Bienvenue à la maison, chère Florence Cassez
Enfin, vive la justice mexicaine ! Vive la Cour suprême du Mexique ! Quelle affaire ! Au fond, la justice est la chose la plus éminente qui soit, mais quand elle est viciée, c’est aussi le plus terrible de tous les cauchemars. Ce que vient de vivre une jeune Française quelque peu imprudente en se commettant dans un lointain pays d’Amérique du sud avec des gens qu’elle ne connaissait pas vraiment et qui, sans se prononcer sur leur innocence ou leur culpabilité, l’ont entraînée dans tous ces tourments. Florence est donc de retour et j’espère que son exemple servira de leçon à toutes ces jeunes femmes qui se lancent dans des aventures qui leur coûtent si cher. Dans la liturgie juive du matin, il y a une prière qui rend grâce au Seigneur car il libère les entravés (mattir assurim) et redresse ceux qui sont courbés (zokéf kefoufim), et qui ploient sous le fardeau de l’injustice. Sans vouloir faire d’exégèse symbolique d’une banale affaire d’erreur judicaire, je note que la détention a duré sept ans, un peu comme toutes ces malédictions ou ces peines dont parle la Bible. Sept ans, c’est un chiffre symbolique, le symbole septénaire, un peu comme une sorte de fatalité… L’homme est-il vraiment libre d’aller et de venir, comme bon lui semble ? Apparemment, non ! Ah, si Florence n’avait jamais les pieds au Mexique, sa vie eût été différente. Je pense aussi à l’amour infini de ses chers parents qui ont lutté et tenu pendant toutes ces années, se heurtant à un mur, celui de la parodie de justice, de l’offense au droit. Dans la vie, tout est question de patience et d’endurance. Il faut tenir et ce n’est pas toujours facile. Parfois, la nécessité de tenir prend plus de temps que toute une vie. Ici, nous connaissons une issue heureuse. Un grand hommage donc à la justice mexicaine ; elle a donné raison au célèbre adage latin : fiat justicia pereat mundus. Que la justice soit, le monde dût-il en périr Même si Hegel dans sa Philosophie du droit n’est pas d’accord, lui qui souligne la nécessaire union des deux, la justice et le monde, car tout est subordonné au bien. Et si le monde devait en périr, on aurait tout perdu. Ceci met la justice en état de subordination vis-à-vis du monde, du bien et donc de la politique. Je serais d’accord si on faisait aujourd’hui de la politique comme au temps de Platon ! Mais hélas, même au temps de Platon, la politique n’était pas si vertueuse, et à y regarder de plus près, on sent chez le disciple de Socrate un soupçon de désillusion : c’est Platon qui avait une idée platonique de la justice. Ah, les racines inexpugnables de l’idéalisme, plongeant au plus profond du cœur humain. Même Kant n’y échappe pas, qui écrivait en substance : la loi morale au fond de mon cœur et le ciel étoilé au-dessus de ma tête. Mais ne gâchons pas la joie de la France : Bienvenue à la maison, Florance ! Maurice-Ruben Hayoun In Tribune de Genève du 24 janvier 2013