L'AVENTURE DE JOSEPH DANS LE LIVRE DE LA GENESE A LA LUMIERE DE HANOUKKA.
POUR NOS FRERES CHRETIENS QUI FETENT NOËL CE SOIR
Je n’ai pas encore eu le temps de vous parler de hanoukka, le fête des lumières, qui est probablement à l’origine de la fête des lumières de Lyon. Mais en plus, ce samedi, outre les quatre bougies de hanoukka (4 sur 8), on a lu à la synagogue du Centre communautaire (l’oratoire le plus marocain de Paris) l’épisode de Joseph, ce fils de Jacob / Israël, vendu par ses frères comme esclave à des Ismaélites, devenu l’intendant du chef des eunuques de Pharaon et jeté en prison parce qu’il refusait de se livrer à la débauche avec la femme de son maître… Mais comme il était expert en matière d’interprétation des rêves, il sauve le grand panetier et le grand échanson, ce dernier se souviendra de lui et le recommandera au pharaon……
Ce qui frappe dans toute cette affaire, c’est la concomitance de plusieurs choses : l’Egypte, omniprésente dans ces chapitres de la Genèse (alors qu’elle occupe notre actualité depuis des mois), la crise économique que nous traversons (et le livre de la Genèse qui nous parle de la famine en Egypte) et le grand Joseph qui découvre pour nous les cycles économiques (expansion, régression, croissance et décroissance).
On a l’impression que Joseph, dans son rôle de vice-roi d’Egypte et d’organisateur d’une économie de survie, occupait dans l’Antiquité la plus reculée, les mêmes fonctions que les Jaques Attali, Alain Minc et Henri Guaino, conseillant les pouvoirs publiques. Mais Joseph va plus loin, il interprète les songes et semble être aussi un lointain précurseur de Sigmund Freud en personne. D’ailleurs, un certain nombre de folios du traité Berachot (fol. 55a-57b) du talmud de Babylone constitue un véritable petit traité d’interprétation des rêves.
Du chapitre 37 au chapitre 50 de la Genèse, on lit la magnifique histoire, presque irréelle de Joseph qui passe de l’esclavage au palais royal, en hébreu on fait un jeu de mots pour dire mi-Epher (de la poussière) la-Pé’ér (merveille). Une simple métathèse change le sens du mot du tout au tout…
Tout le monde connaît la teneur des deux songes du Pharaon, obsédé par la situation économique de son pays au point d’en rêver la nuit : il voit en songe 7 vaches bien grasses émergeant du Nil (qui était un dieu du panthéon égyptien) mais aussitôt après elles sont éclipsées par sept nouvelles vaches malingres et qui font pitié à voir… Et cette obsession ne s’arrête pas là, le même symbole se reproduit, mais avec des épis de blé, d’abord très gros et abondants et par la suite des plus misérables et des plus malingres… Plus important que tout le reste ; il y a là un message dont il faut tenir compte. Malheureusement, le Pharaon ne trouve personne pour interpréter ce rêve. On a une information dont va dépendre l’avenir de l’Egypte et personne n’est à même d’en livrer le clé et le sens.
Mais la divine Providence qui a tout manigancé, depuis la vente de Joseph jusqu'aux rêves du Pharaon confie à d’humaines main, celles du grand échanson, enfin rétabli dans ses fonctions après avoir été le compagnon d’infortune de Joseph : l’homme, actionné à son insu par Dieu, se souvient de lui comme d’un excellent psychothérapeute et vante ses mérites au Pharaon en personne. La suite est connue : Joseph explique que sept années de grande famine succéderont à sept années de grande abondance. Il convient donc d’engranger tout le blé des années d’abondance dans des silos à grain afin que le peuple ne manque de rien durant la disette. Et je dois dire que la Tora insiste presque lourdement sur la grande famine (ra’av hazak, kavéd) qui s’abat sur les rives du Nil. Ce qui accroît d’autant la grande expertise économique de Joseph, censé être le premier à découvrir la successivité des cycles économiques et la meilleure manière de se mettre à l’abri face à la dureté des temps…
J’ai déjà expliqué dans mon livre sur Abraham, un patriarche dans l’histoire, que ce récit de Joseph est aussi une nouvelle émanant de l’exil, porteuse du message suivant : on peut très bien vivre en exil, voire même en Egypte (assimilée plus tard dans la littérature prophétique et aussi dans l’exégèse talmudique à la quintessence de l’impureté) et accéder aux plus hautes fonctions tout en restant un authentique fils d’Israël. Car Joseph se marie avec la belle Asénét qui lui donne deux fils, il porte au doigt le sceau que le Pharaon en personne lui remet, on crie devant lui la formule de respect AVRECH et nul ne bouge le petit doigt en Egypte sans son autorisation (verbatim). Il réquisitionne toutes les terres d’Egypte, à l’unique exception de celles du clergé qui formait alors une sorte de status im statu. Grâce à sa politique économique éclairée, le régime du Pharaon n’est pas inquiété et la population s’en tire plutôt mieux que ce que les prévisions les plus pessimistes laissaient redouter…
Toutefois, cette étonnante égyptophilie biblique est sérieusement tempérée dès le début du livre biblique suivant, celui de l’Exode, qui stipule qu’avant de mourir, Joseph fit promettre à ses frères hébreux de rapatrier ses ossements en terre d’Israël. Donc, il y là une changement de perspective :ce n’est plus si bien de vivre et de mourir en Egypte qui devient le symbole de tout exil… Mais ce n’est pas là l’essentiel de cet épisode.
Ce qui retient mon attention ici, c’est le symbole de l’Égypte, ce à quoi renvoie ce pays dans l’imaginaire hébraïque. Car l’Egypte bibloique n’a jamais existé dans les faits. Et aussi l’étonnante coïncidence avec ce qui se passe aujourd’hui. Il faut savoir lire la Bible avec sagesse et intelligence. Les récits ne sont là que pour stimuler notre intelligence puisque la Bible est destinée à des êtres dotés d’un grand discernement.
Si l’on osait, on aurait presque envie de dire que les pays arabes n’ont pas encore achevé leur propre sortie d’Egypte, condition sine qua non de leur réel printemps, alors que les Hébreux l’ont fait il y a plus de 3411 ans ! C’était une Egypte archétypale, imaginaire mais O combien instructive, souffrant de la faim et de la soif, et ayant trouvé en un étranger l’homme providentiel qu’elle appelait de ses vœux et se ses feux, pour qu’il extirpe de son sein la famine et la désolation.
C’est peut-être le prix à payer pour trouver enfin la stabilité et la prospérité économique, seules garantes de la concorde politique
Mais à ce moment là, l’Egypte était gouvernée par un homme qui avait des rêves, une vision de l’avenir, un chef animé d’une vision et porteur d’un projet, et qui était visité dans son sommeil par des forces supérieures lui indiquant les dangers menaçant sa nation et lui faisant rencontrer l’homme qui la sauverait par son génie économique et sa science des rêves. Un tel homme a agi avec un grand discernement. Il découvrit, quand on le lui présenta, l’homme de la situation, celui que l’Egypte attendait : son Joseph, nom signifiant en hébreu celui qui accroît, ajoute (de la croissance et de la prospérité). Un homme que l’Egypte ancienne avait baptisé d’un autre nom : Tsafnat pa’éna, ce qui signifie dans cette langue fort ancienne : dieu dit : qu’il vive.
Dans ces chapitres hébraïques de la Genèse, les termes en langue égyptienne ne manquent pas : yéor (le Nil), amtahah (le sac, la gibecière), ahoh (le pâturage), les noms de Potipar, le patron de l’esclave Joseph, d’Asénét, la femme de Joseph, etc… Au point qu’il est permis de se demander si toute cette histoire ne faisait pas originellement partie de l’Histoire égyptienne, revisitée par des hauts fonctionnaires judéens de la cour du roi Josias (640-609 avant JC), qui l’auraient repensée dans un nouvel esprit intrinsèquement hébraïque…L’hypothèse est loin d’être farfelue
Pourtant, l’Egypte en cette semaine des lumières, n’est pas seule. Lui fait face, ou lui tient comapagnie dans le miracle de Hanoukka, la Grèce, une Grèce idolâtre, honnie par des fils d’Israël dont elle a détruit, saccagé le temple et profané les huiles sacrées, destinées aux candélabres et à la ménorah du sanctuaire… Par bonheur, les prêtres découvrirent dans un recoin épargné de la maison de Dieu, une fiole d’huile qui conserva sa sacralité. Elle ne devait durer qu’un jour et elle en tint huit, par miracle. Les huit jours de hanoukka !
On peut donc dire qu’à la fin, la fin de l’Histoire, les lumières de hanoukka ne dureront pas huit jours, mais huit millénaires pour éclairer matériellement mais aussi spirituellement l’humanité dans son ensemble, bannissant toute idée de guerre et de malheur. Ce sera alors la résurrection du Messie fils de Joseph qui rejoindra le Messie fils de David.