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Pourim ou la défaite du premier antisémite de l’Histoire

Ce soir la fête juive de Pourim ou la défaite du premier antisémite de l’Histoire

En effet, ce soir s’achève le jeûne commémoratif de la reine Esther dont parle le rouleau du même nom, qui institue la fête de Pourim, une fête non prescrite par le Pentateuque, donc non-mosaïque, mais très prisée par les communautés juives, depuis son instauration. C’est un peu le carnaval juif, les rues de Tel Aviv et de Jérusalem sont exubérantes de joie, les enfants des écoles se déguisent, tout le monde est content, les enfants reçoivent des cadeaux… Bref, c’est l‘une des rares fois où le sérieux judaïsme reste au vestiaire !

Pourquoi un jeûne avant les festivités ? C’est que la reine Esther, belle jeune fille juive devenue reine de Perse (devinez le contexte actuel de cette célébration avec Ahmaninedjad) apprend par son oncle Mardochée que le premier ministre, le méchant Haman veut exterminer tous les juifs de ses provinces. Son oncle lui demande de casser le funeste décret en intervenant auprès de son impérial époux, ce qu’elle consent à faire mais demande, au préalable, que tous les juifs de la capitale perse, Suze, se soumettent à une journée de jeûne et de contrition afin que D- lui soit propice et favorise la requête qu’elle doit adresser au roi.

Curieux roman que cette affaire qui s’est introduite dans la tradition scripturaire hébraïque depuis des temps immémoriaux et qui pose, de manière romancée et partiale, le problème qui a toujours accompagné le peuple juif, celui de l’antisémitisme ou de la judéophobie.

Le rouleau d’Esther se présente de la manière suivante : un puissant monarque, roi des Perses et des Mèdes, dirige 127 provinces, pas une de moins. Il donne une fête somptueuse que l’auteur hébraïque décrit avec force détails : vaisselle en or, nourriture et surtout boissons alcoolisées abondantes, et pour finir, lorsque le roi est de très bonne humeur, il ordonne à son épouse, la reine, de venir se produire (littéralement) devant ses invités afin que tout le monde puisse admirer sa beauté. Je me demande ce que ce roi, nommé Assuérus, avait à l’esprit en donnant un tel ordre à sa chaste épouse, mais toujours est-il que la reine refuse de se donner en spectacle, et sa désobéissance provoque la grande colère du roi.

Quand il reprend ses esprits, il réunit son conseil qui décide de chasser la reine (et probablement de la faire exécuter) et lance un vaste concours pour lui trouver une remplaçante.

Et c’est là que le roi Assuérus jette son dévolu sur la belle Esther, une jeune fille juive qui cache son appartenance religieuse, à la demande de son oncle Mardochée. Devenue reine, elle apprend le complot que Haman trame contre son peuple et réussit, avec l’aide du Ciel, à le déjouer et à faire condamner le méchant qui est pendu ainsi que l’ensemble de sa famille…

En fait, c’est une belle histoire qui a plusieurs implications :

a) les auteurs ont voulu montrer que l’on pouvait vivre en bon juif à l’extérieur des frontières du royaume d’Israël, voire même accéder à la royauté, ce qui n’est pas rien. C’est donc une novellæ de l’exil, une sorte de billet adressée aux frères restés dans la mère patrie pour leur dire que la vie est tout aussi agréable à l’extérieur qu’à l’intérieur du royaume juif.

b) On a un autre exemple biblique du même genre : l’histoire de Joseph, vendu comme esclave par ses frères et devenu vice-roi d’Egypte, ayant épousé la belle Asénét, la fille d’un prêtre local, et qui lui donna deux fils, Manassé et Ephraïm. Même topo, même message que le rouleau d’Esther : on peut rester juif et réussir, en dehors des limites du territoire. Encore un plaidoyer en faveur de la vie en diaspora.

c) Le troisième enseignement, le plus important, peut-être, est que l’antisémitisme peut jaillir à n’importe quel moment et n’importe où, un peu comme un violent orage après un grand ciel bleu… Mais la leçon est la suivante : avec un peu d’intelligence (le complot de Mardochée, la participation d’Esther) et surtout le concours divin (le jeûne et les prières) on peut réduire à néant le funeste décret…

Ce rouleau exprime aussi le wishfull thinking de l’ancienne théologie juive qui veut croire en une défaite de l’antisémitisme et de ses promoteurs : car le motif invoqué par le Premier Ministre Haman, premier antisémite violent (i.e. génocidaire) de l’Histoire, est la différence, l’altérité incarnée par les juifs qui ne sont pas comme les autres. D’où sa volonté de les exterminer.

Le célèbre spécialiste allemand de la Rome antique au XIXe siècle, Théodore Mommsen, un historien protestant cher à mon cœur, a écrit ceci : en apparaissant pour la première fois sur la scène de l’histoire mondiale, Israël n’était pas seul, il était accompagné d’un frère jumeau… l’antisémitisme !

C’est bien vrai et l’ancien grand rabbin d’Israël, Rabbi Ovadia Yossef, avec lequel je ne suis pas toujours d’accord mais que j’assure de ma très respectueuse considération, a dit avant-hier que la Perse a un nouveau Hamman, qui se nomme aujourd’hui Ahmaninedjad…

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