D’UNE ANNEE A L’AUTRE :
Réflexion sur le temps qui passe
Qui sait vraiment ce que l’avenir nous réserve ? Qui sait vraiment ce qui nous attend ? Ces célébrations de la Saint Sylvestre m’ont toujours un peu étonné, non que je n’apprécie pas des mets fins et de très bons vins ni de belles toilettes, mais j’ai souvent pensé que ces manifestations débordantes de joie et d’allégresse masquaient, de fait, une crainte de l’avenir, un avenir que nul ne perçoit nettement car nul ne peut, sans risque d’erreur, dé chiffrer les carnets de la Providence.
Les joies, les danses, voire les beuveries de la Saint Sylvestre seraient alors une manière d’auto-suggestion, d’incantation : tout faire pour que l’année commence bien et se poursuive bien, aussi. Une façon de se forcer à y croire. C’est ce que l’on dit des rêves : il faut toujours les interpréter dans le sens d’un très bon augure… C’est ce qui fera advenir un bel avenir.
Pourtant, comme l’année précédente, que d’espoirs déçus, de joies non vécues et de projets non réalisés, remis, c’est bien le cas de le dire, à l’année prochaine. Les gens qui perdent leur travail, divorcent de leur conjoint, meurent ou sont frappés de deuils cruels, et qui, pourtant, avaient débuté l’année passée sous d’excellents auspices…
Vous connaissez tous cette belle expression, philosophiquement inconsistante, Si D- veut et que la grande théologie protestante a reformulé de la manière suivante : D- voulant (en anglais God willing et en allemand, la plus belle et la plus riche de toutes les langues : Wenn Gott so will)… J’affectionne particulièrement cette expression, même si mon concept divin ne s’accorde pas avec elle, la sainte théologie nous enseignant que la volonté divine est éternelle et immuable, elle est fixée de toute éternité et même la prière ne peut la transformer car cela impliquerait que l’inférieur (la créature) peut agir sur le créateur (D-)… Et pourtant, la grandeur inégalée de l’homme c’est qu’il peut espérer, et la prière gît au fondement de la l’espérance… C’est aussi le principe de la philosophie de l’Histoire, qui aurait alors un sens comme l’existence humaine en aurait un, elle aussi. Est-ce bien vrai ? Et si l’on se mettait en quête d’un sens qui n’existe pas ? Souvenons nous de cette phrase prémonitoire d’Ernest Renan : l’humanité est incurablement dupe…
A l’origine, la jour de la Saint Sylvestre marquait la circoncision de Jésus. Cette mention figurait sur les calendriers de la poste de mon enfance. Cette journée a aujourd’hui perdu toute son aura religieuse. Le commerce et l’esprit mercantile lui ont donné le coup de grâce…
J’avoue préférer la fête de Rosh ha-shana, avec ses pommes trempées dans le miel, ses bénédictions, sa joie austère et ses suppliques afin de figurer dans le livre des vivants. Elle est suivie, dix jours plus tard, par le jeûne de Kippour, avec ses longues litanies et ses actes de contrition. Cette fête a su se prémunir contre les invasions des réjouissances païennes… Mais il faut aussi se garder des excès dans cette direction : un peu de joie de vivre et plaisir ne nuisent point.
D’une année à l’autre, c’est notre vie qui se consume comme une chandelle qui brûle. Et ceci rappelle le cri désabusé de l’Ecclésiaste: ce qui a été, c’est ce qui sera (ma shéhaya hou shé yhyé…)
Ne vous laissez pas décourager et fêter comme il se doit ce nouvel an en espérant qu’il nous apportera enfin la paix et la sérénité et qu’il éloignera de nous les envieux, les méchants et les pervers…
A moins que la providence ne parvienne à les doter d’un cœur nouveau et d’une âme régénérée, comme le prédit le prophète Isaïe…