Mais où s’arrêtera donc Vladimir Poutine?
En considérant l’émoi dans lequel les agissements supposés de certaines forces russes (officielles ou supposées telles) ont plongé les grandes capitales occidentales –lesquelles n’ont jamais réagi comme elles auraient dû réagir- je me suis souvenu d’une remarque frappée au coin du bon sens de feu Georges Pompidou. L’ancien président français comparait l’Union Soviétique de son temps à une marée montante, une sorte de fleuve impétueux. Il disait, en gros, que si vous mettez toute une haute montagne sur le parcours d’un tel fleuve, celui-ci la contourne, il dévie de sa route sans dévier de son objectif. Mais si vous érigez une digue, digne de ce nom, alors vous stoppez la submersion… Vous avez deviné : le fleuve, c’est la politique agressive de l’ex URSS et la digue c’est une politique occidentale qui ose l’affronter sans jamais baisser la garde.
Si le défunt président a l’opportunité d’observer, de là où il se trouve, ce qui se passe depuis la tentative de meurtre de Salsbury, il peut se dire que l’on a négligé ses conseils. Or, ceux ci étaient très fondés et parfaitement adaptés à la situation présente.
Mais où s’arrêtera donc Vladimir Poutine?
Mais voilà, l’Occident n’a rien fait, n’a rien dit :On n’a rien dit ni fait lorsque la Russie a fomenté des troubles en Géorgie. On n’a rien dit ni fait quand la Russie a déstabilisé l’Ukraine pour l’empêcher de rejoindre l’UE On n’a rien dit ni fait quand la Russie a annexé la Crimée.
En gros, on n’a rien fait ni dit lorsque la Russie de Vladimir Poutine a enfreint une règle absolue pour la sécurité et la paix sur notre continent : modifier par l’usage de la force, les frontières héritées de la seconde guerre mondiale. Certes, l’UE a voté des sanctions économiques qui ne gênent, en réalité, que les couches les plus vulnérables de la société russe, sans toucher aux privilèges de la nomenklatura post-communiste. Même l’Amérique de Donald Trump n’a pas sorti la grosse artillerie… C’est seulement aujourd’hui que l’Occident se réveille et rappelle brutalement V. Pourine au respect des règles. Cet homme a un passé derrière lui, celui d’un maître espion qui n’a pas hésité à dire que le jour le plus triste de sa vie fut celui de la désintégration de l’URSS…
C’est donc son objectif majeur ; redorer le blason de l’ancienne grande puissance que fut la défunte URSS, coûte que coûte. Il pince les cordes bien tendues du nationalisme russe, sans le moindre égard pour les anciens Etats-satellites du glacis soviétique : je rappelle que cela signifiait en réalité l’asservissement de dizaines de millions d’êtres humains qui devaient obéir au diktat de Moscou, au doigt et à l’œil. Sans même parler des méfaits insupportables de la guerre froide.
- Poutine considère qu’il faut restaurer la grandeur passée de son pays. Un pays qu’il a mis sous coupe réglée, puisqu’il va sûrement être réélu sans problème avec un score à la soviétique. Les Occidentaux n’ont pas vraiment réagi à toutes ses provocations. Or, c’est ce que cet homme observe : l’immobilisme des autres nations, quoiqu’il fasse : dans ce cas, pourquoi voulez vous qu’il s’arrête ? Il n’a aucune raison de le faire.
Les Etats baltes tremblent devant cet activisme russe ; la Pologne réarme visiblement, tétanisée par le danger que son ex suzerain pourrait représenter pour elle ; l’Ukraine, on l’a vu, a été sévèrement punie, victime de bombardements et de tentatives d’attentats. Face à cela, Moscou rejette toutes les accusations d’ingérence. Et avec quelle morgue !
En Syrie, l’incurie et l’impéritie d’Obama ont permis à la Russie de faire en Syrie la pluie et le beau temps. Il manipule tout le monde, se joue des contradictions séparant ses alliés conjoncturels au gré du temps, les Iraniens contre les Turcs, et inversement, Israël contre le Hezbollah et inversement puisque les avions de l’Etat hébreu ne sont guère inquiétés lors de leurs incursions dans le ciel syrien, pourtant bien contrôlé par Moscou…
Mais la tentative de neutralisation de cet ex agent double a tout changé. L’actuelle Première Ministre britannique a décidé que cela ne passerait pas. Et elle a pris des mesures contraignantes, lesquelles n’auront pas vraiment un effet dissuasif. Ce qui ferait bien l’affaire, c’est le gel des avoirs de V. Poutine à l’étranger et ceux de ses amis oligarques. Donald Trump a enfin commencé à le faire… C’est la seule chose qui puisse changer la donne.
Comment faire pour enfoncer un coin entre V. Poutine et les forces vives de la nation russe ? Le pays a très mal vécu le passage du communisme à l’économie libérale ; des millions de gens se sont retrouvés exposés à la perte de leur emploi et donc au déclassement. Les retraités, de plus en plus nombreux, vivent péniblement. Arrive un homme casqué et botté qui entend relever le défi et restaurer la fierté nationale. IL faut voir comment les anciens bâtiments de la flotte soviétique rouillent dans l’indifférence générale, symbole d’une gloire passée et d’une ruine bien présente. Même au plan démographique, la Russie enregistre une baisse inquiétante.
Récemment V. Poutine a parlé d’armes invincibles. De telles déclarations rappellent des souvenirs étranges. On se souvient d’un dictateur allemand, responsable de la mort de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, parlant d’armes secrètes, surclassant tout système d’armes existant alors, Or, cette même Russie a perdu des millions d’hommes dans cette seconde guerre mondiale, c’est dire… Et il ne s’est trouvé aucun conseiller suffisamment lucide pour dire à V. Poutine qu’il faisait fausse route et ne devait pas user de telles expressions. Aurait-il suivi ce conseil, le cas échéant ? C’est peu probable.
On a relevé une déclaration récente de cet homme au sujet des traitres qu’il convenait d’empêcher de nuire, en les neutralisant définitivement. Il semble bien que l’attentat de Salsbury en soit l’illustration macabre. Les auteurs de l’attentat qui ont peut être agi de leur propre chef ont voulu faire plaisir à leur chef. Est ce plausible ? Je l’ignore mais il semble que le gouvernement britannique dispose de renseignements sûrs pointant la Russie, au plus haut niveau de ses échelons politiques.
Que faut il faire pour ramener V. Poutine dans le respect de la légalité internationale ? Difficile à dire. Certes, il y a cette crainte que l’empire russe a toujours eue, au sujet d’un éventuel encerclement. Or, depuis 1989, date de la chute de l’URSS, l’OTAN et l’UE n’ont pas cessé de se rapprocher des centres vitaux de la Russie ou de ce qui en restait. Poutine a su exploiter ce sentiment d’abandon et cette volonté de reconquérir le terrain perdu. D’où les leçons infligées à des voisins qui entendaient sortir définitivement de l’orbite russe…
Une fois la crise passée, il faudra proposer à la nouvelle Russie un autre genre de contrat. Mais cela ne sera pas possible avant quatre longues années…