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De l'abattage rituel

DE L’ABATTAGE RITUEL
Qui aurait pu prédire que ce thème ferait la une des journaux et de la campagne présidentielle en France ? Alors que la crise économique fait rage, que la Grèce n’est pas encore sûre de sortir la tête hors de l’eau et que l’avenir de l’Euro demeure incertain, quoiqu’on en dise, l’opinion française voit un problème absolument inédit entrer dans la campagne électorale : l’abattage rituel.

Connaissant ces choses de l’intérieur, je vais tenter de cerner le sujet le plus objectivement possible. Et d’abord une brève rétrospective : c’est Marine qui, la première, a cru bon de signaler que l’on consommait de la viande halal sans le savoir et que c’était là la preuve d’une islamisation souterraine et imperceptible de la France. L’idée en tant que telle et non point ce qu’elle induisait fut reprise par le ministre de l’Intérieur et, pour finir, par le président-candidat Nicolas Sarkozy. Je laisse aux experts en campagne électorale le soin de discerner les arrière-pensées politiques (s’il en existe) et de décrypter les véritables enjeux, pour m’en tenir au fond du problème.

Qu’est-ce l’abattage rituel et d’où vient-il ?

Dans l’histoire de l’humanité monothéiste, ce sont les juifs qui ont, les premiers, mis cette idée en pratique, même si on n’en trouve pas de trace explicite dans le Pentateuque, réputé être les cinq livres de Moïse et contenant la partie juridico-légale de la Bible.

Cette idée d’abattage rituel est aussi intimement liée à la notion et à la pratique de culte sacrificiel : les anciens rites d’adoration des divinités avaient pour centre de gravité l’offrande d’animaux qui étaient soit purement et simplement mis à mort en hommage à la divinité dont on sollicitait la protection et les faveurs (fécondité, récoltes abondantes, campagnes militaires victorieuses, guérisons des maladies, etc), soit entièrement brûlés, c’est-à-dire offerts en holocauste. Dans le premier cas, la viande était consommée par les prêtres du service ou la caste sacerdotale (du temple de Jérusalem, par exemple) et dans le second cas, comme on l’a dit, partaient en fumée.

Je rappelle que le culte sacrificiel n’était pas originellement hébraïque mais fut importé de Babylonie ou, plus tôt encore, de Mésopotamie. L’offrande d’animaux ne semble pas avoir été la règle générale puisque certains sacrifices offerts à la divinité étaient constitués de céréales, de vin et d’huile. Ce n’est que plus tard que les scribes, acquis aux sacrifices dits sanguinolents, introduisirent dans les récits les plus anciens de la Genèse (Noé sortant de l’arche et Abraham) un rite sacrificiel proprement dit, impliquant d’immoler des bêtes.

Immoler des bêtes, soit, mais comment devait s’effectuer cette mise à mort ? C’est alors qu’on songea aux règles de l’abattage rituel qui sont le résultat d’un mélange complexe de plusieurs tabous et interdits. Et le fruit de l’exégèse ra    bbinique. Il y a tout d’abord les recommandations archaïques (ce terme pris dans son sens grec originel) du livre de la Genèse où la consommation du sang est prohibée car, y lisons nous, le sang est l’âme. En fait, il faut traduire : le sang est la vie…

Ensuite, dans le livre du Lévitique, né très probablement en Babylonie et authentique produit de l’exil après la chute du premier temple, il y a un verset biblique où Dieu est censé dire à Moïse de lui offrir des sacrifices, comme je te l’ai recommandé. C’est de ce bout de verset que les sages du Talmud ont déduit les règles compliquées de l’abattage rituel qui reposent sur deux critères : ne pas déchiqueter un animal car cela s’apparente à une pratique inutile de la cruauté et ne pas consommer son sang. D’où la nécessite de consommer une viande exsangue. Au besoin, en l’immergeant toute une nuit dans un bassin d’eau salée…

Les sages du talmud qui n’étaient ni des vétérinaires ni des chimistes, ni même des adhérents de la SPA, mais qui avaient conscience d’agir selon les recommandations divines, ont pensé que le couteau, et donc l’égorgement, étaient la meilleure façon (si je puis dire) d’immoler les animaux pour les sacrifices. Et si cela valait pour les offrandes à la divinité, à fortiori cela devait convenir à la consommation courante, quotidienne des humains.

C’est ainsi que naquit la notion de viande cacher et le substantif dérivé de cacherout. Ce terme signifie simplement bon, apte, conforme. D’ailleurs, aujourd’hui, pour désigner un appareil ou une machine, on dit machshir, qui est un dérivé de la même racine.

Or, le terme arabe halal n’est que la traduction de cacher car les tout premiers musulmans furent, en partie, des juifs convertis qui apportèrent avec eux des pratiques  et des rites ancestraux. L’égorgement des bêtes fut donc repris. Ce n’est pas étonnant : vers l’an 500 de notre ère, donc près d’un siècle et demi avant l’apparition de l’islam, le talmud de Babylone -qui contient toutes ces pratiques- était déjà achevé et a servi d’arsenal où l’on pouvait puiser à volonté.

Dans ce même talmud on trouve un corps de lois assez développé qui souhaitait doter l’humanité non monothéiste d’un minimum de règles afin d’en faire une humanité civilisée. Ce sont les lois des Noachides, les sept lois des fils de Noé, rescapé du Déluge et semence d’une humanité régénéré, c’est-à-dire de l’humanité non monothéiste. Et dans cette législation, on lit l’interdiction de consommer le membre d’un animal encore vivant. C’est que cette pratique barbare de mutiler les animaux devait avoir cours, faute de quoi on n’aurait pas interdit ce qui ne se faisait pas… Ainsi, l’abattage rituel avait pour inspiration première un préoccupation humanitaire pour les animaux.

Que dit le philosophe au terme de cette petite enquête sur l’histoire des religions comparées ? On sent dans cette législation une certaine mauvaise conscience, un malaise devant cette nécessité d’ôter la vie à un animal pour se nourrir de sa chair.

L’abattage rituel est l’expression irrépressible de la mauvaise conscience de la personnalité religieuse. Mais c’est aussi la preuve que des hommes ont, à un moment donné de l’histoire, pensaient à leur pratiques sur cette terre.

Evidemment, l’antinomisme de Saint Paul a jeté tout cela par dessus bord, disant, un peu rapidement, que ce qui était impur était ce qui sortait de la bouche et non ce qui y entrait…
Avait-il raison ? Je l’ignore, mais je suis sûr qu’il doit sourire en suivant de là où il est la campagne présidentielle.

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