La Turquie et la Syrie : enjeux et arrière-pensées…
Il faut reconnaître qu’en dépit du tempérament un peu excessif du premier ministre turc M. Erdogan (que l’on dit préoccupé par des problèmes très personnels), il a tenu le cap dans cette affaire syrienne qui dure depuis près de 13 ou 14 mois et qui ne peut pas se régler de manière définitive dans les semaines suivantes.
La Turquie est prise entre plusieurs exigences et doit naviguer délicatement entre maints écueils/ La Syrie représente pour elle un enjeu économique et financier, mais aussi avec des arrière-pensées.. Elle a d’abord commencé par voir en sa voisine une ennemie qui pactisait avec les rebelles et séparatistes kurdes, au point qu’en 1998 on n’était pas très loin d’une confrontation armée. Puis, avec l’arrivée des islamistes turcs au pouvoir et le renversement de l’alliance avec Israël, les positions se sont rapprochées, notamment grâce à l’influence iranienne, soucieuse d’isoler Israël et de se constituer dans la région un noyau dur de pays amis et alliés.
Mais depuis les troubles et la contestation armée en Syrie, M. Erdogan ne pouvait plus ignorer le vrai visage du régime de Bachar et a dû se désolidariser et ouvrir ses frontières aux réfugiés qui se comptent par milliers. A présent, Ankara demande l’aide internationale pour faciliter l’accueil des réfugiés. Et comme on l’écrivait ici même, Kofi Anan n’est plus dans le coup et vient d’essuyer un humiliante gifle diplomatique : Bachar l’accuse publiquement d’avoir mal compris la proposition syrienne… Un comble pour un ancien secrétaire général de l’ONU, réputé être un diplomate dans la bonne moyenne. Bachar n’a jamais eu l’intention de retirer ses chars des villes, il entend continuer à tuer ses opposants jusqu’au dernier et mener son affaire comme à l’accoutumée, sans rien lâcher.
Et en effet, comment avoir pu comprendre un seul instant que Bachar qui tue son peuple pourrait engager des négociations avec lui ? Eh bien, M. Anan l’a cru, ce qui est proprement sidérant. Ce qui en dit long sur les capacités diplomatiques de certains. En fait, il suffirait que Washington offre quelques fortes compensations à Moscou pour que celle-ci retire son soutien à Bachar et 15 jours plus tard, son régime s’effondrera.
Mais laissons M. Anan à ses illusions et revenons vers M. Erdogan : la Turquie a une armée mal équipée et des effectifs pléthoriques. Elle a besoin de l’arrière-pays syrien pour parachever sa pénétration en Irak, pays riche en pétrole et où tout est à reconstruire. L’économie turque est l’une des rares cartes dans la main des islamistes au pouvoir à Ankara. Par ailleurs, l’accession au rang de puissance régionale par la Turquie exigeait une entente avec Damas sous quelque force que ce fût… Ceci pari s’avère très aléatoire ! C’est pourquoi le r »égime turc actuel n’est peut-être pas si solide que cela.
Que va faire M. Erdogan, à part attendre une hypothétique victoire des insurgés en Syrie ? Probablement laisser passer plus d’armes lourdes en provenance du Qatar et de l’Arabie saoudite, à destination des insurgés. Mais aussi, même si cela est inavouable, renouer (d’abord) en sous main avec Israël, ce que demandent avec insistance les milieux laïques turcs et des pans entiers de l’armée, équipée de drones et de puissants matériels israéliens.
Mais vraiment, la vieille tradition avait raison qui déclarait que la destruction s’était abattue sur notre monde : comment faire pour en sortir ? Changer l’homme !