SALADIN II
Toute analyse du passé s’apparente soit une reconstruction de celui-ci soit à une légitimation plus ou moins fondée. C’est pour cela que l’historiographie est un art difficile et diverge profondément selon les nations qui sont supposées relater ou narrer la même histoire. Voyez l’interprétation de ce que l’on nomme en France et dans les manuels scolaires l’épopée napoléonienne ; et comparez avec qu’en disaient les Allemands et d’autres peuples d’Europe qui eurent affaire à l’Empereur… Il est vrai qu’aujourd’hui, on a un manuel d »histoire franco-allemande qui a tenté avec succès d’aplanir les divergences.
Toutes proportions ardes, on peut même qu’il en est de même avec Saladin dont la légende a largement éclipsé la nature vraiment historique. Pourquoi les Arabo-musulmans voient en lui un héros et un libérateur, un sorte de glaive de l’islam, seif al-Islam ? Parc e qu’à un certain moment de leur histoire ils sont cherché un héros auquel ils pourraient d’identifier et ressusciter un peuple qu’ils imaginent beau, magnifique et glorieux. Après tout, c’est leur droit.
Après tout, c’est une illustration supplémentaire des rapports ambigus entretenus par l’Histoire au sens de Hérodote, Thucydide et Ctésias, et la légende. En ayant raison des Francs et du royaume chrétien d’Orient, cet émir a donné l’impression qu’il avait réussi ce que tant d’autres avant lui n’avaient pas réussi à faire… Et aussi, ce que tant d’autres après lui n’ont pas réussi à faire avec Israël…
Je crois que telle était l’intention de l’auteur M. Gérald Messadié lorsqu’il met à nu la vraie personnalité de Saladin et évalue justement l’étendue de ses prétendues campagnes militaires victorieuses.
L’auteur n’est pas le premier à déplorer le peu de discernement mis à se choisir des héros : Nasser, Kadhafi, Saddam Hussein et quelques autres. Il faudra bien un jour parvenir enfin à une vue plus sérieuse et plus apaisée de l’histoire. L’histoire telle qu’elle s’est déroulée et non comme on eût qu’elle se fût déroulée.