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Russes et Américains en Syrie...

Russes et Américains en Syrie…

Les atermoiements incompréhensibles de Barack Obama qui s’est entêté, durant des années, à ne pas déployer la puissance militaire de son armée, l’ont condamné à jouer les seconds rôles en Syrie. Il a été détrôné en trois semaines par un Vladimir Poutine qui s’est redressé de manière spectaculaire au point de ravir la première place à l’hyperpuissance US. Un tel désastre diplomatique et militaire ne peut s’expliquer que par l’impéritie et la posture idéologique d’un président issu du parti démocrate.

Allons donc in medias res : depuis plusieurs années, Obama se refuse, contrairement aux avis de la haute hiérarchie militaire, à envoyer des troupes au sol, et ce pour deux raisons au moins : la première parce qu’il ne veut pas s’embourber en Irak comme son prédécesseur en Afghanistan et redoute de se voir reprocher une infidélité caractérisée à ses promesses lors de la campagne électorale ; la seconde raison est plus subtile et n’est pas dépourvue d’arrière-pensée stratégique : extraire l’Irak ou la Syrie des griffes de l’Etat islamique reviendrait à ouvrir un boulevard  aux Iraniens qui ont transformé l’Irak en protectorat chiite et la Syrie en satellite de leur pays. Même les Iraniens se plaignent en privé de l’inaction et de l’inefficacité US, face à des adversaires qui lui donnent du fil à retordre.

Mais le président Obama n’a pas prévu que Poutine profiterait du conflit syrien pour se redresser, rompre l’isolement dans lequel on l’avait confiné et faire oublier ce qu’il a fait en Crimée et dans l’est de l’Ukraine.

La suite, chacun la connaît : en moins de trois semaines, la Russie a fait plusieurs centaines de sorties aériennes, neutralisant  des centaines de terroristes et mettant sur pied des offensives combinées de l’armée syrienne qui redresse la tête et reconquiert des villes et des villages. Poutine ne fait pas les choses à moitié : il a fourni à l’armée loyaliste des armes nouvelles, accompagnées par des instructeurs (dont trois sont morts au combat) et le tout avec des offensives terrestres, au point que les rebelles modérés ou pas cherchent à s’unir pour faire face à l’inattendu. A ce rythme, l’affaire pourrait être réglée vers la fin de l’année…

En clair : le champ de bataille est en train de changer au profit de Bachar tandis que Paris et Washington s’entêtent à répéter qu’ils n’aideront jamais le boucher de Bagdad. Même dans ce contexte politique et diplomatique, les Russes ont montré leur supériorité : recevant Bachar au Kremlin dans la plus grande discrétion (les images n’ont été divulguées qu’après le retour de Bachar à Damas, pour d’évidentes raisons de sécurité), Poutine lui a bien fait comprendre qu’après le nettoyage du pays il faudra une solution politique. Certains dans la partie russe ont même dit qu’ils n’étaient pas mariés avec Bachar, en termes clairs, une fois l’affaire réglée, il faudra qu’il prenne du champ.

Et tout porte à croire que les Russes, accrochés à ce morceau du Proche Orient (le seul qu’il leur reste) veulent une solution politique du conflit afin d’aborder une longue période de stabilité et de paix. Conclusion : contrairement à Obama, les Russes sont porteurs d’un projet et animés d’une vision, contrairement à Paris qui persiste à suivre, même sans le reconnaître, Washington aveuglément.

La logique diplomatique eut commandé l’attitude suivante : on se débarrasse de l’EI qui menace tout le monde et ensuite le problème Bachar se réglera de lui-même : la Syrie qui émergera de la fin du conflit ne ressemblera en rien à celle d’avant. Ce qui veut dire que Bachar et son clan n’y seront plus en position dominante…

Cela, les Russes l’ont compris. Mais ce n’est pas le cas de Obama qui a commis des erreurs impardonnables dont la plus grave est bien celle d’avoir dépensé près d’un demi milliard de dollars pour former des combattants anti EI qui sont allés se jeter dans les bras de leurs adversaires, leur remettant armes et munitions. Que des militaires US et des membres de la CIA se soient laissés berner de la sorte est incroyable.

Comment la meilleure armée a t elle pu se faire circonvenir de la sorte ? Il est temps qu’une nouvelle impulsion soit donnée à la tête de l’exécutif US qui aura assimilé , je l’espère, la leçon suivante : le statut de grande puissance n’est pas compatible avec une stratégie de repli.

Un dernier rappel : le jugement d’un grand homme, Henry Kissinger, sur les présidents démocrates qu’il a bien connus. Parlant de Jimmy Carter, voici ce qu’il disait en substance : tous les présidents US ont voulu changer le monde mais le président Carter se conduit comme si c’était lui qui l’avait créé…

Les grands hommes d’Etat ne se trouvent pas de l’autre côté de l’Atlantique.

Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 22 octobre 2015

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