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à la culture : A propos de l’interview donnée au Monde (12-12 février, p 15) par Madame Françoise Héritier

De la civilisation à la culture :  A propos de l’interview donnée au Monde (12-12 février, p  15) par Madame Françoise  Héritier

Claude Guéant n’imaginait certainement pas qu’une simple  phrase dans un discours de près de dix pages allait susciter un si large débat où, dernier mais non moindre, notre grand quotidien national, Le Monde, n’hésite pas à mobiliser une  de nos plus éminentes collègues du Collège de France, Me François Héritier. Avec tout le respect dû à la finesse d’analyse et à la grande compétence de cette universitaire de renom, je n’arrive pas me convaincre que le ministre de l’intérieur ait proféré des insanités, tenu un discours indigent ou émis des pensées impures. Après deux relectures attentives, je n’arrive pas à voir pourquoi on prête à  Claude Guéant de noires arrière-pensées qu’il n’a certainement pas. D’autant qu’il a maintes fois fait l’exégèse de ses propres propos : ne pas lui accorder le moindre crédit relève du procès d’intention.

Madame Héritier n’a pas tort de rappeler que l’on se considère toujours comme une référence et que l’on juge constamment son propre degré de civilisation et d’élévation de culture nettement au-dessus de celles des autres. L’exemple tiré de la Grèce antique est très bien choisi puisque selon les compatriotes de Socrate, la culture s’arrêtait aux portes mêmes d’Athènes :au delà de cette limite, c’est le règne de la barbarie. Même un homme de la sagesse d’Aristote statuait que l’esclave est un outil doté de la parole… Et pourtant il nous a légué l’Ethique à Nicomaque…

Certains –et non des moindres- ont  déploré le choix du terme civilisation, s’interrogeant sur la réalité de son champ sémantique et sur ce qui le distingue d’un terme sensiblement équivalent, la culture. Je rappelle qu’un texte célèbre de Freud (Unbehagen in der Kultur) a toujours été traduit en français par Malaise dans la civilisation et non point dans la culture, car, en allemand, ces deux termes sont très proches… Et Me Héritier en convient sans peine. Une célèbre ethnologue, aujourd’hui disparue, Margaret Mead, définissait la culture comme l’art de langer les bébés et le mode d’enfouissement des défunts… Et pour juger de l’évolution des civilisations antiques et leur état d’avancement en général, , les archéologues scrutent leurs poteries et les décorations, plus ou moins sophistiquées, qui les parent.

Mais pourquoi aller chercher si loin quand on sait que Claude Guéant ne concourt pas pour une nomination à une chaire d’ethnologie ou de civilisations comparées au Collège de France ? Il a simplement voulu exprimer ce qu’un Français sur cinq pense et rumine au fond de lui-même.  L’aspect le plus révélateur (au sens freudien du terme) de cette interview éclate  lorsqu’on rappelle à Madame Héritier que même Lévi-Strauss reconnaissait ne pas avoir «accroché» avec l’islam. D’ailleurs, il serait plus convenable de parler de musulmans et non d’islam car les approches, les interprétations et les façons de vivre cette foi sont multiples : l’islam des Turcs n’est pas celui des Indonésiens, ni celui des Saoudiens, sans même parler des Iraniens…

Que n’aurait-on pas dit si Claude Guéant était rentré dans les détails ! Certes,  son mode allusif ne laisse planer aucun doute sur ses intentions profondes, et c’est bien ce qui lui est reproche en filigrane. Et Madame Héritier surinterprète les intentions supposées du ministre en parlant de disqualification, de mise à l’écart et de mépris des autres. Ce n’est pas convenable et ce n’est pas juste. Elle joue même sur les mots lorsqu’elle tente de mettre Claude Guéant en contradiction avec lui-même dans son usage du terme relativiste : relativiser, c’est comparer, rapproche, or, le ministre dit bien que les civilisations sont irréductibles les unes aux autres.. Franchement, on nous avait habitués à de meilleurs commentaires…

En fait, Claude Guéant que je connais bien personnellement a, certes des idées politiques bien à lui, mais il a aussi des convictions spirituelles parfaitement honorables.

Le fin mot de toute cette histoire est le suivant : dans chaque langue, chaque mot a un référent, réfère à un concept évocateur, signifiant historiquement. C’est bien pour cela que les commentateurs ont parlé de hiérarchisation des civilisations. Et quand on en parle, tous les hommes cultivés, se souviennent de l’Essai sur l’inégalité des races humaines  du comte Arthur de Gobineau. Que Renan lui-même a constamment refusé de recenser dans la revue Les Débats… C’est bien pour cela que la levée de boucliers a eu lieu.

Or, je connais suffisamment bien Claude Guéant pour dire qu’ile n’a jamais eu de telles pensées. Mais l’idée même de civilisations, meilleures que d’autres, devenait taboue… Le même opprobre avait injustement frappé Ernest Renan quand il se mit à parler de races, un terme auquel il ne donnait nullement la moindre acception raciste…

Cette problématique est très complexe car l’idéologie s’y invite d’elle-même et tous les efforts pour l’en chasser se révèlent vains. : que l’on pense à l’éternité de civilisations mortes, par exemple, la Grèce et la Rome antiques…, à la Mésopotamie, à Sumer etc…

Il y a une antériorité éternelle de la sagesse sur la science et même sur l’Histoire.

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