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Le mythe arthurien

ARTHUR D’ALBAN GAUTIER, PARIS ELLIPSES, 2008
A la lecture de ce beau livre, je me suis souvenu de l’anecdote suivante : au terme d’une conférence sur le patriarche Abraham à la mairie du XVIe arrondissement de Paris, je fus applaudi par l’assistance nombreuse ; pour répondre à une question d’une auditrice je signalais que j’écrivais une biographie du patriarche… La dame, très distinguée et d’un certain âge, se leva et vint me voir sur l’estrade. Elle me demanda si j’avais vraiment l’intention d’écrire la vie d’un homme illustre dont je doutais de l’existence historique. Je répondis par l’affirmative. Elle me dit alors, d’un ton doucereux : Monsieur le professeur, vous voulez être le biographe (écrire sur la vie, en grec) d’un homme dont vous prétendez qu’il n’a jamais foulé le sol de notre terre…

 

ARTHUR D’ALBAN GAUTIER, PARIS ELLIPSES, 2008
A la lecture de ce beau livre, je me suis souvenu de l’anecdote suivante : au terme d’une conférence sur le patriarche Abraham à la mairie du XVIe arrondissement de Paris, je fus applaudi par l’assistance nombreuse ; pour répondre à une question d’une auditrice je signalais que j’écrivais une biographie du patriarche… La dame, très distinguée et d’un certain âge, se leva et vint me voir sur l’estrade. Elle me demanda si j’avais vraiment l’intention d’écrire la vie d’un homme illustre dont je doutais de l’existence historique. Je répondis par l’affirmative. Elle me dit alors, d’un ton doucereux : Monsieur le professeur, vous voulez être le biographe (écrire sur la vie, en grec) d’un homme dont vous prétendez qu’il n’a jamais foulé le sol de notre terre…
Avec Arthur, c’est à peu près la même chose, toutes proportions gardées. Et pourtant, l’auteur nous apprend tant de choses en décrivant la naissance d’un mythe, l’élaboration d’une fiction historique, l’émergence d’une brillante et marquante création littéraire…
On commence donc avec la romanisation de grands territoires (petite Bretagne, Grande Bretagne et ailleurs) où le mythe naquit et fut, pour ainsi dire, revigoré. Je reconnais que certains lecteurs perdront un peu patience en lisant des développements certes intéressants mais un peu irrelevant sur les langues, les conquêtes, les guerres, les gouverneurs romains etc… Mais tout de même, le livre demeure attachant et on le garde en main jusqu’au bout.
Les développements sur la fusion des différents peuples et ethnies, l’acculturation et le fameux processus élitaire (qui conduit les peuples conquis ou dominés à s’identifier à la culture et aux mœurs des nouveaux maîtres) sont dignes d’intérêt.  On lit avec attentivement ces témoignages sur les batailles opposant Bretons et Saxons et cette défaite infligée aux envahisseurs, lors d’une bataille mémorable dont le grand vainqueur aurait été un certain… Arthur
Qui était donc ce roi Arthur ? Et pour quelles raisons obscures l’Occident a-t-il formé un tel mythe où se retrouvent toutes les passions humaines : la haine, l’amour, la jalousie, l’ambition, la trahison… Une liste de dix victoires qui lui sont attribuées, remportées sur les Saxons, émanerait de 830, mais aucun des sites mentionnés n’est identifiable avec certitude. Un peu comme le chapitre 14 du livre de la Genèse, concernant le patriarche Abraham…
L’auteur poursuit son enquête : entre cette année 830 et l’Historia Brittonum de Geoffroy de Monmouth en 1130, trois siècles se sont écoulés, au cours desquels les récits arthuriens vont se développer. Des récits assurément légendaires qui bordent, ajoutent, développent comme tous les cycles merveilleux. A-t-il existé ce roi Arthur ? N’a-t-il pas existé ? Les sources ne le citent-elles pas sous vrai nom ou en font mention sous un autre nom ?
L’élaboration, au sens classique du terme, se poursuit au fil du temps : qui est son père ? D’où lui vient cette force quasi-herculéenne ? Comment a-t-il eu des compagnons qui se joignent à lui pour livrer des combats quasi mythiques ? Ce qui accentue le caractère légendaire des récits, c’est que ce roi, auréolé de tant de victoires, combat des géants, des monstres, libère une princesse, voit son ardeur mise au service de bonnes causes, les géants et les monstres symbolisant ce qu’une mystique, née sous d’autres cieux, nommera «l’autre côté» par opposition au bon côté, dans un univers largement manichéen qui place le bien d’un côté, et le mal, de l’autre…
L’hypothèse d’un double nom Arthur et autre chose) me séduit ; on voit dans la Bible qu’Abraham lui-même se serait précédemment nommé Abram et qu’à la suite d’une décision divine il aurait reçu un autre nom, certes, très proche du précédent, mais tout de même différent avec une consonne supplémentaire… Ne s’agit-il pas plutôt de deux personnes différentes ? La même chose vaut de son petit-fils Jacob qui devient Israël après son combat avec l’ange… On pourrait en dire autant des toponymes : le Mont Sinaï et le mont Horeb… La même montagne mais avec des dénominations différentes.
Au chapitre VI, symptomatiquement intitulé Possible biographie d’un possible Arthur que nous entrons vraiment dans le vif du sujet. Mais les préliminaires, si longs et si recherchés, étaient nécessaires. Il fallait «débroussailler», se frayer un chemin entre les différentes hypothèses et délimiter un terrain qui ne se dérobe pas sous nos pieds. Si on a bien lu, c’est en 460 et 540 que se situerait cette vie reconstituée ; elle culminerait en 518 avec la victoire du mont  de Badon et  Camlann en 539…
En fait, la suite du livre est assez difficile à résumer car on sent le passage du récit, simple et encore dépouillé, vers les grands cycles arthuriens qui feront de ce mythe un héritage de la culture européenne. Et ce, dans tous les domaines, singulièrement au cinéma…
N beau livre à lire par tous ceux que le récit arthurien passionne.

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