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MAIS QUI SE SOUVIENT AUJOURD’HUI DU ROI JOSIAS (640-609 ) ?

MAIS QUI SE SOUVIENT AUJOURD’HUI DU ROI JOSIAS (640-609 ) ?

 

Pour Monsieur Joseph RUEFF de Genève

En témoignage de fidèle amitié et de gratitude

Chacun sait que la critique biblique a une curieuse réputation : est-elle une science conjecturale ou n’a-t-elle rien d’un savoir scientifique ? S’appuie-t-elle sur la critique littéraire, l’archéologie et l’épigraphie ? Et dans l’affirmative, ces sciences auxiliaires de l’histoire sont-elles fiables ? Autant d’interrogations qui sont les nôtres depuis, au moins, les travaux de l’Oratorien Richard Simon, considéré comme l’un des pères de la critique biblique.

La Bible n’est pas un livre d’histoire, ou plutôt c’est un livre d’histoire sainte, c’est-à-dire de relations d’épisodes dont la valeur dépend avant tout de leur contenu éthique et de leur volonté d’édification.

L’histoire d’Israël, comme disait Ernest Renan, est loin d’être simple et claire. On y trouve tant de choses qui ne proviennent pas toujours des époques où elles sont censées avoir été écrites. Un petit roi, aujourd’hui presque entièrement oublié, a pourtant joué un rôle crucial dans le développement, la survie et la transmission à la fois de la Bible hébraïque et aussi d’une certaine idée du judaïsme.

Josias est peu évoqué dans la Bible, sauf en des passages stratégiques comme le livre des Rois II, chapitre XXII et II Chronique, ch. 34 et 35. Les historiens le connaissent pour sa fameuse réforme religieuse de -622 lorsqu’il imposa un culte épuré de Yahwé et détruisit sans pitié toutes les autres formations religieuses. Il contribua donc puissamment à la purification du monothéisme hébraïque et à la transmission de la littérature biblique dont il entreprit de guider la rédaction qu’il avait lui-même confiée à des hauts fonctionnaires judéens de la cour.

Si l’on en croit les récits du livre des Rois, Josias accède au trône à l’âge de huit ans et succède à son père, assassiné dans des circonstances obscures par ses serviteurs, inquiets de son impopularité croissante. A cette époque là, la petite Judée dont Josias hérite vient d’être amputée d’une partie du territoire national, le fameux royaume d’Israël, sous les coups de boutoir de l’armée assyrienne. Ceci se passa en 722 avant notre ère. Mais la puissance assyrienne n’est pas invulnérable et le mythe de l’invincibilité de son armée finit par voler en éclats. Après l’évanouissement de ce siècle assyrien, le petit roi de la petite Judée a une idée : il entend puiser dans le terreau de la tradition ancestrale pour galvaniser son peuple, le mener au combat et lui fixer une nouvelle frontière, à savoir reconquérir le territoire perdu au siècle précédent.

Comment faire ? Il revisite le passé mythique d’Israël et, sans égaler la grandeur du règne de Salomon, il envisage de réformer sa religion en la rendant plus conforme à ce qu’il imagine avoir été son glorieux passé. Ayant épuré les croyances populaires et réalisé l’unité religieuse de son petit royaume, le roi Josias a recours à ce que les biblistes allemands avaient nommé au XIXe siècle une fraude pieuse (ein frommer Betrug) : il imagine le scénario suivant : faisant écrire par les scribes royaux un livre reflétant ses conceptions religieuses purifiées et celles du courant religieux de son époque, il met le grand pontife dans le coup et celui-ci vient solennellement le voir pour le tenir le discours suivant : nous avons découvert ce manuscrit en renforçant les fondations du Temple de Jérusalem. Le roi demande qu’on lui en fasse la lecture et en écoutant la récitation, il déchire ses vêtements et s’attriste gravement parce qu’il constate que son peuple s’est éloigné de la loi du Seigneur.. Ce fut le signal de la réforme religieuse du roi Josias en -622 dont le but était avant tout politique.

On soupçonne aussi la main royale dans l’écriture d’un autre texte dont la signification est loin d’être anodine : le livre de Josué. D’ailleurs, les biblistes, maîtres du soupçon, ont été intrigués par la proximité des deux prénoms hébraïques (Yesha’yahou) pour Josué et (Yoshi’ahou) pour Josias… L’un serait-il le reflet littéraire de l’autre ? Je n’irais pas jusqu’à pour ne pas m’attirer l’accusation d’incroyance… Mais tout de même.

En relatant une véritable campagne victorieuse pour expliquer la prise de possession du pays de Canaan, el roi Josias a peut-être voulu envoyer un signal à son peuple, le préparer au combat et à al reconquête : ainsi le livre serait un discours-programme, non le récit d’une bataille passée, mais d’une guerre à mener, une bataille à venir. On exhorte les Judéens à se montrer dignes de la bravoure de leurs ancêtres.

Il y a plusieurs siècles déjà, les chercheurs avaient remarqué le ton chaleureux, exhortatif et mobilisateur du Deutéronome car c’est bien ce texte que l’on avait feint de découvrir dans les soubassements du temple. Le terme même de Deutero nomos signifie l’autre ou la seconde loi…

Mais Josias ne s’en est pas tenu à cela, il a fait écrire une glorieuse saga patriarcale, notamment abrahamique, exaltant la richesse du passé et priant ses compatriotes à s’inspirer d’un si haut exemple. Ces trois textes, le Deutéronome, le livre de Josué et les chapitres sur Abraham (Genèse 11-25) étaient des manifestes, des harangues, des invitations à se mobiliser.

Josias a réalisé ses projets à long terme, même s’il a finit tragiquement. Inquiétés par le remuant petit roi, les deux puissances hégémoniques de l’époque, l’Egypte et l’Assyrie (en hébreu : Mitsraim we-Asshur) observaient la situation de près. C’est ainsi que le pharaon Nékao II lança une vaste offensive contre la Judée. Et en -609, Josias fut tué à la bataille de Méguido.

Cette mort peu glorieuse a traumatisé la tradition religieuse juive qui lui a cherché une explication éthique : la divine Providence a confié à d’humaines (inhumaines) mains le soin d’abréger la vie d’un roi, grand et pieux, afin de lui éviter de vivre l’humiliante défaite face à Nabuchodonosor et d’assister à la ruine de son royaume.

Mais l’œuvre de Josias lui a survécu : c’est son idée du judaïsme qui s’est imposée, celle du Deutéronome. Victoire posthume d’un martyr qui avait une certaine idée d’Israël

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