Pour la réconciliation des peuples turc et arménien
Les peuples sont rarement bien représentés, surtout lorsqu’il s’agit de situations difficiles, héritées de situations hautement conflictuelles. Les gouvernements, de droite comme de gauche, reflètent rarement les aspirations profondes de ceux qu’ils sont chargés de représenter.
Je pense que ce cas de figure s’applique bien à la situation actuelle entre Turcs et Arméniens, cent ans après ce qu’il faut bien nommer un génocide, au sens d’assassinat d’un peuple, Völkermord.
L’opinion publique actuelle en Turquie est évidemment manipulée par des forces conservatrices qui ont prospéré à l’ombre de la république des jeunes Turcs et qui considèrent qu’une nation n’est forte qu’après avoir réalisé son unification religieuse, un peu comme Isabelle la catholique qui céda aux fantasmes de l’ancienne Inquisition et bannit tous les Juifs des territoires de la couronne castillane. Ironie de l’Histoire, ces réfugiés bannis de la terre qui les avait vu naître, affluèrent en pays ottoman, pour la plus grande Bajazet qui sur en tirer profit. Le roi d’Espagne, aurait il dit en substance, m’a enrichi en s’appauvrissant.
L’islam turc était alors éclairé, sûr de sa force et incarnant un certain libéralisme et une tolérance religieuse. Alors pourquoi cette rencontre ratée avec les Arméniens ? La réponse sembler couler de source : les Arméniens sont la branche la plus ancienne du christianisme dans la région, alors que les Juifs ne représentaient aucun danger pour la religion dominante : ils se cantonnaient à des activités économiques lucratives pour eux mêmes et pour le peuple hôte…
On le voit aujourd’hui encore. Les autorités turques font les pires difficultés lorsqu’il s’agit simplement de rénover une église ou d’ouvrir une école chrétienne… Je ne dis même pas : d’édifier une nouvelle église ou tout autre forme de lieu de culte. Et ostracisme doit cesser.
On a tous entendu parler de ces bons Turcs dont les racines sont arméniennes et qui, pour certains d’entre eux, veulent renouer avec leurs racines chrétiennes. Pour les intégristes, c’est impensable, inouï… Et pourtant, s’y opposer représente un viol de la conscience. Pour échapper à l’accusation de prosélytisme, ces Turcs aux racines arménienne doivent apporter la preuve qu’ils sont d’ascendance chrétienne.
De telles exigences risquent de dissoudre l’entité nationale turque. On attend une grande Turquie qui ne sépare pas ses fils d’après leurs dénomination religieuse mais qui, au contraire, étend à tous la liberté religieuse et se cherche un autre ciment pour la cohésion nationale. Mais cela ne se fera pas avec le régime actuel qui assume une autre idéologie, et ne reconnaîtra jamais les massacres du peuple arménien.
Il faut aussi dire hélas que le régime arménien actuel n’est pas vraiment un modèle de démocratie.
Pour ce qui est de la Turquie, elle doit regarder son passé en face. L’écrasante majorité des états reconnaissent le génocide.
Pour qu'il y ait une réconciliation, il faut que l'agresseur reconnaisse ses torts et ses crimes.
Après vient le pardon.