L’INDONESIE ET LA CULTURE DE LA TOLERANCE…
La Neue Zürcher Zeitung du 28 juillet produit en page 21 un article très finement présenté d’un collègue canadien, enseignant à l’université Mac Gill, sur Maimonide à Massakar, qui évoque ses trois semaines passés dans une université indonésienne. Il s’agit d’un couple d’universitaires qui ont séjourné à Massakar : elle, a donné des cours sur la santé publique, la matière qu’elle enseigne à Mac Gill et lui, sur Maimonide et son inspirateur musulman du Xe siècle, le célèbre Al-Farabi. Ce philosophe musulman, natif de Farab en Afghanistan, dont le nom s’est immortalisé dans les archives mondiales de la philosophie.
C’est évidemment sur le dialogue des cultures que porte le long témoignage paru dans la NZZ. L’auteur, universitaire juif ayant publié un livre en hébreu sur Maimonide, y témoigne, dans son passage dans cette ville, de ses contacts avec les étudiants musulmans de l’université de Makassar.
Dans les librairies qu’il a visitées se trouve beaucoup de littérature antisémite : les protocoles des Sages de Sion etc… Cette sinistre littérature n’est pas parvenue sur place par une opération du Saint Esprit mais provient d’Arabie Saoudite, d’Iran et de Syrie, des pays qui se sont illustrés dans ce type de propagande mais, nous l’espérons, feront leur profit de l’enseignement de Farabi. L’universitaire canadien a tenté d’enseigner à ses étudiants, tous musulmans, les idées du Sage musulman du Xe siècle qui a écrit, entre autres, un livre remarquable sur les Idées des habitants de la cité vertueuse (Ahl al-Madina al-Fadila). On peut même lire un excellent ouvrage en français dû au professeur Henri Laouste sur cette question.
Les théories farabiennes sur l’essence de la religion en général sont étonnamment modernes et rejoignent par un étonnant détour celles du philosophe allemand Gottlob Ephraïm Lessing, mort en 1780 et auteur d’un remaniable traité intitulé De l’éducation du genre humain ( Die Erziehung vom Menschengeschlecht). A ce détail près que le penseur musulman disait au Xe siècle ce que Lessing développera, à sa façon, huit cents ans plus tôt .
A quoi servent les religions, prises séparément ? A conduire les hommes sur le chemin de la vérité et de la vertu. Selon des variantes propres à chaque culture, les religions enseignent comment libérer l’homme des erreurs engendrées par le fanatisme et une idée corrompue de ce que l’on nomme en Europe l’exclusivisme religieux…
L’universitaire canadien parla à ses étudiants de la problématique suivante : comment comprendre que Dieu, quintessence du bien et de la vertu, ait décidé que le processus prophétique devait connaître un terme à un moment donné, pas avant et pas après… Chemin faisant, le collègue canadien nous rappelle que tout en étant l’Etat musulman le plus important au monde (près de 230 millions d’âmes) l’Indonésie n’avait pas décrété que l’islam était religion d’Etat mais se contentait de cinq principes fondamentaux, et notamment du monothéisme et de la … tolérance vis à vis des autres croyances ! Ce pays récuse l’athéisme mais non les autres religions, même di celles ci ne se développent pas si bien sur place.
Et si on me le permet je ferai état d’une anecdote personnelle : lorsqu’en février 2000, l’auteur de ces lignes fut reçu avec trois universitaires américains et israéliens par le président indonésien de l’époque, le fameux Gous Dour, celui-ci le dit en anglais qu’il trouvait anormal que son pays entretînt des relations diplomatiques avec l’ancienne URSS, régime athée auto-proclamé, mais point avec l’Etat d’Israël qui avait pourtant apporté le monothéisme à l’humanité… Je ne jurerai pas de la sincérité du président à ce moment là, mais malgré l’heure tardive (minuit passé à Djakarta, ce soir là), je fus très impressionné par cette déclaration.
Mais revenons à l’article de la NZZ ! L’auteur souligne que l’un de ses étudiants, musulman sincère et ami de la vérité, avait avoué ne pas avoir trouve le sommeil deux nuits durant, tant il avait essayé de trouver la réponse à la question posée par son professeur canadien… Je rends donc hommage à la candeur mais aussi à la pénétration intellectuelle de ce jeune homme qui a pu mettre le doigt –sans le savoir- sur un point nodal de l’humanité (que nos amis musulmans nomment en arabe al-bachariya).
Alors, je propose très respectueusement la chose suivante : que soit offerte la version persane du traité farabien à Monsieur le président Ahmaninedjad qui pourrait, s’il le veut bien, en faire son profit. Ce serait alors une contribution majeure à la paix mondiale ainsi qu’à l’apaisement des consciences, comme pour ce jeune étudiant indonésien anonyme qui nous a permis, par son si haut exemple dont j’invite tout un chacun à s’inspirer, d’évoquer ce point crucial pour le dialogue des cultures.