De Barack Obama à Donald Trump: une transition des plus «inhabituelles»
Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc ni très fin politologue pour imaginer ce que diront les historiens, dans quelques décennies, du passage d’Obama à Trump. Il faudra du temps pour que le jugement porté sur l’actualité brûlante échappe enfin aux journalistes et tombe dans le creuset de la critique historique. Mais on peut déjà dire que cette transition, cette passation de pouvoir, ne ressemble à aucune autre. Et que rien n’aura été épargné au nouvel occupant de la Maison Blanche.
L’élection de Trump s’est faite contre vents et marées et a contrarié bien des plans, notamment élaborés par le clan Obama qui se voit contraint de changer de stratégie pour faire face à une situation que nul n’avait imaginée. Faisons une brève rétrospective pour mieux comprendre ce qu’il faut bien appeler la hargne du président sortant.
De Barack Obama à Donald Trump: une transition des plus «inhabituelles»
Tout a été fait pour discréditer, compromettre, salir, noircir Donald Trump. La chose la plus grave, je m’en tiens ici aux tentatives avant l’élection, fut la publication d’un enregistrement sonore où le candidat tenait des propos de vestiaires ou de corps de garde, concernant les femmes et la stratégie pour parvenir à ses fins avec elles. Ces propos furent publiées par l’un des plus prestigieux organes de presse des USA. Et cela n’a pas suffi pour barrer la route au vainqueur, prouvant ainsi que les grands organes de presse n’ont plus la confiance du citoyen ou de l’électeur moyen outre-Atlantique.
La seconde énormité, tout aussi inefficace, est due à l’ex future première dame des USA qui a laissé passer une rare occasion de se taire ; dans un passage à la télévision, elle a publiquement exprimé ses craintes concernant nos filles (our girls) si un tel homme parvenait à succéder à son mari. Et même cela n’a pas suffi puisque l’accusé a tout de même été élu. On se pose une question : est ce que cette dame sera présente lors de la passation de pouvoir aux côtés de son mari, le président sortant ? La décence l’interdirait mais qui sait, le monde politique ne respecte pas les mêmes règles que la nature humaine ordinaire…
Après l’élection de Trump, Barack Obama ne s’est pas calmé, tant sa déception, voire son amertume, était grande. Il a d’abord commencé par trahir Israël au Conseil de sécurité de l’ONU en s’abstenant, favorisant ainsi l’adoption d’une résolution condamnant gravement Israël. Est ce qu’une telle vengeance est digne d’un grand homme d’Etat ? Ignorait-il que de nombreuses organisations, gouvernementales ou non, vont s’en saisir pour assigner l’Etat juif devant les juridictions internationales ? Ou bien, l’a t il fait en connaissance de cause pour se rappeler au bon souvenir de son ennemi juré, Benjamin Netanyahou ? Je l’ignore, mais le successeur a bien senti que son prédécesseur a tout fait pour le gêner, restreindre sa liberté de mouvement pour appliquer son propre programme et a donné son accord à la majorité républicaine au Sénat et au Congrès pour détricoter le fameux Obamacare…
Le 20 janvier 2017 risque de nous réserver bien des surprises. Mais essayons de percer au jour les intentions profondes qui guident B. Obama dans cette offensive tout azimut en ces ultimes instants; car, d’habitude, traditionnellement, le partant part sur la pointe des pieds, s’abstient de gêner les premiers pas de son successeur et est même taxé de canard boiteux (lame duck) par la presse ; il gère ces dernières semaines sans prendre d’initiative majeure, bref il veille à ne pas gêner le nouveau venu à la Maison Blanche. Obama a fait tout le contraire. Et il ne le cache pas, comme s’il ne parvenait pas à maîtriser son esprit revanchard et à le faire savoir.
Si je voulais introduire un peu d’humour dans cette affaire, somme toute, assez médiocre et digne des cours de récréations, je parlerai d’intentionnalité propre à Husserl, le père de la phénoménologie, ou de Levinas qui parle de conscience non intentionnelle, bien que ce soit le contraire chez Obama… qui a déployé une véritable visée dans cette affaire qui le touche au plus profond de lui-même. Alors, de quoi s’agit-il, qu’est ce qui explique une telle rage ? Examinons ces interminables adieux du sortant, et notamment le tout dernier qu’il a prononcé à Chicago, la ville où tout avait commencé.
Laissons de côté l’auto satisfaction, l’auto célébration, alors que le bilan, notamment en matière de politique étrangère est très mince, voire même négatif, puisque, rien qu’au Proche Orient, Obama s’est brouillé avec tous les alliés traditionnels des USA, a trahi Israël, son meilleur alliés sur place et a été exclu par Poutine de la négociation sur la Syrie. Reconnaissons lui, tout de même, une légère embellie économique. Et concentrons nous sur un aspect passé quasi inaperçu dans ce discours d’adieu, un discours au cours duquel Obama a rendu hommage à sa femme, un hommage, certes, mérité, mais trop appuyé pour ne pas cacher ou révéler autre chose de plus important que le respect d’un mari pour son épouse.
L’élection de Trump a ruiné les espoirs de Barack Obama qui avait fait le calcul suivant : comme l’ancien président Bill Clinton a tout fait pour favoriser l’élection de sa femme Hillary à la Maison Blanche, ce qui lui aurait permis d’y revenir et d’y rester de nouveau, Barack Obama voyait bien, sa propre épouse, après la parenthèse Clinton, revenir dans le bureau ovale, et lui avec elle ! Mais voilà, tous ces plans ont échoué et Obama va devoir penser à autre chose. Pour lui-même, la partie est finie, the game is over ; il va falloir trouver autre chose, mais quoi ?
En ces tout derniers jours qui sont particulièrement durs à vivre, Donald Trump a eu raison de tout, y compris du dernier assaut de ses ennemis : la note de synthèse d’un rapport étrange auquel les grands chefs du renseignement US ont conféré de la crédibilité en se donnant la peine de le synthétiser et de le faire parvenir au sortant et au nouvel arrivant… Comment justifier pareille chose ? Comment expliquer une telle initiative sinon par une intervention venant de très haut et visant, par dessus tout, à compromettre le nouveau président en le salissant lors d’une ultime tentative ?
Acculé, impuissant face à une offensive sur tous les fronts, Obama a aussi voulu restreindre la marge de manœuvre de son successeur dans son rapprochement avec Vladimir Poutine. Le dirigeant russe n’est, certes, pas l’homme le plus vertueux que la terre ait jamais porté mais il est là, a imposé sa loi en Syrie, a annexé la Crimée, suscité des mouvements séparatistes dans d’autres régions de l’Ukraine, et commis un certain nombre d’autres actions sur lesquelles on doit jeter le manteau de Noé.
Mais à quoi sert la diplomatie, sinon à parler avec des gens infréquentables ? On ne pratique pas la diplomatie avec ses amis, avec des gens bien sous tout rapport.
Avec Donald Trump, l’avenir du monde est gros de tant d’incertitudes mais voilà un homme qui veut tout changer, à commencer par le pouvoir exorbitant de l’establishment politique. IL veut rompre avec cette tradition qui consiste à se faire élire et une fois élu, à ne pas respecter ses promesses. Après tout, on possède dans notre beau pays un ancien président qui a magnifiquement illustré cet insupportable cynisme (les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !) Cette pratique politique touche à sa fin.
Le peuple US a donné raison à Trump car il n’attend plus rien des partis traditionnels, C’est l’ancien monde qui disparaît, cet ancien monde que Barack Obama a la malchance d’incarner. Car il disparaît avec lui.
Maurice-Ruben HAYOUN