Les dessous de la réforme de l’éducation nationale en France
Pourquoi tant de hargne, tant de rancœur et tant de violence, au moins verbale ? La levée de boucliers contre les projets de la ministre française de l’éducation nationale est, somme toute, assez habituelle dans ce pays. Aucun ministre de l’éducation nationale n’a eu les coudées franches dans ce ministère. Jamais on n’a eu dans ce pays une véritable concorde entre les parents, les enseignants et la politique éducative. Je repose la question : mais pourquoi donc ?
Certains pourraient rétorquer que la personne de l’actuelle ministre explique tant de choses. Qu’elle concentre sur elle des critiques d’un autre âge, que ses adversaires articulent contre elle des remugles d’une idéologie qui n’ose même pas dire son nom… C’est possible et si cela s’avérait, cela est condamnable. Mais selon moi, ce n’est pas le cas. Même si de telles manifestations d’hostilité absolue rappellent ce qui s’est passé avec la ministre de la justice, elle aussi victime d’une attitude qui est plus que discutable.
En réalité, dans les deux cas, les réformes portées par ces deux ministres semblent, aux yeux de la majorité des gens, s’attaquer à des structures fondamentales de la société. Tant le mariage pour tous que la réforme des lycées et collèges semblent miner les fondements mêmes du corps social.
Mais je vais me concentrer sur le cas de la réforme éducative, sans trop entrer dans les détails. L’école est aux yeux des Français la clé de la réussite, la condition absolue de la méritocratie en laquelle les habitants de ce pays croient plus qu’en toute autre chose. C’est même le corridor menant à la promotion sociale. Or, donner l’impression qu’on nivelle par le bas au lieu de tirer vers le haut est une chose quasi inadmissible aux yeux de nos voisins. C’est intolérable.
Des parents sacrifient jusqu’à leurs dernières économies pour inscrire leurs enfants dans des cercles d’excellence. Ils sont conscients que les écoles publiques, surtout dans les zones défavorisées et les banlieues, sont des pépinières de médiocrité où certaines classes peuvent compter jusqu’à vingt, voire vingt-cinq nationalités. Comment voulez vous transmettre un savoir quand la majorité de la classe ne dispose même pas des rudiments de la langue française ? Les enfants passent plus de temps à l’école qu’à la maison et ne voient leurs parents que durant le weekend, intégralement.
Donc, quand un ministre ou un président touche à l’école, les vieux démons se réveillent : on se dit alors qu’on veut freiner l’ascension sociale de nos enfants, en faire de futurs chômeurs, et les déclasser socialement. Quels parents pourraient accepter cela sans broncher, surtout que la tension est très vive depuis quelques années ?
Hier soir sur France 2, David Pujadas commentait un sondage sur la droitisation de la France : plus de 67% des sondés jugeait inadmissible la présence d’étrangers dans le pays ; au moins autant trouvaient que le pays n’a plus d’autorité. Enfin, une écrasante majorité avouait se reporter sur le FN, seul parti politique acceptable à leurs yeux. Certains rejetaient l’assistanat, notamment cette jeune fleuriste qui n’admet pas que les minima sociaux poussent à ne pas travailler, tout en étant payé, alors qu’elle doit, elle, se lever chaque matin que D- fait, et pour le même salaire !!!
Tels sont les dessous d’une telle réforme. Ils révèlent les incertitudes, voire les angoisses des parents.
Certains analystes politiques discernent d’autres motivations, moins avouables. Le prochain congrès du PS à Poitiers doit décider de l’avenir d’une certaine politique. Il faut donner des gages à la gauche de la gauche et aux frondeurs.
Je ne sais que penser. Mais une chose me paraît claire : cette réforme ne sera pas traduite dans les faits pour une raison assez simple : les enseignants, la base, n’en veulent pas, à 80%. Et l’expérience montre qu’il est hautement risqué, voire périlleux d’aller à l’encontre des vœux du corps enseignant.
On ne peut pas imposer cette réforme avec un forceps. Le gouvernement devrait adopter une approche plus dialectique pour se sortir d’un grave malentendu.