Rosh ha-Shana, le Nouvel An juif
Depuis avant-hier, depuis dimanche soir, les juifs du monde entier célèbrent la nouvelle année religieuse. Elle dure quarante-huit heures et l’on y célèbre l’entrée dans une nouvelle aventure en invoquant sur Israël et sur le monde entier les bénédictions et la clémence divines. La tradition juive associe cette fête, réputée austère comme le jour du grand pardon, à une solennité où les gens ne font pas bombance, ne boivent pas plus que de raison ni ne se réjouissent trop. Au contraire, on doit passer de longues heures à suivre les offices religieux à la synagogue.
Le Nouvel Aa juif est aussi centré autour de deux chapitres du livre de la Genèse, le 21 et le 22 qui parlent de la naissance miraculeuse du patriarche Isaac puisque son père avait cent ans et sa mère Sarah quatre vingt-dix ! Les chantres synagogaux ont d’ailleurs immortalisé cet événement par une magnifique composition liturgique qui commence par ces termes : ‘Et sha’aré ratson le-hippatéyah (le moment au cours duquel les portes de la Volonté [divine] s’ouvrent), c’est-à-dire l’instant propice à l’exaucement des prières..
Aujourd’hui, par exemple, on lit le chapitre 22 au cours duquel est décrite la ligature d’Isaac, son père Abraham voulant montrer par là que rien , pas même l’amour paternel, ne peut se placer entre le Seigneur et son adorateur. Je vous renvoie à mon livre sur Abraham : un patriarche dans l’Histoire (Paris, Perrin, 2010) où j’expose mes réserves sur cette façon d’adorer Dieu. Mais le chapitre est composite et on peut dire qu’au fond, toute cette mise en scène n’était qu’une façon d’annoncer un tournant dans le culte divin : la substitution du culte sacrificiel au sacrifice humain. On n’immole plus les hommes à la divinité, celle-ci devient la garante suprême d’un ordre éthique universel. Et c’est Abraham, le découvreur du monothéisme éthique qui incarne ce tournant. Abraham a fait que le monothéisme soit aussi important que l’éthique. C’est l’éon (l’âge du monde) de l’universalité de la loi morale pour laquelle la vie est sacro-sainte.
Par un savant mouvement de balancier dont la tradition juive semble avoir le secret, les sages du talmud ont imaginé tout un rituel (un séder) de la soirée de Rish ha-Shana au cours de laquelle tous les mets sont doux et sucrés fin de se souhaiter réellement une année de douceur… On peut dire que ce ces deux soirs là le miel coule à flot ! On consomme même des fruits exotiques afin de pouvoir réciter les bénédictions appropriées. Suivant une habitude hassidique, même la satisfaction de besoins primaire, se nourrir, sont élevés au rang d’une obligation d’ordre supérieur. Il s’agit de la ha’ala’a, (élévation) l’action d’exalter, de ramener les choses à leurs racines dans le monde supérieur…
Hommage soit rendu à cette pédagogie d’hommes réputés sévères et austères. Dans une soirée assez grave (puisque Dieu y décide l’avenir de toute l’humanité) il ont instillé une dose de douceur et de bien-être.
Mais c’est durant la journée de kippour que culmine la spiritualité juive : on y récite alors les prières concernant l’humanité messianique. Les orants implorent Dieu de nous accorder une année au cours de laquelle nulle femme ne perdra le fruit de ses entrailles et D accorder des semences au semeur et du pain au mangeur…