Il y a tout juste une petite trentaine d’années, lorsqu’un Jacques CHIRAC triomphant donnait, au cours d’un congrès du Rassemblement Pour la République (RPR), la parole, pour un court instant, à un jeune homme, gauche et à la voix mal assurée, il ne se doutait guère que ce militant, tout juste sorti de l’adolescence, lui succéderait un jour et l’expulserait sans ménagement du pouvoir… Pour expliquer ce curieux mouvement de balancier dont l’histoire politique semble avoir le secret, certains diront qu’il existe une justice immanente et qui use à l’égard des hommes de la même mesure qu’ils ont utilisée pour les autres…
Ce qui vient de se passer est une véritablement révolution copernicienne de la vie publique : en quelques heures, en quelques jours, le nouveau président de la République vient de pousser son ancien mentor dans les oubliettes de l’Histoire ; ce dernier, qui incarnait hier encore la solidité et la pérennité (apparentes) du pouvoir en place, a pris, en si peu de temps, un terrible «coup de vieux». Aujourd’hui, tout le monde, les radions, les télévisions, les journaux, les blogs, tous, absolument tous changent de ton et font précéder le nom de Nicolas SARKOSY de son titre de président. Plus personne n’évoque l’ancien titulaire du poste qui était une figure incontournable de la politique française depuis quatre décennies.… Sans même parler de la rivale socialiste dont la mention semble introuvable, y compris dans la presse de gauche.
Le philosophe trouverait ici une occasion rêvée d’exercer son ingéniosité sur la nature ingrate et oublieuse de l’homme, la fugacité du pouvoir ici-bas, l’inconstance et la poursuite effrénée du pouvoir et de ses avantages…
Mais un dernier mot aussi, d’espoir et d’optimisme : le nouveau Président semble décidé à agir au plus vite : dès ce vendredi 18 mai il part pour Toulouse, et à son retour il présidera le tout premier conseil des ministres, nommés à peine quelques heures plus tôt. Auparavant, ou dans l’intervalle, les ministères auront changé de locataires… Gageons qu’à ce rythme la France aura changé de visage en quelques mois. Et surtout, aussi, de mentalité : il faut enfin comprendre que les trente glorieuses sont mortes et ne ressusciteront pas, que l’Etat providence à la française appartient à une époque révolue et que le pays et ses habitants doivent désormais se faire à leur nouvel environnement. C’est peut-être cela aussi le style Sarkozy : arracher la France à sa douce léthargie.