LE PAPE À L’ÉLYSÉE
Il convient de dire un mot des discours proprement dits des deux deux orateurs, le président Sarkozy et le pape Benoît XVI. Le président français a commencé par définir la notion même de culture pour en conclure que la Fran ce était célèbre pour la sienne dans le monde entier et que celle-ci était pétrie de notions et de valeurs chrétiennes, puisque au cours de plus de dix-huit siècles l’histoire intellectuelle de l’Hexagone avait été intimement mêlée à celle de la religion chrétienne.
Il a ensuite axé son propos sur la notion de souffrance qu’une institution comme l’Eglise avait pour vocation d’alléger et de guérir. A cela il ajouté la question des valeurs, au premier rang desquelles il a placé la dignité humaine, une qualité que l’église a tenté de préserver (avec des hauts et des bas, ajouterais-je) au fil des âges. Le président a ensuite fait une sorte d’application pratique de ces valeurs, communes aux deux, c’est-à-dire à la religion comme à l’éyjique républicaine, en insistant sur le fait que les gouvernants essayaient toujours de répondre de leur mieux aux besoins et aux préoccupations de la nature humaine.
Et la spiritualité en est une… Ceux qui ont assimilent la spiritualité à la religion et en tirent prétexte pour s’en méfier ont tort et commettent un acte déraisonnable. Ainsi, le président introduisait l’héritage de la raison et du siècle des Lumières. Souvent, ceux qui s’opposent à cet infléchissement de la politique en matière de laïcité, accusent leurs adversaires d’ignorer l’héritage des Lumière. En fait, ils ont des idéaux des Lumières une vue très réductrice puisque, sans le savoir vraiment, ils les réduisent au seul Voltaire qui a, de l’aveu de beaucoup, (de Renan, notamment) , a fait preuve d’une grande inintelligence en matière historique . Mais l’auteur des Souvenirs d’enfance et de jeunesse ajoutait que si Voltaire avait fait de la mauvaise exégèse biblique (incrédulité railleuse, ridiculisation des héros de la Bible etc…) c’est tout de même grâce à lui qu’on peut en faire une bien meilleure…
Lorsque le président a parlé devant nous de la tentative des gouvernants de s’inspirer des mêmes valeurs spirituelles que l’Eglise au profit de l’homme… C ela revient à dire ce que Carl Schmitt disait dans son célèbre ouvrage Politische Theologie (Théologie politique) que la plupart des thèmes politiques n’était que des théologoumènes sécularisés… Et pourquoi pas ?
Nicolas Sarkozy a ensuite souligne les racines judéo-chrétiennes de la France (c’est exactement ce qu’il a dit) tout en soulignant que les conditions étaient pour que d’autres confessions puissent avec nous en paix sur notre territoire. A ce stade, il a fustigé l’intolérance de certaines religions à l’égard de la religion chrétienne. Et pour finir, le président a cité une très belle phrase de frère Christian, l’un des moines «lâchement assassinés» de Tibérine. En effet, ce moine avait dit avec beaucoup d’émotion que l’Islam et l’Algérie étaient aussi unis que le corps et l’âme, coupant court aux soupçons de prosélytisme régulièrement articlés car les représentations chrétiennes en pays musulman… C’est là-dessus qu’il a conclu son propos en s’adressant maintes fois au pape par la très formule très saint père, vous êtes le bienvenu en France.
Je ne pourrais pas rentrer dans le détail de la réponse du pape, mais la tonalité est la même puisque le discours était d’une facture théologico-politique et non point rigoureusement religieuse. Le pape a rappelé que l’église respectait l’Etat et sa législation mais a aussi dit tout le bien de la formule du chef de l’Etat, laïcité positive. Certains esprits dits forts se sont gaussés de cette précision qu’ils font mine de ne pas comprendre ! Mais c’est admettre que tout ici-bas est soumis aux lois de l’évolution historique, excepté la laïcité qui serait alors une véritable religion intouchable avec ses dogmes intangibles et ses prêtres intraitables. C’est une véritable contradictio in adjecto : un Etat, même laïc, ce qui est le cas, a le droit d’avoir une politique religieuse…
J’étais à l’Elysée, j’étais aux côtés d’André Damien, président de l’Académie des Sciences Morales et Politiques qui me disait qu’il recevait le pape le lendemain à l’Institut mais une grande partie des membres de l’Académie des sciences avaient prévenu qu’ils ne viendraient pas pour un représentant religieux… Je laisse aux lecteurs le soin d’en juger.
C’est presque en s’excusant que le pape a rappelé les racines chrétiennes de la France, se souvenant probablement que les précédents gouvernement s’étaient opposés aux Allemands qui préconisaient de noter dans le préambule de la Constitution de l’Europe l’adjectif geistig-religiös (spirituel et religieux)…
Sous un tonnerre d’applaudissements, le pape a lancé, pour finir, :Que Dieu bénisse et tous les Français.