’eurent pas le temps de laisser lever le pain qui devait leur servir de nourriture lors de leur pérégrination…
    Mais les esprits les plus rassis comprirent qu’il s’agissait d’un levain spirituel : un pain qui a levé, rond et joufflu, symbolise l’orgueil, l’arrogance, une sorte de seigneurie de soi-même qui ne sied pas à l’humanité croyante ou pensante. Il s’agit assurément d’un levain spirituel qui nous renforce dans notre orgueil humain.
    Le pape choisit donc ce moment de l’année liturgique pour se rendre dans une synagogue américaine. On sait que pour les chrétiens, la semaine pascale est la plus importante de l’année liturgique et célèbre la Résurrection du Christ. Il est très intéressant de relever que des juifs, il y a deux mille ans, ont changé la symbolique de la Pâque pour en faire l’apothéose d’une religion nouvelle. Ils se référent à un verset du prophète Osée (6 ;2) qui évoque clairement cette idée :il nous fera revivre après deux jours, au troisième jour il nous ressuscitera et nous vivrons devant lui…
    Le pape, en sa qualité de chef spirituel d’une Eglise issue de la synagogue et en éminent théologien qu’il est, ne peut pas ne pas voir pensé à cette différence d’interprétation, fondatrice d’une identité nouvelle, le christianisme, et formatrice d’une opinion différente de celle léguée par une tradition pluriséculaire.

                        Maurice-Ruben HAYOUN