La Turquie quitte l’Otan
Oui, à petits pas, lentement mais sûrement le réfime turc de Monsieur Erdogan est en train de renverser les alliances, de se rapprocher de puissances qui ne sont pas vraiment des amis de l’alliance militaire de l’Atlantique nord. Monsieur Erdogan nous a habitués à ce cours en zigzague qui nous rappelle la politique étrangère de Guillaume II. Et on connaît la suite d’un tel comportement aventureux. Mais voyons d’abord ce qui a dicté à Erdogan sa conduite si erratique…
C’est surtout l’abandon de son régime par les puissances occidentales, le désespoir de s’arrimer un jour à l’Union Européenne, la baisse des investissements dans le pays, l’appui plus ou moins discret aux minorités, notamment kurdes (voir l’épisode de Kabané) et les critiques de plus en plus vives contre la suppression de certaines libertés publiques fondamentales (indépendance de la justice, liberté de la presse, incarcération sans contrôle judiciaire, volonté de rétablir la peine de mort pour punir le terrorisme, etc…).
Mais ce qui a suscité l’ire du grand Turc n’est autre que le sentiment d’être seul alors qu’il venait d’être menacé par un coup d’Etat qui, tout en suscitant bien des interrogations, n’en a pas moins coûté la vie à près de trois cents personnes. Erdogan aurait souhaité plus d’empressement, plus de soutien, plus de solidarité de la part de l’Occident dont il préserve, en quelque sorte, les frontières en jugulant le flot de réfugiés du Proche Orient mais aussi d’Afrique. Or, le président turc en est persuadé : les puissances occidentales, et notamment les USA avec leurs énormes moyens de communication et d’espionnage, même de leurs alliés, ne peuvent pas ne pas avoir eu vent des préparatifs du coup d’état, et pourtant tout le monde s’est muré dans un silence total. Si ces choses s’avèrent, alors le grand Turc a eu raison de tourner le dos à ses alliés de l’OTAN.
Ce qui est frappant dans un tel renversement d’alliances, c’est la rapidité avec laquelle Erdogan s’est laissé convaincre de se rapprocher de Poutine et de l’Iran (dont il se méfiait pourtant, il y a encore peu de temps) ; il avait pourtant fait abattre un avion russe et Poutine s’était juré de le lui faire payer très cher. Il n’en fut rien, la raison d’Etat l’a emporté et les deux dirigeants, épaulés par l’Iran ont changé la donne au Proche Orient : la Turquie qui aidait certains rebelles a finement négocié leur exfiltration d’Alep, ce qui fait que les fameux bombardements russes des derniers jours n’ont servi qu’à neutraliser les enragés ou les extrémistes qui savaient ce qui les attendait. Le gros des troupes rebelles avait déjà quitté les lieux en bon ordre, sans être inquiétés. Ce que prévoyait l’accord entre Erdogan et Poutine.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Erdogan ne va pas, en fin de compte, laisser s’étioler son adhésion à l’OTAN puisqu’il s’est allié aux puissances qui comptent le plus dans la région… Mais l’autre question qui se pose est la suivante : combien de temps va durer cette alliance contre nature ? Les innombrables attentats terroristes, le meurtre de l’ambassadeur turc à Ankara, la défiance de plus en plus visible de certaines franges de la population montrent que Erdogan ne contrôle pas tout le pays et qu’il y a lieu de redouter un nouveau coup d’état, mieux préparé, ou, à tout le moins, une longue période d’instabilité politique.
Mais Erdogan a aussi pris tout le monde de court en rétablissant au pas de charges des liens avec Israël et hier il a condamné le terrorisme après l’attentat de Jérusalem…
Que doit faire l’Europe ? Que doit faire l’Otan ? Le départ si ardemment souhaité de B. Obama de la Maison Blanche va entièrement changer la donne. Donald Trump ce n’est pas Obama, ce n’est pas François Hollande, ce n’est pas Angela Merkel. Toutes les nominations décidées par le président élu montrent qu’il reste fidèle à ses idées. Gageons qu’il saura s’adresser à son allié turc afin que celui-ci se décide une fois pour toutes : Poutine ou l’Otan ? L’Iran ou l’UE ? Mais sur ce dernier point, les dés sont jetés…