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L’identité française

L’identité française

Les récentes déclarations de l’ancien président de la république ont quelque peu bousculé les gens et les journalistes. Il a parlé des Gaulois, et il l’a fait dans un sens très précis. A un moment, où depuis des décennies, certains s’amusent à tourner en dérision l’image harmonieuse et légendaire de nos livres d’histoire, parlant des Gaulois comme de nos ancêtres à tous, il convenait de rétablir la situation. Chacun sait que nous ne sommes pas tous descendants des Gaulois, que cette vision est assimilable à ce que Platon dit de l’autochtonie des Grecs, dans La République : on fait croire aux Athéniens qu’ils ont été produits par la terre qu’ils habitent, qu’elle les a produits directement sans intermédiaire, qu’ils furent toujours les occupants de ce territoire… Platon reconnaît que ce pieux mensonge a une valeur pédagogique. Et il a raison, sauf quand il dit, de concert avec son disciple indépendant Aristote, que la civilisation s’arrête aux portes d’Athènes et qu’au-delà commence la barbarie. En revanche, face aux Grecs, les anciens prophètes d’Israël (Amos, Isaïe, etc) s’adressent même aux habitants des îles les plus lointaines, les plus reculées pour leur recommander d’adopter un comportement éthique ; en agissant de la sorte, ces prophètes ont créé le concept d’humanité historique, une humanité regroupée autour de certaines valeurs.

Mais revenons à nos ancêtres putatifs, les Gaulois. Dire qu’ils furent nos ancêtres, à nous Français de toutes races, de toutes couleurs et de toutes religions, signifie une filiation spirituelle. Comme lorsqu’on parle d’Abraham le patriarche. Avec sa descendance abrahamique, laquelle est nécessairement de nature spirituelle. Ce n’est pas par hasard que la Bible réserve la remise des tables de la Loi, la Tora, non point à Abraham, mais bien à Moïse, dont la stature, si éminente soit-elle, ne dépasse pas le cadre du peuple d’Israël, alors qu’Abraham touche, lui, l’humanité monothéiste dans son ensemble. Et lui est incomparablement supérieur.

Je n’ai jamais été choqué d’apprendre dans les livres d’histoire que les Gaulois étaient mes ancêtres, je l’ai toujours interprété comme je le dis, selon une filiation spirituelle. Etre descendant des Gaulois signifie pour moi, vivre à la française, accepter la loi de la laïcité, pratiquer la tolérance, accepter de faire partie de la nation française.

C’est la virulence d’un communautarisme qui relève effrontément la tête qui complique les choses ; car aujourd’hui l’idée de nation, grandiose et justement célébrée par Renan après la défait de 1870, a tendance à s’opposer à la notion d’identité, laquelle se sent menacée par l’irruption de pratiques incompatibles avec notre socio-culture : s’habiller comme on l’entend, considérer les femmes comme les hommes, refuser toute intolérance, traiter respectueusement autrui, accepter, comme le disait Levinas, l’altérité, la différence…

Renan disait que le christianisme a eu l’idée géniale d’élargir le sein d’Abraham ; ce qui signifie que ceux qui voulaient devenir les fils d’Abraham devaient en reprendre les valeurs et non pas leur en substituer d’autres.

C’est la même chose pour la République : elle a admet chez elle tous ses fils et toutes ses filles. A condition que tous se reconnaissent en ses valeurs.

Il ne suffit pas d’habiter en France, il faut y vivre, ce qui signifie s’identifier à son histoire. Et aux Gaulois !

Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 21 septembre 2016.

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