VU AU CINEMA LE FILM LES CITRONNIERS…
Voici un filme incontestablement émouvant, plutôt bien tourné mais dont l’empreinte idéologique n’en reste pas moins discutable… C’est toute la question de savoir si l’art cinématographique ne perd pas un peu de sa force en se mettant au service d’une cause politique ou idéologique.
De quoi s’agit-il ? D’un verger où poussent des citronniers qu’une Palestinienne de Cisjordanie a hérité de son défunt père et qui se retrouve, pour son malheur, voisine, au bord de la ligne verte, de la résidence d’un ministre israélien, et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit du ministre de la défense. Ce voisinage, censé symboliser la cohabitation de deux peuples incarnant deux droits, deux rêves et deux légitimités opposés, se révèle impossible car les services de sécurité imposent à leur ministre dont ils assurent la protection l’arrachage des arbres… Motif invoqué : des terroristes palestiniens pourraient s’y infiltrer pour y commettre des attentats , à l’abri des arbres et se retirer chez eux, sans être inquiétés.
La femme palestinienne, héritière et exploitante de ces citronniers, est une veuve dont les enfants sont partis à l’étranger. Elle est seule et décide de se battre contre la destruction de ses arbres. En plus de l’opposition entre deux raisons de vivre, deux façons de voir et deux approches historiques, le film dépeint les blocages, les crispations, voire les aspects rétrogrades de la société palestinienne : la femme, encore belle, recourt aux services d’un jeune avocat palestinien qui fit ses études à Moscou mais qui apparaît comme un opportuniste, puisqui n’hésite pas à exploiter la détresse matérielle et morale de son cliente… Une idylle se noue entre les deux, provoquant la désapprobation unanime de la localité… Car la veuve, seule depuis dix ans, ne saurait refaire sa vie et encore moins s’offrir à un amant plus jeune qu’elle.
Mais ce n’est pas là la trame principale qui demeure le droit des Palestiniens à vivre sur cette terre originellement juive (d’après la Bible et l’histoire universelle).
Condamnés à l’arrachage par le gouverneur militaire, les citronniers ne le seront pas vraiment puisque la femme s’adresse à la cour suprême d’Israël qui impose une position intermédiaire entre l’éradication pure et simple du verger et son maintien en l’état.
Sans être anti-israélien, le film insiste un peu trop sur le désarroi de la société israélienne, incarnée par l’épouse (délaissée) du ministre lequel a l’air de préférer la compagnie de jeunes et fringantes soldates : ce soldat évolue dans le virtuel et l’irréel, l’épouse est à la dérive, sans un mari aimant, sans sa fille qui étudie aux USA et doit, de surcroît, faire face à la détresse de cette femme palestinienne qui nous est présentée comme «le juif des nations» : c’est-à-dire l’opprimée, l’exploitée, l’esseulée que nul n’aide, excepté un vieux paysan qui dépose de façon émouvante devant la cour suprême… Même l’avocat arabe y va de sa citation biblique, un peu comme s’il voulait rappeler aux Israéliens leurs propres valeurs qu’ils auraient oubliées… On perçoit, de manière subliminale, cette sempiternelle tentations de jouer sur une éventuelle mauvaise conscience des Israéliens, accusés de faire triompher leurs droits nationaux au détriment de ceux des autres… Enfin, les paysages sont beaux, bien filmés, bien que la volonté d‘émouvoir soit omniprésente.
Une œuvre cinématographique reste ce qu’elle est, c’est-à-dire une tentative de faire de l’art. Mais l’art n’est pas l’histoire. Et l’histoire enseigne depuis Hérodote la recherche des faits réels tels qu’ils se sont produits…