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L’intelligence artificielle, l’éthique et Vladimir Poutine 

Etrange cocktail que ce mélange, plutôt détonnant, diriez-vous. Toutes les radios, tous les journaux parlent des dangers potentiels que contient un développement incontrôlé de l’intelligence artificielle. Et qui en a parlé publiquement le premier, ou presque ? Poutine devant un amphithéâtre d’étudiants. Le maître du Kremlin a dit que celui qui pourra maîtriser cette intelligence artificielle le premier, sera le vrai maître du monde. Et l’homme s’y entend en matière de domination et de position de puissance. 

Du coup, Poutine a donné le signal d’un débat qui ne fait que commencer. Il montre aussi qu’une nouvelle frontière s’offre à l’humanité pensante et technicienne, un peu comme si on voulait développer des clones ou des êtres qui ne seraient plus humains mais infra-humains, dotés de capacités surhumaines. Mais dépourvus de conscience, ce qui veut dire qu’ils ne sauront pas ce qu’ils font. L’opinion s’en est émue car un grand capitaine d’industrie a repris l’idée et on s’est vite rendu compte que l’horizon de toutes ces nouveautés était absolument infini, incommensurable et qu’il fallait des règles, donc une éthique. Et c’est ce qui m’intéresse, je vais donc m’y arrêter un instant…

On entend dire que l’homme ne saurait être dépassé par ses propres conquêtes techniques et qu’il lui faut une règle, entendez une règle morale, donc une éthique. Curieux retour de la morale humaine sur le devant de la scène. On se rend enfin compte que l’intelligence humaine est désormais en mesure de se dépasser , d’aller bien au-delà de soi, pire de créer les instruments de son autodestruction. C’était déjà le cas avec la bombe atomique, mais aujourd’hui cette arme de destruction massive fait figure de bombinette par rapport à ce qui nous attend.

Qu’y a-t-il de potentiellement dangereux dans le développement illimité de l’intelligence artificiel ? L’absence de conscience, la possibilité de ne pas mesurer une action à l’aune des valeurs morales que sont le respect de la vie et de la dignité humaines. Certes, ces valeurs ne sont guère cotées en bourse ; et qui a lu le magnifique écrit de  Pic de la Mirandole intitulé, De la dignité humaine, qu’il dédia à l’ensemble de la jeunesse européenne de son temps ?

Pic avait écrit ce petit traité pour se faire  pardonner une escapade avec une femme mariée, dont l’époux, cousin de Laurent le magnifique, s’apprêtait à lui faire chèrement payer une telle offense… Mais cela n’est qu’un détail, revenons à l’éthique. Une intelligence artificielle serait, nous dit-on, en mesure de générer une armée de soldats qui sèmeraient la mort et la destruction partout, sans distinction entre les hommes, les femmes, les enfants, les combattants, les non combattants, etc… En somme, une engeance technique destructrice, car dépourvue de toute conscience. Et ne respectant aucune loi humanitaire.

Il y a ici un débat technique que je ne suis pas en mesure de suivre, faute de compétence en la matière. Mais en revanche, ce que je domine bien, c’est la discrépance , le fossé béant, qui va en grandissant entre les moyens techniques et les valeurs morales qui ne sortent pas plus renforcées qu’auparavant. Ce qui ne laisse pas d’être frappant, c’est qu’on s’en rend compte aujourd’hui, seulement.

Le progrès technique s’est fait jusqu’ici au détriment de l’éthique. Le divorce remonte à très longtemps : depuis Socrate, Platon et Aristote, on se préoccupait de l’éthique car Aristote (bien qu’il ait dit que l’esclave n’est qu’un outil doté de la parole) a tout de même écrit l’Ethique à Eudème et l’Ethique à Nicomaque… Et jusqu’à Kant qui a donné le primat à la philosophie éthique (comment dois-je agir ici-bas ? Critique de la raison pratique) sur la critique de la théorie de la connaissance) cet ordre est resté lettre morte. Est ce que l’éthique est de retour ?

Est ce que l’homme va désormais déranger l’ordre hiérarchique pour ne plus conclure de l’être à la valeur ? C’est-à-dire que ce n’est pas parce qu’une chose existe qu’elle DOIT exister. Ce qui doit exister moralement doit exister réellement.

L’humanité ne doit pas retomber dans ses errements d’antan, elle ne doit pas monter à l’assaut du ciel sur je ne sais quelle tour de Babel. Elle doit, au contraire, se souvenir que l’aventure humaine n’a de sens que si elle promeut les valeurs de vie, de paix et de bonheur. Cela fera peut-être rire, mais au moins, cela aura été dit

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