Oui, la question se pose dans toute son acuité: l'Etat juif, harcelé depuis sa naissance par des terroristes qui lui dénient le droit à l'existence doit-il vraiment, pour aboutir à un accord de paix, libérer des Palestiniens, notamment ceux qui ont, comme on dit, du sang sur les mains?
On peut se poser la question légitimement même si, comme chacun sait, on ne fait la paix qu'avec ses ennemis, en espérant que les ennemis d"hier seront les voisins pacifiques de demain. C'est un raisonnement que doivent tenir tous les diplomates et les hommes d'Etat mais que les proches des victimes, tragiquement disparues, ne peuvent ni ne veulent comprendre.
C'est le sentiment que j'ai éprouvé ce matin en prenant connaissance des plaintes déposées devant la cour suprême d'Israël par des proches de victimes qui disent vivre des cauchemars depuis des années et qui ne peuvent pas vivre avec l'idée que les assassins de leur proches vont couler des jours heureux, non loin du lieu de leurs crimes et de leurs fordaits, tandis que leurs victimes, elles, ne reviendront plus jamais.
C'est un grave débat. Il pose la question suivante: est-ce que Dieu, est-ce que la morale, oui, l'éthique, doit exister partout, manifester sa présence partout, ou, au contraire, faire la part des choses, admettre implicitement ou explicitement que certains domaines (la politique, l'économie, la diplomatie, etc…) relèvent d'autres lois?
En termes plus directs: est ce que l'actuel Premier Ministre d'Israël a raison, en vue de promouvoir des négociations de paix avec quelque chance de succès, de faire fi de principes élevés (one ne libère pas des assassins d'Israéliens) en arguant que dans ce domaine précis, l'éthique commune, habituelle, cesse de s'appliquer? On pourrait presque parler comme chez Sören Kierkegaard d'une suspension téléologique de l'éthique… Ce qui signifie que pour réaliser un objectif bien plus élevé, on commet un acte que la morale ordinaire réprouve.
Toujours dans ce domaine de téléscopage entre la politique internationale et l'éthique, on ne peut pas ne pas penser à Max Weber qui distinguait nettement entre d'une part l'éthique de responsabilité et d'autre part l'éthique de conviction.
La première signifie que l'on peut agir contrairement aux principes éthiques car certains domaines, comme les négocaitions avec l'ennemi, rendent nécessaires des accommodements avec les principes: cela s'appelle prendre ses responsabilités, donc assumer certaines choses que l'on ne ferait pas en temps normal. Au fond, c'est ce que font les hommes politiques du monde entier. Car, comme disait Churchill, la politique n'est rien d'autre qye l'art du possible.
L'éthique de coniviction, c'est tout autre chose: on conforme son action à ses principes, sans jamais en dévier. Et on place la fidélité à l'éthique au-dessus de tout le reste, c'est la valeur suprême. C'est une nouvelle mouture du kantisme avec son fameux impératif catégorique…
Cette dernière attitude est très belle mais elle est irréaliste. J'en reviensà la requête des familles des victimes de ces terroristes qui vont être libérés, et qui demandent à la cour suprême d'interdire cette libération de condamnés à des lourdes eines, voire à vie.
Franchement, je n'arriver pas à faire le départ entre les deux: je ressents une immense soldiarité avec les victimes et avec leurs familles, mais je me dis que j'aurai probablement fait la même chose que Benjamin Netanyahou si je m'étais retrouvé dans la même situation.
Les plus cyniques - et la plupart des diplomates le sont pour des raisons professionnelles- arguent qu'Israël a réalisé un joli coup puisqu'en libérant de vieux prisonniers, entièrement démonités et ayant perdu toute valeur sur le plan militaire, il fait passer par la même occasion la construction de plus de mille logemens dans des secteurs contestés…
Mais sur le plan des principes, cela ne change rien: nous ne sommes pas plus avancés. Faut-il le faire ou ne pas le faire? Franchment, ce sera toujours un cote mal taillée.
Les piétistes et les mystiques de toutes les religions ont l'habitude de dire que Dieu est partout présent et qu'il n'existe pas de domaine où il ne serait pas présent… Certains disent même qu'il faudrait le réintroduire dans des secteurs où sa présence serait incompréhensible tant l'impureté et le dévoiement moral y sont omniprésents…
Ont ils raison? J'avoue ne pas savoir…