Pourquoi les Juifs français émigrent ils en Israël ? A propos de l’article du FIGARO de ce 9 mai
Les journalistes traitent, comme leur nom l’indique bien, des événements du jour. Ils portent à notre connaissance de simples lecteurs une quantité d’éléments sans avoir parfois le temps d’approfondir. On ne saurait le leur reprocher, faute de quoi il faudrait que ces messieurs-dames fussent des professeurs ou des philosophes. Ce qui est loin d’être le cas. Disons, pour être juste, qu’on leur doit d’être sensibilisé à des sujets ou à des courants d’idées, sociaux, politiques ou économiques, qu’on n’aurait guère relvés sans leur concours.
Et ceci vaut évidemment de bel article expliquant les motivations de certains Français de confession juive de quitter Paris et les grandes villes de notre pays pour refaire leur vie, ou carrément, en changer en terre d’Israël. Dans l’écrasante majorité des cas, et je tiens à le dire, tous ces gens, du plus jeune ou plus vieux (car, en effet, tant de retraités affectionnent les journées ensoleillées d’Israël), ne rompent jamais avec la France, même s’ils ont parfois la dent dure à l’égard de tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, au motif qu’aucun ne combat, ni n’a combattu, comme il se doit, l’antisémitisme.
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Pourquoi les Juifs français émigrent ils en Israël ? A propos de l’article du FIGARO de ce 9 mai
Même si l’article tente, en toute bonne foi, d’accréditer l’idée que c’est un facteur essentiellement économique qui motive ces départs vers Israël, phénomène qui touche une partie de la jeunesse de notre pays, bien au-delà de toute dénomination religieuse ou d’attache confessionnelle, le fait suivant demeure indéniable : la montée de l’antisémitisme (style Dieudonné) mais aussi et surtout la part croissante que prend un certain islam dans notre pays. Cette montée en puissance est observée avec une attention teintée d’inquiétude par le simple citoyen de confession juive et aussi par les institutions.. au point que cela est devenu une occupation à temps plein.
Qu’il me soit permis d’évoquer un détail qui a son importance : comme chacun sait, j’ai été le secrétaire-rapporteur du Consistoire de Paris pendant seize ans sous la présidence de Moïse Cohen. Lors d’un déjeuner avec le préfet de police de cette époque, l’un de nos collègues qui a, depuis fait son aliyah, a interpellé le haut fonctionnaire, lui demandant à combien se chiffrait l’importance de la population musulmane dans notre pays.. Le préfet répondit placidement qu’il n’en avait aucune idée et que de tels chiffres n’étaient pas recherchés car tombant sous le coup de la loi.. Notre collègue, plus habitué à dialoguer avec les restaurateurs de la rue Richer qu’avec de très hauts fonctionnaires de la République, donna ses chiffres à lui, butant sur l’incrédulité visible du préfet de police..
Pourquoi ai-je évoqué cette anecdote ? Pour deux raisons : d’abord parce qu’elle m’avait marqué et ensuite parce ayant été, avec d’autres, à l’origine de l’invitation, je ne voulais pas d’incident…
Chaque fois que nous discutons en Israël ou à Paris avec des gens qui ont fait, ou vont faire leur aliyah, la montée de cet antisémitisme spécifique revient en très bonne place. Un exemple qui semble avoir échappé à la sagacité de l’auteur de l’article du Figaro : les banlieues pauvres, notamment celles de Seine-Saint-Denis, je ne parle pas de Neuilly, se sont presque entièrement vidées de leurs habitants juifs qui se plaignaient des agissements de voyous. Je pense évidemment à des agressions soit verbales soit physiques.
Et puis survinrent des crimes innommables (je dis bien des crimes puisqu’il s’agit d’assassinats) ; notamment l’abjecte mise à mort d’Ilan Halimi (ZaL), et aussi le massacre de Toulouse où un Français de confession musulmane a tué des juifs au seul motif qu’ils étaient juifs. Je n’ai pas de compétence en matière de détection de crimes de sang mais dans les deux cas sus cités, on aurait pu aller plus vite et faire mieux. Je n’insinue nullement que les autorités n’ont pas fait preuve d’une conduite responsable, je dis simplement que ce pays, craignant d’être étiqueté comme un pays antisémite, n’a pas voulu y croire : quand un juif est agressé, les autorités qualifiaient cet acte de criminel mais jamais de crime antisémite. Car cela pouvait nuire à la bonne réputation de la France.
Aujourd’hui, les choses ont changé. Mais voyez le cas Dieudonné : cela fait bien longtemps que les autorités de droite comme de gauche auraient du y mettre bon ordre et pourtant elles ont laissé faire.. Je n’ose pas reprendre ici, en toutes lettres, les choses que ce personnage disait des juifs, car il ne faut pas faire de la publicité à des choses que l’on veut combattre.. Et c’est tardivement que le fisc a fait ce qu’il devait faire, avec les résultats que l’on sait.
Existe t il un antagonisme de fond entre les juifs et les arabo-musulmans de notre pays ? Je réponds non, mis à part quelques individus qui importent le conflit du Proche-Orient dans l’Hexagone ou des jeunes en perdition que des propagandistes entraînent dans des guerres qui ne sont pas les leurs.. Dans ce contexte aussi, il est évident que les autorités ont mis un peu trop de temps à réagir. Elles-mêmes chiffrent à plusieurs centaines le nombre des musulmans français partis faire le djihad en Syrie..
Pour bien comprendre ce qui se passe dans l’esprit et le cœur de ces jeunes et de ces moins jeunes qui décident de partir en Israël, tout en gardant, je le répète, pour la France une place dans leur cœur, il faut tenir compte de cet élément de fond. Certes, dans mon entourage immédiat, on me fait remarquer que je ne devrais pas oublier cet antisémitisme bien français et bien catholique qui a atteint son paroxysme avec l’inoubliable affaire Dreyfus qui divisa le pays en profondeur. Il me plaît de souligner ce que chacun sait depuis : c’est la partie saine et vertueuse du pays qui a fini par l’emporter, même si des séquelles demeurent et peuvent se développer à tout instant.
Alors, que se passe t il au juste ? Je pense qu’une partie de la jeunesse française, fatiguée des lenteurs, des pesanteurs et de la frilosité de ce pays, finit par choisir le grand large. Dans le cas d’Israël, l’économie de ce pays est vraiment créatrice d’emplois et de prospérité. La jeunesse, juive ou pas, aime que l’on soit animé d’une vision et porteur d’un projet, voire de plusieurs. D’où l’attrait d’Israël pour une jeunesse juive qui voit que le conflit du Proche orient n’est pas près de se résoudre et qui assiste, l’esprit inquiet, à la montée de cet antisémitisme que certaines radios et télévisions arabes nourrissent abondamment. S’ajoute à ces faits des craintes diffuses au sujet des investissements du Koweït et du Qatar dans notre beau pays, renforçant l’idée, vraie ou fausse, que les gouvernants se laissent éblouir par une certaine finance.. Or, tous les journalistes le savent : ces deux pays jouent double jeu, en collaborant avec les Occidentaux tout en aidant les islamistes. Je vous rappelle les deux gros porteurs du croissant rouge qui évacuèrent des leaders de mouvements terroristes, peu avant l’arrivée des troupes françaises dans le nord du Mali..
Les êtres jeunes sont généralement droits et innocents et ignorent la duplicité, ce mal ne vient qu’avec l’âge. Du coup, l’attitude des différents gouvernements français suscite en eux quelques interrogations inquiètes.. Il suffit d’adopter une politique droite et transparente et de ne pas utiliser des formules ambiguës du genre : les affaires de l’Etat sont diverses et variées..
Les Français de confession juive qui vont passer leur retraite en Israël satisfont aussi un désir, celui de renouer avec leurs racines religieuses, un pays où les fêtes de ros ha shana, Kippour, soukkot, hanoukka, pourim, tou bi chevat et Pessah, sans oublier chavou’ot sont des jours fériés.. Au fond, quelle différence y a t il entre ces adultes français qui ont en Israël jouir de leur retraite et les maghrébins qui s’en retournent au bled, au Maroc, en Alégrie ou Tunisie, après une aie de dur labeur ?
La République a pour tous ses fils et toutes ses filles le même attachement, la même responsabilité et le même souci : les protéger, les aimer et les faire grandir. Je ne vois pas de raison qui ferait des juifs une exception à cette règle. Mais la main de la République ne doit pas trembler lorsqu’il s’agit de rappeler à l’ordre, voire de sanctionner sévèrement ceux qui menacent la sécurité et la quiétude des autres.