L’acharnement judiciaire autour de Nicolas Sarkozy
A l’évidence, cet éditorial n’est pas partisan, même si à quelques heures de mon vol pour Genève où je dois animer un dîner-débat, je résume mon propos de ce matin en ces termes lapidaires : Nicolas Sarkozy acculé à Paris et acclamé à Genève.
De quoi s’agit-il ? Eh bien, d’une démarche que n’a connu aucun président de la République après son départ de l’Elysée, pas même Jacques Chirac dont l’épisode judiciaire s’est tout de même mal fini. J’étais personnellement contre, arguant qu’un homme devenu vieux ne devait pas voir sa fin de vie ternie par une condamnation. Ce fut hélas le cas. On ne rappellera jamais assez aux juges que la justice est là pour assurer une harmonieuse vie sociale. A partir du moment où la justice met le monde en pièces au lieu de l’amender, remplit elle vraiment son rôle ? L’adage latin que la justice soit, le monde dût-il en périr, ne fonctionne pas (fiat justitia, pereat mundus). Un adage d’un vieille sagesse orientale stipule que Dieu a créé son univers par le biais de son attribut de miséricorde et non par l’intermédiaire de l’attribut de la rigueur implacable du jugement)… Pour quelle raison ? Par ce que ce monde assis sur une implacable justice n’aurait pas tenu une seconde ! A bon entendeur, salut !
Tout ceci pour dire que le quinquennat de N Sarkozy est passé à la moulinette car chaque jour que D- fait apporte son intarissable lot de (prétendus ?) scandales, d’affaires et d’accusations. La question posée est grave et touche au cœur même des institutions de la république française : existe t il toujours une séparation des pouvoirs ? Sommes nous encore loin de l’instrumentalisation de la justice ? Est ce une chasse à l’homme puisque le pouvoir en place n’a plus, dit-on, le moyen d’enrayer la dégringolade électorale qui le menace ? Franchement, je n’en sais rien. Mais je pense vraiment que l’opinion, et les avocats, sont en train de monter en puissance et d’accuser les autorités de parti pris et de main mise sur l’institution judiciaire.
Il faut faire preuve de prudence. Tous les jours, les journaux indiquent que la côte de popularité des deux têtes de l’exécutif ne se redresse guère. Et comment cela serait il possible dans la situation actuelle ? S’acharner sur un homme (qui n’aurait pas fait mieux) n’est pas une option sérieuse et provoque l’effet inverse à ce que l’on escomptait. Le gouvernement devrait se concentrer toujours plus sur la lutte contre le chômage, le rétablissement du pouvoir d’achat sans se préoccuper du retour en grâce des battus d’hier. Il ne faut pas que N.S. obsède le sommeil des gouvernants actuels. Qu’ils montrent ce qu’ils savent faire et les Français jugeront..
Ce qui heurte la sensibilité des gens, c’est ce tir groupé sur un homme et un parti dont on veut noircir l’image. Personnellement, je n’ai d’engagement ni avec l’un ni avec l’autre, mais ma sensibilité d’homme et de citoyen est un peu froissée par ce que je vois et entends.
La France est un pays dont les habitants confondent souvent l’égalité et l’égalitarisme. Un ancien président de la république ne sera jamais, quoi qu’en on en dise, un citoyen comme les autres. Certes, nul n’est au-dessus de la loi mais on sait bien que le statut pénal du chef de l’Etat, même après ses fonctions, ne ressemble à rien d’autre.
Le pouvoir a eu l’intelligence ou le réflexe de sauver l’ancien chef de l’Etat de l’abominable accusation d’abus de faiblesse, lui évitant ainsi un humiliant renvoi en correctionnelle……… Je ne sais pas ce qui se serait dans les rues des villes et des villages de France si cela avait eu lieu… Rendez vous : un homme, devenu chef de l’Etat, accusé d’avoir tirer profit de la fortune d’une vieille dame.. Je frémis à cette simple évocation, tant cela paraît inimaginable.
On pourrait m’opposer que je remets en question l’indépendance de la justice. Non point, je ne le fais pas. Mais il ne faut pas être naïf : on n’ouvre pas un dossier à tel moment ou à tel autre par hasard. Et surtout, on ne fuite tel ou tel détail à tel moment ou à tel autre, par hasard. Cela profitera aux extrêmes qui diront comme aux années trente : tous pourris…
Il est temps de se ressaisir. Le gouvernement actuel traverse un moment difficile et tous doivent souhaiter sa réussite car il y va du redressement de la France. Le maintien au pouvoir n’est pas une fin en soi. Il est vrai que la nature humaine est ce qu’elle est et quand on arrive au sommet, on n’est pas nécessairement un saint. Mais il faut, néanmoins, utiliser des méthodes acceptables.
Mais ceux que D- a doté de l’intelligence du cœur devraient regarder un peu plus loin que le bout de leur nez : que se passerait-il si l’alternance se faisait en 2017 ou, avant, en cas de dissolution de l’assemblée nationale ? Assisterions nous à une chasse à l’homme à l’envers ? D- nous en préserve.
Que la justice fasse son travail loin du tintamarre de l’information sensationnelle, loin des plateaux de télévision : tout le monde y gagnerait, l’opposition qui ne serait plus accusée abusivement et le pouvoir, qu’el qu’il soit, dont les efforts pour reconstruire ensemble, seraient effectivement reconnus.
Mais ma formation de philosophe idéaliste ne m’interdit pas de poser la question : prenons nous le bon chemin?