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Définir le peuple d'Israël

Comment définir le plus justement possible la notion de peuple d’Israël ?

A chaque visite en Israël, on est intrigué par l’extrême diversité des visages, des attitudes et des accents d’une population qui regroupe un peu plus de 110 nationalités. Et pourtant, tout ce petit monde (car ce microcosme est vraiment un microcosme) parvient à vivre ensemble, alors que dans de nombreuses régions du monde, les êtres humains ne parviennent pas à s’entendre et encore moins à coexister.

Quel est donc l’élément qui tient ensemble tous ces gens venus du monde entier ? Il faut bien reconnaître que cette question retient l’esprit de l’observateur sans qu’il réussisse à lui apporter une réponse qui résiste au temps, à la critique ou à un examen un peu approfondi. Je souris déjà en devinant les réactions intempestives et courroucées de ceux et de celles qui s’empresseront, comme dirait Maimonide, de décocher les flèches de leur ignorance, arguant que ce n’est pas la bonne question, que c’est une évidence, etc..

Prenons donc le problème avec sérieux : comment tous ces individus disséminés sur la surface de la terre ont-ils pu, en dépit des vicissitudes de l’histoire juive, des persécutions, des déportations et des massacres, conserver une trace vivante de l’antique promesse, à savoir, qu’au moment de leur apparition sur la scène de l’histoire mondiale, un sort spécifique leur était réservé ? Et comment sont ils parvenus à s’y tenir en dépit de circonstances si peu favorables ?

La monarchie davidique, qu’on la juge réelle ou fictive, remonte aux alentours de l’an 1000 avant l’ère chrétienne. Les deux destructions du temple de Jérusalem datent de – 586 et à 70 de notre ère. Après cette dernière catastrophe, c’est la période noire de l’exil et de la dispersion qui commence.

Quels sont les éléments, les forces ou les idées qui ont permis à tous ces gens, rejetés et perdus sur la surface du globe, de conserver un lien, un véritable principe architectonique gisant au fondement même de leur existence ? Tant de peuples ont développés des mythologies, de grandes épopées héroïques, élevé des cippes, des monuments ou des temples comme le magnifique site nabatéen de Pétra : et ce ne fut pourtant pas la panacée contre la destruction et l’oubli.

Quand vous écoutez les Israéliens d’aujourd’hui parler la langue hébraïque, l’idiome de leurs ancêtres, vous devinez immédiatement d’où ils viennent et eux aussi identifient votre provenance suivant votre accent. Dans toute conversation, quelle qu’elle soit, arrive un moment où fusent des phrase ou des mots en d’autres langues (arabe, français, allemand, russe, espagnol, etc..). Cette universalité de l’identité juive plongerait dans une perplexité abyssale les tenants des théories raciales du XIXe siècle, par exemple, qui se faisaient forts de reconnaître un juif au premier coup d’œil… Dans un même espace, une plage, un restaurant, dans le même grand magasin, vous trouverez aux caisses, dans les rayons, à la porte d’entrée, des russes, des yéménites, des éthiopiens, des séfarades, des ashkénazes etc.. Multiple identité juive, identité introuvable, indéfinissable.

Est-ce la religion qui a aidé tous ces gens à se reconnaître dans l’antique promesse à laquelle ils vouent une fidélité à toute épreuve ? Il est indéniable que le fondement même de cette identité est de nature religieuse car les rabbins qui succédèrent aux docteurs des Ecritures furent les instituteurs d’Israël comme Homère et Hésiode le furent pour la Grèce antique. Comme eux, ils firent mémoire de tout ce qui était constitutif de cette identité. Un document de plusieurs milliers de pages a concentré en lui-même la vie et l’unité de ce peuple déracine. C’est le Talmud qui entendait tracer la voie à suivre et maintenir en vie cette conscience à la fois nationale et religieuse. Ce n’est pas sans raison que les destructions du Talmud par le feu jalonnent la vie des communautés juives du Moyen Age.

Mais cette explication ne suffit plus à expliquer la survie du peuple d’Israël ni la fidélité à sa vocation. Car de multiples facettes sont apparues et la dimension religieuse de cette nation ou de ce peuple ne cesse de rétrécir au profit d’autres caractéristiques. Comment actualiser ce message d’un passé si lointain et, partant, comment définir cette identité juive ?

Le sionisme est peut-être la dernière idéologie du XXe siècle à avoir survécu. Aucune autre idéologie n’a pu suivre le même parcours. Il n’est pas question uniquement du sionisme politique qui n’a fait que bâtir sur des fondements plus anciens, profondément ancrés dans l’âme juive, même si celle-ci a toujours été polymorphe. Tous les immigrants qui se rejoignent dans ce pays reconnaissent que le sionisme ou le post sionisme est fondateur d’identité et formateur d’opinion. Il se révèle aussi comme une doctrine d’un grand pragmatisme et d’un étonnant universalisme. Ni la couleur de la peau, ni les origines sociales ou ethniques ne sont venues en limiter la portée. Certes, ce ne fut pas toujours facile, mais les résultats sont probants.

Quand on pense que ce pays n’est guère plus étendu que deux départements français de taille moyenne, qu’il était constitué d’étendues arides et désertiques, on se dit qu’il ressemble à l’identité juive elle-même. Etonnant et inclassable.

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