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Le cas Juppé

Le cas Alain Juppé

L’ancien Premier Ministre est-il hier soir tombé dans un guet-apens tendu par les partisans de son adversaire ? Hué à deux reprises au point de n’avoir pas pu rester assis à la tribune, il dut battre en retraite sous les huées des participants au meeting que son adversaire Nicolas Sarkozy tenait dans sa bonne ville de Bordeaux. Il est sûr qu’une telle déconvenue en public laissera des traves et a dû froisser l’égo de celui qui est devenu en quelques semaines la nouvelle coqueluche des médias. Mais son attitude fait penser à la performance de Gaël Monfils  face à Roger Fédérer : le jeune et amusant petit Français se voyait déjà en haut de l’affiche parce que le grand joueur suisse Roger Fédérer lui avait tactiquement concédé la victoire. Il s’est vu parmi les champions, mais dès le lendemain les deux Suisses donnaient toute leur mesure, écrasant leurs adversaires. Et l’on s’est retrouvé devant la réalité : les Suisses sont les plus forts et tout le monde les donne gagnant à la coupe Davis.

C’est exactement ce qui arrive à Alain Juppé face à Nicolas Sarkozy. Il y a d’abord l’âge= 70 ans, c’est bien mais ce n’est pas conseillé pour briguer la présidence de la république française. Ensuite, il y a le charisme, ou plutôt l’absence de charisme et enfin il y a l’UMP, viscéralement attachée à la personne de son chef naturel, NS. Accueillir ce dernier dans sa ville et dire devant un public qui lui est acquis d’avance, qu’on entend lui faire concurrence et lui rappeler qu’il doit tenir des primaires ouvertes et transparentes, c’est accumuler les bévues et dire naïvement ce qu’il ne fallait pas dire. Tout ceci montre que le technocrate Juppé est certes le plus intelligent de nous tous, mais ce n’est pas, loin de là, le plus futé. Ce n’est pas par l’intelligence que l’on réussit en politique, c’est par le savoir-faire, la malice et l’absence de scrupules. Or, la manière dont Alain Juppé a servi Jacques Chirac, allant jusqu’à payer pour lui, accepter une sorte d’indignité nationale absolument imméritée, toutes ces choses montrent que l’homme n’est pas suffisamment préparé à tuer symboliquement le père pour s’affranchir de toute attache et devenir le chef de meute. NS y est arrivé : souvenez vous des attaques répétées contre Chirac ! Et puis il y a aussi l’absence de chaleur humaine qui s’explique par le vécu du maire de Bordeaux dont les qualités sont incontestables mais qui ne sera pas le nouveau président de la République. Il n’aurait jamais dû rappeler publiquement ses engagements à NS, c’était une sorte de mise en garde qu’il lui adressait devant ses propres partisans. Double erreur.

Enfin, la faveur médiatique disparaît généralement aussi vite qu’elle est apparue. Juppé n’a pas labouré le parti en profondeur et certains soupçonnent la main de l’Elysée derrière tous ces sondages, destinés à affaiblir NS, quil l’a fait savoir.

En revanche, l’alliance avec le centre est intelligente car elle met la victoire du camp de la droite à portée de la main, d’autant que le dernier sondage du Figaro est nettement dévastateur pour l’actuel président, qui se voit récusé par l’électorat de gauche.

En gros, NS sera probablement triomphalement élu la semaine prochaine président de l’UMP. C’est alors que les difficultés commenceront. Mais la France ne trouvera jamais le temps de se réformer puisqu’elle passe d’une campagne électorale à l’autre.

Une telle situation ne saurait perdurer. Il faut un consensus : on ne peut pas gouverner la France ainsi, où une partie de la population gouverne contre l’autre partie…

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