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Les récentes déclarations du prince saoudien Mohammed ben Salmane

Les récentes déclarations du prince saoudien Mohammed ben Salman

Réel et authentique changement d’orientation ou simple ballon d’essai ? Maurice Ifergan a bien fait de mettre ce sujet en exergue, ce matin ; c’est donc la très intéressante remarque du sagace rédacteur en chef de Good morning Tel Aviv (I24News) qui m’a soufflé l’idée de mon papier quotidien.

Le prince héritier saoudien est tout juste âgé de trente et un ans et est ami du gendre du Président Trump, J. Kuchner qui est de la même génération que lui. Son père, l’actuel roi Salmane, l’a mis en tête de la liste des héritiers du trône d’Arabie. Il a donc toutes les chances de régner sur le royaume wahhabite, si tout se passe comme prévu.

Les récentes déclarations du prince saoudien Mohammed ben Salman

 

Qu’a dit le jeune prince qui fait déjà, depuis plusieurs mois, figure de véritable homme fort du royaume. Elevé et formé dans les grandes universités US, il a enfin compris qu’il fallait réorienter l’effort économique de son pays vers une industrie et une technologie post-pétrolières. C’est une véritable révolution culturelle qu’il impose au royaume qui change entièrement de cap pour s’intéresser aux nouvelles technologies et à la jeunesse. Ce dernier point est très important : le prince a fait un discours dont la tonalité moderniste et anti-islamiste a été fort applaudie par un auditoire fourni. Il était assis sur l’estrade auprès d’une dame non voilée qui, elle aussi, a suivi le mouvement d’applaudissements nourris.

Plus de la moitié de la population saoudienne aura moins de trente ans dans quelques années. Si l’on maintient le royaume dans ce système de mœurs qui tourne le dos au progrès et au monde de demain, le royaume n’y survivrait pas. Il a fallu tant de drames, de déconvenues du camp arabo-musulman, de haines tous azimuts, pour qu’un jeune despote éclairé puisse enfin déclarer haut et fort qu’il est temps de faire machine arrière, de regarder l’avenir en face et de ne plus aller à contre-courant de l’histoire et tout simplement du bon sens.

Mais il ne s’en est pas tenu à des généralités puisqu’il a désigné l’adversaire qu’il entend combattre, l’intégrisme et le fanatisme musulmans qui ont maintenu son pays dans des traditions moyenâgeuses (à ne pas confondre avec médiévales, en raison de l’extrême richesse du Moyen Age). Le prince a dit qu’il fallait s’en revenir à un islam tolérant et ouvert (verbatim), changer d’attitude à l’égard des autres religions… Et je rappelle qu’en Arabie Saoudite la pratique d’un autre culte que l’islam est très risquée. C’est un évêque anglican, rencontré à Paris lors d’un déjeuner, qui m’a avoué avoir organisé des messes dominicales à Ryad en toute discrétion… pour ne pas dire dans le plus grand secret. Il a même évoqué en termes obscurs le cas de femmes venant se convertir à l’insu de leurs familles.

De telles déclarations du prince Mohammed ben Salmane vont être scrutées à la loupe tant en Israël que dans toutes chancelleries occidentales. Malheureusement, elles le seront aussi dans le camp intégriste qui va se sentir menacé et va tenter par tous les moyens à sal disposition de contrecarrer de telles mesures. On espère que des moyens plus radicaux ne seront pas employés pour l’empêcher d’agir.

Quelles seraient les conséquences de cette nouvelle politique du royaume wahhabite et ses répercussions dans le monde arabo-musulman ? Pour commencer, rappelons que l’Arabie est, de fait, la gardienne des lieux saints : la Mecque et Médine s’y trouvent et l’Iran, ennemi déclaré du royaume, entend reprendre cette place si enviée dans le monde musulman, même si les Iraniens, ne sont pas des Arabes mais des Perses.

En disant qu’il faut de la tolérance, du dialogue interreligieux, ne plus aider le terrorisme en le finançant, le jeune prince a en fait émis un nouveau postulat, qui, s’il réussissait à s’imposer, transformerait la situation de fond en comble : le salafisme n’est pas l’islam. Chaque religion prône l’amour de Dieu et donc le respect de la vie humaine, pour la simple raison que les religions monothéistes nous enseignent que l’homme a été créé à l’image de Dieu. C’est une métaphore qui signifie que l’homme renferme en lui une étincelle divine…

D’un point de vue critique, on peut dire aussi que le prince, en parlant comme il l’a fait, dresse un constat : jusqu’ici, son pays a tourné le dos à ces idéaux de tolérance, d’acceptation d’autrui, du rejet de tout exclusivisme religieux, bref prône l’instauration d’un nouveau type de relations entre les gens : un nouveau dialogue des cultures.

Cette nouvelle attitude comporte aussi, à l’évidence, un volet politique. Les relations du monde arabo-musulman avec l’état d’Israël, considéré, à tort (si j’ai bien compris le prince) comme la préoccupation majeure, le problème numéro 1 de l’islam en général. Cela augure donc d’une nouvelle approche du conflit et de la volonté de le régler par des moyens diplomatiques.

Le Moyen Orient change à grande vitesse, la situation actuelle générée par Daesh et par l’entrisme iranien dans la zone, ont changé la donne : l’Arabie a compris (il était temps !) que ses jours étaient comptés si elle ne changeait pas. Cela m’a fait penser à la visite de Gorbatchev en RDA, peu de temps avant son effondrement : ceux qui n’y prennent pas garde, ne tirent pas les leçons de l’histoire, seront balayés par le vent de l’Histoire.

L’Arabie a compris que ses institutions, ses structures socio-politiques (le statut des femmes, la religion et son influence au sein de la vie de tous les jours) et tant d’autres mesures rétrogrades ne pourraient pas résister au tsunami du progrès, de la mondialisation et de la digitalisation. N’oublions pas le rôle de l’internet dans la destitution du président Hosni Moubarak. Par ailleurs, la récente visite du roi Salman en personne à Moscou aurait dû nous alerter sur ce vent du changement.

Mais ne crions pas victoire trop tôt : le Proche Orient ignore encore Descartes. Tout peut arriver même si rien ne l’annonce vraiment…

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