LA CULTURE DE LA GRÈVE EN FRANCE
La phrase est de M. Xavier Darcos, ministre français de l’Education nationale. Ce matin le service minimum, pourtant voté à une confortable majorité en août n’a pas pu être appliqué. Ce qui était frappant au début de la semaine, c’était l’annonce groupée (comme un tir groupé) des grèves à venir : Air France, la SNCF, l’éducation nationale, plus tard la poste et qui d’autre…
Le ministre qui eut à supporter tant d’autres cessations de travail et renvoi des élèves chez leurs parents (lesquels doivent travailler, comme nous tous) a lancé une mise en garde : le monde et la France avancent plus vite que les cortèges ?
Comment s’explique cette promptitude française à faire la grève ? Dans tous les pays civilisés, on ne recourt à cette solution extrême qu’au bout de longues négociations. En France, c’est par là qu’on commence, ce qui montre que la société bloquée, jadis dénoncée par Jacques Chaban-Delmas et Jacques Delors, est toujours là.
Autre raison ; en France, on confond allégrement égalité et égalitarisme. Tout le monde veut tout tout de suite, quelle que soit sa place dans l’échelle sociale. Que l’on me comprenne bien : loin de moi l’idée de priver qui que ce soit de quoi que ce soit, mais une bonne intelligence du principe de réalité (Realitätsprinzip) montre que l’on ne peut pas tout avoir.
Autre raison : en France, les séquelles de la Révolution française, un bouleversement qui devait apporter des améliorations mais dont la casse ouvrière fut frustrée et la bourgeoisie la grande bénéficiaire, font qu’il y a toujours une revanche à prendre sur les classes supérieures. Georges Pompidou redoutait même qu’un jour il revienne à un homme casqué et botté de trancher ce nœud gordien.
Autre raison : l’absence de courage des hommes politiques qui privilégièrent constamment le compromis au lieu de dire que ce pays n’est plus une vraie grande puissance et qu’il fallait remettre ce peuple (tout ce peuple) au travail.
Ernest Renan, un grand Français, avait écrit que lorsqu’une nation a eu un glorieux passé, le présent n’en paraît que plus terne et manquant singulièrement d’éclat.